Étude. Au Loukkos, surutilisation des pesticides dans les cultures de pommes de terre

Une étude fait état d’une utilisation massive des pesticides dans les cultures de pommes de terre au niveau du périmètre irrigué du Loukkos. Un défi majeur pour le développement d’une agriculture durable.

Étude. Au Loukkos, surutilisation des pesticides dans les cultures de pommes de terre

Le 14 février 2023 à 18h35

Modifié 3 août 2023 à 23h51

Une étude fait état d’une utilisation massive des pesticides dans les cultures de pommes de terre au niveau du périmètre irrigué du Loukkos. Un défi majeur pour le développement d’une agriculture durable.

L’étude, intitulée "Assessment of phytosanitary practices on the environment : case stady potato of Loukkos (North-West Morocco)", a été réalisée par trois chercheurs marocains, Mohamed Abbou, Mohamed Chabbi et Mohamed Benicha. Publiée début février 2023, elle a pour objectif d’évaluer l’utilisation des pesticides dans les cultures de pommes de terre dans le périmètre du Loukkos, ainsi que leur impact sur l’environnement et la santé humaine.

Elle démontre "une surutilisation des pesticides, due au non-respect des bonnes pratiques phytosanitaires, qui peut conduire à une augmentation des facteurs de risque, tant pour l’environnement que pour la santé humaine".

"Une meilleure maîtrise de l’utilisation de ces substances permettra d’améliorer la production, de préserver la qualité sanitaire de la pomme de terre produite dans cette zone, et d’être au cœur des enjeux du développement durable", expliquent les chercheurs. Cette maîtrise peut passer, par exemple, par l’interdiction des substances les plus toxiques ou par l’utilisation de substances biodégradables.

Contexte de l’étude

La pomme de terre est l’aliment le plus répandu au monde, après le blé, le riz et le maïs. Au Maroc, c’est l’une des cultures les plus importantes d’un point de vue économique. La superficie ensemencée varie entre 50.000 et 60.000 hectares (ha) par an, et représente 18% à 19% de la surface totale des cultures maraîchères.

Cet aliment est produit principalement dans les zones irriguées, notamment le périmètre du Loukkos, une zone très importante dans l’économie de la région nord-ouest du pays. Elle est toutefois caractérisée par l’utilisation massive de pesticides, car sensible à une grande variété de maladies, en particulier les pucerons et le parasite mildiou, qui peuvent réduire considérablement le rendement et la qualité.

Le mildiou est causé par le Phytophthora infestans. Cet agent pathogène provoque la pourriture de la tige et des feuilles, entraînant des pertes économiques importantes – pas moins de 10 milliards d’euros par an dans le monde. Cette maladie, qui ne peut être traitée qu’à titre préventif, est identifiable par des taches rondes et brunes localisées sur la face supérieure des feuilles.

Pour lutter contre ces différentes maladies, "les agriculteurs de la région n’ont pas d’autre choix que de recourir aux pesticides, seule méthode de protection pratique. La mauvaise utilisation de ces produits peut cependant nuire à la fois à la santé humaine et à l’environnement, y compris par la contamination des eaux de surface et souterraines, ainsi que du sol. L’exposition à ces substances affecte également la biodiversité", indiquent les chercheurs.

"A l’issue du Plan Maroc vert, le gouvernement a lancé ‘Green Generation 2020-2030’, une nouvelle stratégie agricole qui vise à promouvoir une agriculture moderne, avec des cultures à haute valeur ajoutée et adaptées aux marchés d’exportation, sauf que le basculement vers des pratiques intensives, tel que prévu par cette stratégie, augmentera davantage le risque de pollution de l’eau, de l’air et du sol d’origine agricole."

Des pratiques jugées alarmantes

L’étude a été réalisée auprès de 50 fermes, dans les zones d’El Aouamra, Oulad El Ghoumari, Zlaoula, Laghdira et Rhamna. Les chercheurs marocains ont utilisé trois indicateurs agro-environnementaux, qui peuvent faire office d’outils de suivi pour minimiser l’utilisation des pesticides dans le périmètre du Loukkos.

