Contre les pesticides, la nécessaire éducation des utilisateurs et des consommateurs: un cri d'alarme de Bouazza Kharrati

Entre vente anarchique et utilisation dangereuse, une sensibilisation et un cadre légal sont nécessaires pour encadrer le secteur des pesticides. Voici la lecture de Bouazza Kharrati, président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs.

Contre les pesticides, la nécessaire éducation des utilisateurs et des consommateurs: un cri d'alarme de Bouazza Kharrati

Le 12 mai 2024 à 11h23

Modifié 12 mai 2024 à 11h23

Entre vente anarchique et utilisation dangereuse, une sensibilisation et un cadre légal sont nécessaires pour encadrer le secteur des pesticides. Voici la lecture de Bouazza Kharrati, président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs.

"Il est inconcevable qu’un secteur aussi important que celui des pesticides, qui représente même un problème de santé publique, ne soit pas dûment réglementé", regrette Bouazza Kharrati, président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs, joint par Médias24.

"La problématique des pesticides est internationale. Elle pose de plus en plus de verrous pour l’exportation des produits agricoles vers l’Union européenne, qui utilise cette barrière sanitaire en fonction de ses besoins".

Pour illustrer ses propos, Bouazza Kharrati évoque une dérogation du ministre français de l’Agriculture datant d’avril 2024 relative à l’emploi d’un herbicide pour le traitement des rizières de la Camargue, alors même qu’il n’est pas homologué par l’UE... et est reconnu cancérigène "Pourtant, lorsque des traces de pesticides sont détectées sur les produits agricoles marocains, c’est la levée de boucliers !"

Il rappelle, par ailleurs, que les pesticides inquiètent aussi bien le consommateur marocain qu’européen au vu des graves dangers sanitaires qu’ils peuvent induire par effet cumulatif et synergique. "Le consommateur ingurgite des substances toxiques qui s’accumulent dans sa matière lipidique. A un certain niveau, elles deviennent cancérigènes ou causent d’autres maladies. Ce sont des intoxications chroniques, car les symptômes n’apparaissent qu’au delà de 5 ans et plus".

Pour Bouazza Kharrati, la seule solution est l’éducation des utilisateurs et des consommateurs. Elle devient "l’axe principale pour atténuer les méfaits" des pesticides.

Agriculteurs, élus et consommateurs, des cibles à sensibiliser

Bouazza Kharrati estime qu’un cadre légal est de mise, mais aussi une éducation des utilisateurs et des consommateurs. Les utilisateurs se répartissent entre les agriculteurs et le personnel communal.

Concernant les agriculteurs, notre interlocuteur souligne que "le problème est celui de la formation". Selon lui, le ministère de l’Agriculture doit sensibiliser les professionnels du secteur à la problématique des pesticides et aux dangers que représentent ces substances. Un danger d’autant plus sérieux en l’absence de normes de dosage, de matériel de protection (masque, lunettes, etc.), mais aussi d’hygiène (réutilisation des bidons de pesticides vides).

Quant aux collectivités territoriales, Bouazza Kharrati rappelle qu’elles sont "responsables du traitement des parasites à travers des campagnes de désinsectisation menées chaque année en début d’été dans les villes, les périphéries, les marécages, etc. Or ces pesticides pénètrent directement dans les maisons, que ce soit à travers l’air ou les souliers".

Au sujet des consommateurs, notre interlocuteur estime que l’éducation doit passer par une sensibilisation des mesures à adopter en cas de réutilisation des contenants qui ont servi à transporter les pesticides, mais aussi celles à adopter avant de consommer les fruits. Il estime qu’il est indispensable d’éplucher les fruits tels que la pomme qui contient, au minimum, sept variétés de pesticides. "Ce qui peut aller jusqu’à 21 molécules. Et c’est très grave", souligne-t-il.

Par ailleurs, il prévient contre l’utilisation chaotique des aérosols dans les intérieurs. "Ce sont des substances toxiques qui sont autorisées par le ministère de la Santé et non pas par le ministère de l’Agriculture", rappelle notre interlocuteur.

Ce dernier espère que ces deux autorités gouvernementales collaborent davantage pour "sensibiliser et in fine diminuer le risque d’intoxication chronique chez le consommateur marocain, mais aussi chez les professionnels qui, eux, sont susceptibles d’être intoxiqués de manière plus grave".

Encadrer l’usage et la vente

Au-delà de la sensibilisation nécessaire, Bouazza Kharrati estime qu’un changement doit être opéré en matière de commercialisation. Pour lui, la procédure d’autorisation d’importation se passe très bien. "Là où le bât blesse, c’est lorsque les produits arrivent au niveau de l’étalage des marchands."

"N’importe qui peut les vendre. Or les pesticides sont des médicaments, à l’instar des médicaments à usage vétérinaire et humain. Pour les utiliser, il faut des années d’études, voire un bac+7, alors que les pesticides peuvent être utilisés par n’importe qui et n’importe comment. Il existe une anarchie dans la vente", déplore le président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs.

Notre interlocuteur regrette également l’abandon d’un projet de loi qui devait réglementer ce secteur mais qui n’a "jamais vu le jour". Aujourd’hui, il estime qu’il est indispensable de prévoir un cadre de vulgarisation de l’utilisation des pesticides, de respect des doses, de volume d’appareillage, de conseils quant au climat à choisir avant de traiter, car il faut éviter les jours de pluie ou de forts vents qui contribuent à faire disperser les pesticides.

Pour lui, il faut octroyer des autorisations de vente à des spécialistes formés. Par exemple, à des biologistes détenteurs d’un bac +3. Le but est de s’assurer de leurs compétences et de leur créer de l’emploi. C’est à des personnes dûment formées de vendre des produits dont les risques sont importants.

"La prévention en matière d’utilisation des pesticides va permettre de diminuer le nombre de cancers. Même s’il y a plusieurs facteurs derrière cette maladie, les pesticides jouent un rôle très important à son développement. La maîtrise de leur usage contribue à sauvegarder la biodiversité. Plus de 60% des insectes ont disparu à cause des pesticides. Et cela conduit à la disparition d’animaux qui s’en nourrissent. Il y a une rupture du cycle biologique de la vie", conclut Bouazza Kharrati.

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