Couples non mariés à l'hôtel : les déclarations de Ouahbi ne lèvent pas le flou juridique

Les déclarations du ministre de la Justice mettent les hôteliers devant un dilemme : demander le contrat de mariage et risquer une infraction à la loi sur les données personnelles ; ne pas le demander et risquer une poursuite pour "préparation d'un lieu de débauche". Un cas concret d'insécurité juridique.

Couples non mariés à l'hôtel : les déclarations de Ouahbi ne lèvent pas le flou juridique

Le 23 juin 2024 à 16h30

Modifié 24 juin 2024 à 6h42

Les déclarations du ministre de la Justice mettent les hôteliers devant un dilemme : demander le contrat de mariage et risquer une infraction à la loi sur les données personnelles ; ne pas le demander et risquer une poursuite pour "préparation d'un lieu de débauche". Un cas concret d'insécurité juridique.

Un hôtel n'a pas le droit de solliciter l'acte de mariage pour l'hébergement d'un couple. Il s'agirait même "d'une infraction à la loi sur la protection des données personnelles", estime Abdellatif Ouahbi. Le ministre de la Justice l'a affirmé lors de son récent passage dans l'émission Point à la ligne, sur la chaîne publique Al Oula.

Le ministre réitérait ce qu'il avait clamé quelques semaines plus tôt, cette fois-ci au Parlement. Des déclarations tranchées, mais qui ne lèvent pas le flou juridique autour de la question. Et qui, surtout, n'endiguent pas le risque de condamnations judiciaires.

La preuve avec ce cas récent. Le 3 juin, la gérante d'un hôtel a été condamnée aux côtés de deux clients non mariés qu'elle avait hébergés dans son établissement situé à Sidi Kacem. Sentence : un mois de prison ferme pour la première, un mois avec sursis pour le couple.

La gérante n'a pas été sanctionnée "pour défaut de sollicitation d'un contrat de mariage". Cette infraction, en tant que telle, n'existe pas dans le Code pénal marocain. Mais, dans la pratique, ce comportement est indirectement puni sous d'autres qualifications.

En l'occurrence, l'intéressée a été reconnue coupable de "mise en place d'un lieu de prostitution" et "défaut d'inscription d'un client de l'hôtel dans le registre prévu à cet effet". Quant au couple, il a été condamné pour "relation sexuelle hors mariage". Le tribunal de Sidi Kacem a ainsi validé les chefs de poursuite relevés par le procureur du Roi.

Les déclarations de Ouahbi ont-elles entraîné la gérante dans une imprudence juridique ? En réalité, l'arrestation des prévenus a précédé de quelques jours la première sortie du ministre. Le deuxième élément concerne les faits à l'origine de l'arrestation.

En effet, la prévenue a été condamnée sur la base de l'article 502 du Code pénal, qui implique des comportements habituels. Ce texte punit ainsi le fait de "posséder, gérer, exploiter, diriger, financer ou participer au financement de tout établissement ouvert au public ou habituellement fréquenté par le public, en acceptant la présence habituelle d'une personne ou d'un groupe de personnes s'adonnant à la débauche ou à la prostitution".

Dans la pratique, les professionnels savent qu'aucun texte clair ne les oblige à réclamer l'acte de mariage aux couples. Sondée par nos soins, une source sécuritaire évoque plutôt une règle extra-légale, établie entre forces de l'ordre et hôtels pour prévenir la prolifération de la prostitution et du tourisme sexuel. Pour les établissements touristiques, demander un certificat conjugal est une manière de se protéger contre les poursuites éventuelles.

Les déclarations du ministre mettent ces mêmes hôteliers devant un dilemme : demander le contrat de mariage constitue pour lui une infraction à la loi sur les données personnelles.

En faisant fi de cette demande, ils encourent le risque d'une poursuite dans le cadre de l'article 502 du Code pénal.

Plus qu'un dilemme, c'est un cas concret d'insécurité juridique, une plaie décrite avec insistance dans le rapport sur le Nouveau Modèle de développement.

Les propos de Abdellatif Ouahbi, pour pertinents qu'ils soient, n'engagent que lui. Ils n'engagent surtout pas les magistrats. Cette indépendance avec l'exécutif concerne évidemment les juges du siège. Mais depuis 2017, elle s'étend également aux procureurs qui ne sont plus soumis à la tutelle du ministère de la Justice. Aujourd'hui, ce département ne dispose que d'un levier pour agir : légiférer pour lever le flou juridique.

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