Les promoteurs immobiliers déçus par les mesures du PLFR
En crise, le secteur immobilier a eu droit à deux petites mesures de soutien dans le projet de loi de finances rectificative, amendées à la première Chambre pour en augmenter la portée. Un premier pas apprécié, mais qui reste limité pour une véritable relance, selon les professionnels.
Les professionnels du secteur immobilier attendaient le PLFR avec impatience pour voir comment l'Etat les soutiendra dans la relance. Finalement, ce texte n'a apporté que des mesurettes qui ont déçu les promoteurs. Certes elles ont été améliorées avec des amendements à la première Chambre, mais les attentes sont beaucoup plus grandes.
Parmi toutes les demandes de la profession pour redynamiser les transactions dans le secteur, comme la réduction des taxes à la Conservation foncières, la baisse des droits d’enregistrement sur l’ensemble des transactions immobilières, ou encore l’annulation du référentiel des prix de la DGI, seules deux mesures ont été accordées dans le PLFR.
Le ministère des finances a proposé, dans la mouture initiale du PLFR, une réduction de 50% sur les droits à l’enregistrement pour les biens construits à usage d'habitation dont le prix ne dépasse pas 1 MDH. Au Parlement, un amendement adopté a relevé ce plafond à 2,5 MDH et élargit la réduction aux terrains destinés à la construction.
Deuxième mesure, le ministère des finances a proposé de proroger de six mois les délais des conventions conclues entre l’Etat et les promoteurs immobiliers qui ont des difficultés à achever la réalisation dans le délai de 5 ans, leurs programmes de construction de logements sociaux qui se trouvent dans leurs phases finales. Au Parlement, un amendement adopté a prorogé d'une année les délais de réalisation des projets relatifs au programme des logements sociaux dont l'autorisation de construire à été obtenue avant l'état d'urgence sanitaire.
Dans un communiqué du ministère de l’Habitat, daté du 9 juillet, il y est également indiqué que d’autres mesures fiscales transversales dédiées sont prévues par la loi de finances rectificative 2020. Ces dernières concernent notamment « l’étalement de certaines dépenses liées à la pandémie » ou encore « le report des échéances des mesures dérogatoires relatives à la régularisation spontanée de la situation fiscale des contribuables », indique le communiqué du ministère de Nouzha Bouchareb.
Mais l’effort apporté dans le PLFR, même s’il est le bienvenu, ne sera pas suffisant pour venir épauler une demande, cruciale dans le redémarrage du secteur immobilier, mais déjà en forte difficulté financière. En effet, comme l’expliquait Médias24, compte tenu des impacts économiques de la crise, des centaines de milliers de travailleurs sont toujours en arrêt d'activité, avec des baisses drastiques voire des pertes de revenus. Et une vague de licenciements se prépare dans le secteur privé venant injecter encore plus d’incertitude sur un marché déjà atone. Dans le même sens, le possible report de l’augmentation du SMIG initialement programmée pour ce mois de juillet, privera de nombreux ménages de capacités d'endettement additionnel.
Dans le PLFR, il n'y a aucune mesure de soutien à la demande, comme une baisse de l'impôt sur le revenu ou l'instauration d'une allocation permanente de soutien aux ménages.
D'avantage de mesures en 2021 ?
Pour les professionnels de l’immobilier, le constat est clair. Les mesures déployées ne sont pas suffisantes. Pour Mustapha Allali, vice-président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), le bilan est en demi-teinte. « Nous sommes déjà contents que ce plafond (pour la réduction des droits d'enregistrement, ndlr) soit revu à la hausse par rapport à le première mouture du PLFR. C’est une bonne chose et nous espérons que cela va booster les ventes. En revanche d’autres mesures clés n’ont pas été prises », déplore le vice-président. Ces dernières concernent majoritairement l'amélioration de la capacité de financement de la demande. « Notamment une baisse des taux d’intérêts au niveau des banques. C’est un point très important car avec le covid-19, beaucoup de gens ont vu leurs revenus chuter. Je vois mal comment ces gens peuvent contracter des prêts avec les taux appliqués en ce moment », explique Mustapha Allali.
Car même si Bank al Maghrib (BAM) a revu son taux directeur à la baisse (1,5%), permettant aux banques de se refinancer moins cher, l’effet ne se ressentira pas nécessairement et immédiatement sur toutes les catégories de crédits et au niveau de toutes les banques. De plus, avec l'augmentation des impayés bancaires causés par la crise, ces dernières sont de plus en plus strictes dans les conditions d'octroi de prêts. « Les banques sont même réticentes à octroyer des prêts car la situation économique de chacun est délicate à cause de cette pandémie. Nous ne demandons rien en faveur des promoteurs. Nous voulons avoir des acquéreurs qui peuvent acheter. Un effort doit être fait pour le soutien à la demande »; insiste Mustapha Allali.
Il est clair que le marché des crédits est libre et l'Etat ne peut pas décréter une baisse des taux. Mais il a la capacité, par exemple, d'agir par exemple sur la TVA sur les taux d'intérêt, qui est de 10% et dont la suppression se traduirait, pour un crédit au taux TTC de 4,5%, par une baisse à 4% environ, avec tout ce que cela implique comme réduction du coût global du crédit et amélioration de la capacité d'endettement des ménages.
Parmi les autres demandes oubliées dans le cahier de doléances de la FNPI, les frais de la conservation foncière n’ont pas non pas été revus à la baisse, laissant un niveau de taxes onéreux dont doit s’affranchir l’acquéreur. « Aujourd’hui, cela reste très cher. Un acquéreur qui achète un bien immobilier doit payer dans les 6% entre la conservation foncière, l’enregistrement, les frais du notaire, etc… ce qui est énorme. Et cela n’a malheureusement été revu que partiellement », déplore le vice-président de la FNPI.
Pour son homologue, Rachid Khayatey, autre vice-président de la FNPI, la relance immobilière ne peut se faire que dans le cadre de la prochaine loi de finances. « Pour une vraie relance de la demande, il faut travailler sur la nouvelle loi de finances à partir de septembre prochain. Aujourd’hui ce sont des mesures qui vont légèrement encourager l’acquéreur mais ce ne sera pas un détonateur. C’est le client qui va pousser ce secteur. Les primo acquéreurs méritent des mesures. Ne donnez plus rien aux professionnels, renforcez le pouvoir d’achat du consommateur. C’est la demande qui créera l’offre ».
Parmi les différents soutiens à la demande que les professionnels de l’immobilier auraient souhaité qu'ils soient adoptés : « Le prolongement de la durée du crédit jusqu’à 25 ans n’a pas été considéré. Il est toujours limité à 20 ans aujourd’hui. Il en est de même pour la quotité de remboursement des prêts. Nous souhaitons qu’elle atteigne 50% au lieu de 40% aujourd’hui ». Des mesures non fiscales donc, mais bancaires, qui doivent être négociées avec Bank Al-Maghrib plutôt qu'avec le ministère des finances.
Car même si ce coup de pouce fiscal est bienvenu, les promoteurs n’oublient pas de mettre en exergue qu’il ne durera que jusqu’au 31 décembre 2020. « Tant mieux que le seuil (pour la réduction des droits d'enregistrement, ndlr) ait augmenté, c’est clairement bienvenu et cela va éventuellement encourager les gens à passer à l’achat. Maintenant, j’aurais souhaité que l’on libère entièrement les transactions. D’autant plus que c’est une durée de 5 mois… C’est à peine une durée de réflexion d’achat et de contraction de crédit », nous explique un promoteur immobilier de la place.
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