Vente pyramidale : une pratique répandue mais rarement soumise à la justice

Avec à peine une vingtaine d’affaires détectées dans les juridictions nationales, selon une première recherche effectuée par Médias24, la vente pyramidale une escroquerie répandue, n'arrive que rarement entre les mains de la justice.

Vente pyramidale : une pratique répandue mais rarement soumise à la justice

Le 17 avril 2024 à 18h47

Modifié 17 avril 2024 à 18h59

Avec à peine une vingtaine d’affaires détectées dans les juridictions nationales, selon une première recherche effectuée par Médias24, la vente pyramidale une escroquerie répandue, n'arrive que rarement entre les mains de la justice.

En se présentant comme des “opportunités” pour “arrondir les fins de mois” ou pour “faire gagner des sommes importantes sans grands efforts”, des entreprises – parfois fictives – cachent un système d’escroquerie connu sous le nom de “vente pyramidale”.

Dernièrement, cette pratique prend de nouvelles formes ; elle est camouflée par des “projets d’investissements” et présentée par des entreprises, personnes ou comptes sur les réseaux sociaux dédiés au “développement personnel”, au “coaching professionnel” etc. L’idée est de vendre du rêve au public, en faisant croire à la victime que sa vie va changer à travers un investissement dont le bénéfice sera beaucoup plus important. Sachant qu'il faudra patienter pour recevoir ce soi-disant incroyable retour sur investissement.

La dangerosité de cette pratique est exacerbée par le rêve que vendent les réseaux sociaux. Entre la vie d’influenceur ou le parcours d’entrepreneur, la victime est appâtée par la facilité et par les images de réussite partagées.

Mais le recours à ce type d’escroquerie n’est pas nouveau. En août 2022, elle avait fait l’objet d’une alerte de Bank Al-Maghrib et de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) qui avaient mis en garde contre cette pratique aux lourdes conséquences pour les consommateurs, victimes de promesses de gains financiers illusoires.

Pour l’heure, rien n’indique que cette pratique ait pris de l’ampleur ou l'inverse. Cela dit, depuis les importantes affaires de Learn & Earn Cosmetique en 2015 et de “Joliwell”  en 2016, cette dernière faisant plus de 10.000 victimes dont certaines ont investi jusqu’à 100.000 DH, d’autres affaires ont commencé à se faire jour, mais timidement.

Peu d’affaires devant la justice

En 2017, le fondateur de la société Learn & Earn Cosmetique, Zakaria Fathani, avait été condamné à six mois de prison ferme et à une amende de 20.000 DH, mais aussi à restituer une importante somme d’argent à plusieurs victimes.

Jugé coupable de vente pyramidale à la suite d'une plainte de Bank Al-Maghrib, Zakaria Fathani avait été innocenté en appel ; mais reconnu coupable de réception de fonds publics, il a finalement été condamné à la même peine : six mois de prison ferme.

Depuis, l’on entend peu parler de vente pyramidale. Pourtant, des affaires de ce type sont présentées devant les juridictions nationales. Médias24 en a détecté 26, arrivées au stade du jugement entre 2016 et 2022. La majorité d’entre elles ont mené à des peines de prison de quelques mois avec sursis et à des amendes de 5.000 DH à 20.000 DH.

Mais avant même d'atteindre la phase judiciaire, certaines affaires éclatent au moment de l’arrestation des suspects. C’est ce qui est arrivé en 2022.

Selon des communiqués de la DGSN, dont un premier daté du 20 mai 2022, un individu a été arrêté à Mehdia pour avoir fait croire à ses victimes qu’elles le rejoignaient en tant qu’associées dans des entreprises opérant dans l’esthétique, mais celles-ci s’avèrent factices, puisque l’objectif de l’individu interpellé est de dépouiller ses victimes.

Idem pour un couple arrêté à Fès, le 7 septembre 2022. Il s’agit d’un citoyen turc et de son épouse marocaine, accusés d’escroquerie à travers des réseaux de vente pyramidale. Ce couple visait en particulier des femmes qu’il regroupait dans des groupes WhatsApp, les invitant à recruter d’autres personnes et à constituer un réseau, tout en investissant des montants qui dépassent des centaines de milliers de DH.

Il n’existe pas de statistiques quant à l’ampleur de cette pratique, mais quelques clics suffisent pour en constater la prolifération sur les réseaux sociaux. Désormais, des messages spam sont même envoyés aux victimes, abordées via des réseaux de communication tels que WhatsApp.

Double protection juridique

Se sentant souvent humiliées, les victimes ont honte de porter plainte. Pourtant, elles sont protégées par la loi, à la fois celle relative à la protection des droits des consommateurs, mais aussi le Code pénal qui, de manière générale, incrimine l’escroquerie. Les deux textes prévoient des sanctions plus ou moins sévères. Celles prévues pour les faits d’escroquerie le sont davantage ; ce qui explique le faible recours à la qualification juridique des faits en tant que “vente pyramidale”.

La loi 31-08 relative à la protection du consommateur interdit, dans son article 58, “le fait de proposer à un consommateur de collecter des adhésions ou de s’inscrire sur une liste en lui faisant espérer des gains financiers résultant d’une progression géométrique du nombre de personnes recrutées ou inscrites”. Le consommateur se retrouve aveuglé par l’espoir d’un gain financier que l’entreprise lui fait miroiter.

Dans son article 183, le même texte prévoit une sanction allant d’un mois à un an d'emprisonnement et une amende de 20.000 à 40.000 DH.

Au niveau du Code pénal, la sanction pécuniaire est plus légère, mais la peine privative de liberté est plus importante. L’article 540 de la loi pénale en vigueur dispose que “quiconque, en vue de se procurer ou de procurer à des tiers un profit pécuniaire illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses, ou par la dissimulation de faits vrais, ou exploite astucieusement l’erreur où se trouvait une personne et la détermine ainsi à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers, est coupable d’escroquerie et puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 500 à 5.000 DH”.

Il convient de noter que, selon le même texte, “la peine d'emprisonnement est portée au double et le maximum de l'amende à 100.000 DH si le coupable est une personne ayant fait appel au public en vue de l'émission d'actions, obligations, bons, parts ou titres quelconques, soit d'une société, soit d'une entreprise commerciale ou industrielle”.

À la différence de la vente pyramidale, dans le système frauduleux "Ponzi", il n’est pas question de vente de produits, mais d’une collecte de fonds faisant miroiter des rendements sans rapport avec la réalité économique.

Cette pratique illégale est à distinguer également de la vente indirecte ou par réseau de distributeurs qui, elle, est licite, puisque les bénéfices sont issus des commissions générées par la vente de produits ou de services effectivement réalisée.

Or, dans la vente pyramidale, ce n’est pas la vente du produit, mais le recrutement de nouveaux "adhérents" ou "filleuls" qui génère des gains. Lorsque les recrutements s'arrêtent, la pyramide s'effondre et les sommes investies s'envolent.

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