Sociétés sportives. Comment adapter le cadre légal aux besoins réels ?

Révision de la loi 30.09, ouverture à l’investissement, privatisation des clubs… Voici l’analyse juridique des sociétés sportives au Maroc, faite par Me El Mehdi Ezzouate, dans une interview accordée à Médias24.

Sociétés sportives. Comment adapter le cadre légal aux besoins réels ?

Le 3 mars 2024 à 11h14

Modifié 4 mars 2024 à 7h54

Révision de la loi 30.09, ouverture à l’investissement, privatisation des clubs… Voici l’analyse juridique des sociétés sportives au Maroc, faite par Me El Mehdi Ezzouate, dans une interview accordée à Médias24.

À l’aube d’une grande étape visant la professionnalisation du football national, à travers la future privatisation de la phase de formation, de nombreuses questions se posent quant à l’efficacité de la loi 30.09 qui a établi la transformation des clubs en sociétés sportives.

Est-il temps d’en revoir les dispositions ? Faut-il imposer aux clubs sportifs de laisser plus de marge aux investisseurs ? Quid de la forme juridique de ces sociétés ? La société anonyme est-elle la plus adaptée ? Voici la lecture de Me El Mehdi Ezzouate, avocat au barreau de Casablanca.

Médias24 : La loi 30.09 a imposé une transformation des associations sportives en sociétés sportives. Peut-on faire un bilan de cette phase de transformation et en jauger l’efficacité ?

Me El Mehdi Ezzouate : En partie oui, on peut parler d’une certaine efficacité relative à la relation professionnelle entre le joueur et le club, ou encore en matière d’accès au financement bancaire des clubs ; puisque le système bancaire donne plus d’accessibilité au financement aux entreprises qu’aux associations. Mais cela reste d'une efficacité limitée en raison de la pauvreté de la loi 30.09, relative à l’éducation physique et aux sports. Celle-ci n’a en aucun cas évoqué le terme ‘transformation’. Son article 15  dispose que ‘toute association sportive ayant une section sportive :

- dont plus de 50% des licenciés majeurs sont professionnels ;

- qui génère à l'association, au cours de 3 saisons sportives consécutives, une recette moyenne supérieure au montant fixé par voie réglementaire ;

- ou dont la masse salariale moyenne, au cours de 3 saisons sportives consécutives, excède un montant fixé par voie réglementaire.

doit créer une société sportive et en demeurer associée en vue d'assurer la gestion de ladite section’.

Autrement dit, les associations qui remplissent un certain nombre de conditions sont dans l’obligation de créer une société sportive qui gère leur activité professionnelle dont le tiers au moins des actions et le tiers au moins des droits de vote doivent être détenus par l'association sportive. Après la création, et selon l’article 19 de ladite loi, une convention est signée entre l’association sportive et la société pour une durée maximale de 10 ans sans renouvellement par tacite reconduction.

N’importe quelle association sportive, au moment de la création ou après, peut céder jusqu’à 69% aux investisseurs 

- Le but de cette “transformation” est de laisser une place aux investisseurs. Mais la majorité des sociétés sportives sont détenues à plus de 90% par les associations sportives. Faut-il modifier la loi pour accorder une plus grande place et plus de chances aux investisseurs ?

- La loi n’a pas obligé les associations à détenir 90% ou plus des actions. Par contre, elle dispose que les associations sportives doivent impérativement garder le tiers des actions et du nombre des droits de vote. Ainsi, n’importe quelle association sportive, au moment de la création ou après, peut céder une partie aux investisseurs, atteignant jusqu’à 69%.

Le fait que les associations gardent plus de 90% des actions s’explique par l’appréhension quant aux interprétations que pourront faire les supporters. Le grand public n’a pas encore compris la relation entre la société et l’association. La majorité croit qu’en cédant une partie des actions de la société à un investisseur, cela signifie qu’on lui a cédé une partie du club ou de l’association. Or, ce n’est pas le cas. Le club appartiendra toujours à son association et ses supporters. L’investisseur, lui, aura une partie des actions d’une société qui est liée par une convention avec le club. Une convention de 10 ans non renouvelable par tacite reconduction.

Concernant la révision de la loi, il est clair que celle-ci doit être revue dans le cadre d’une approche comparative avec les expériences pilotes dans les pays européens voisins. Et ce, dans le but d’encourager l’investissement dans le sport”.

Il faut mettre en place un régime fiscal spécial aux sociétés sportives

- La forme de S.A. est-elle la plus adaptée pour cette transformation visant la professionnalisation ? Et pourquoi ?

- Oui, je pense que la forme juridique S.A. (société anonyme) est la meilleure formule juridique pour une société qui va gérer un secteur d’une importance nationale tel que le sport. Et ce, parce que dans une S.A., et à travers le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, il y a plus de marge pour contrôler la gestion de la société par ses administrateurs. Cela dit, il faut mettre en place un régime fiscal spécial pour ces sociétés sportives.

Le sport est généralement un secteur déficitaire au Maroc qui vit, en majorité, grâce aux subventions étatiques. On ne peut en aucun cas traiter ces sociétés comme étant des entreprises commerciales.

- Dans un entretien exclusif accordé à Médias24, le président de la FRMF a indiqué qu'à partir de juillet prochain, les clubs auront la possibilité de ne gérer que l'équipe A et de confier toutes les équipes de jeunes à une société anonyme, créée avec le privé, qui se chargera de leur formation selon des moyens et des standards élevés. S’agit-il du changement dont le football marocain a besoin ?

-Il est clair que le travail du président de la FRMF, Faouzi Lekjaa, accompagné de celui du président de la Ligue nationale de football professionnel (LNFP), Abdeslam Belkchour, sont d’un professionnalisme exemplaire qui vise à améliorer le niveau du football national. Il est certes évident que le fait de confier la formation à une société indépendante constituée du capital privé ne peut être que bénéfique. Cela va assurer une formation aux moyens financiers et logistiques plus importants. Mais il ne faudra pas désarmer les associations de leur mission sportive éducative qui réside dans la formation des jeunes et des enfants.

Il est préférable de donner à cette nouvelle société sportive dédiée à la formation la possibilité de devenir un partenaire de formation de ces associations sportives. L’objectif doit être celui d’armer les associations avec des outils professionnels et d’un savoir leur permettant de poursuivre leur chemin par la suite, dans l’indépendance. L’idée est donc de les accompagner et de les mettre sur les rails.

- Faut-il le compléter par une modification de la loi actuelle ? Que faut-il adapter dans ce cas ?

-Comme sus-cité, il faut une refonte de cette loi. On ne peut pas prévoir un professionnalisme du sport en n’ayant que quelques articles d’une loi comme cadre légal, ce qui est incomplet et manque de clarté. Le développement juridique se construit sur l’expérience et sur les modifications. Mais il est temps de passer à la vitesse supérieure. Pour ce faire, il faut mettre en place un arsenal juridique capable de constituer une base solide pouvant garantir une stabilité pour cette étape supérieure.

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