- Le nombre de traitements, qui reflète la somme totale des produits appliqués par passage sur la parcelle agricole au cours d’une campagne agricole. L’étude démontre que le nombre moyen de traitements appliqués sur les cultures de pommes de terre au Loukkos est de 19 par cycle : 14 traitements tout au long du cycle végétatif, ciblant principalement le mildiou, suivis de 4 traitements insecticides contre les pucerons pendant les mois ensoleillés, et un traitement herbicide pour contrôler toute la flore adventice présente dans les parcelles.

- La quantité de substances utilisées par hectare. Dans les fermes étudiées, elle s’élève à 14.90 kg/ha. Les fongiques sont les plus utilisés, à hauteur de 14,14 kg/ha, suivis des insecticides contre les pucerons (0,45 kg/ha) et des herbicides appliqués avant la plantation des semences avec 0,31 kg/ha.

- La fréquence de traitement, qui reflète l’intensité d’utilisation des pesticides sur une exploitation. La fréquence moyenne pour l’ensemble des exploitations étudiées est de 28,10, soit 28 traitements à la dose homologuée par cycle de culture.

"Toutes ces valeurs restent très élevées", estiment les chercheurs, "reflétant une forte utilisation des pesticides en culture de pommes de terre dans la zone étudiée".

Par ailleurs, "la résistance des ravageurs aux pesticides conduit les producteurs à augmenter davantage le nombre de traitements et de doses appliqués. Ces pratiques sont alarmantes, du fait de la dégradation et de l’accumulation des pesticides dans le milieu naturel. A long terme, cela peut entraîner des risques sanitaires et écologiques importants".

Les fongiques, pesticides les plus utilisés dans le Loukkos

L’étude démontre que les fongiques arrivent en tête des pesticides utilisés, à hauteur de 84% dans la région, suivi des insecticides (9%) et des herbicides (7%).

"Le fongicide préventif Mancozèbe est le plus utilisé dans toutes les zones enquêtées par les chercheurs, pour lutter contre le mildiou. Sa disponibilité sous plusieurs noms commerciaux et l’existence de plusieurs magasins de pesticides facilitent encore plus son utilisation. Le taux d’application varie entre 2 et 6 kg/ha par traitement, ce qui est deux à trois fois plus élevé que la dose approuvée."

Autre donnée fournie dans cette étude : sur les 31 produits utilisés, plus de 56% ne sont pas homologués pour la pomme de terre au Maroc ou sont destinés à d’autres cultures. De plus, 67% des pesticides utilisés dans cette région sont considérés par l’Organisation mondiale de la santé comme modérément dangereux.

"L’utilisation irrationnelle de ces pesticides peut avoir des effets chroniques et aigus sur la santé humaine, notamment celle des agriculteurs, en l’absence d’équipement de protection, [en raison également d’]un stockage inadéquat et du non-respect des bonnes pratiques d’utilisation, à cause de leur faible niveau d’éducation et du manque de formations qualifiantes."

Sur le front écologique, "66% de ces substances sont difficilement biodégradables, ce qui peut entraîner un risque écologique, en raison de leur persistance, et leur accumulation dans les sols, les surfaces et les eaux souterraines".

Les agriculteurs aggravent la situation par "l’application de pesticides en mélange sans aucune justification agronomique, ce qui peut avoir des effets nocifs sur la santé humaine, certaines substances pouvant être cancérogènes ou toxiques pour la reproduction".

Enfin, "les emballages et contenants de pesticides vides sont abandonnés dans la nature, et réutilisés ou brûlés dans les champs". Conclusion : "En l’absence d’intervention, ces mauvaises pratiques, associées à des valeurs élevées des indicateurs agro-environnementaux, pourraient causer de grandes inquiétudes pour l’environnement et la santé humaine, et constituer un frein au développement d’une agriculture durable."

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