Diplomate du Quai d’Orsay : la position de la France sur le Sahara a évolué et peut encore le faire

Selon un diplomate du Quai d'Orsay contacté par nos soins, les éléments de langage utilisés par le ministre français des Affaires étrangères sont totalement inédits. En assumant publiquement, et pour la première fois, la présence de la France dans les provinces du Sud, Stéphane Séjourné ouvre des perspectives qui pourraient déboucher à terme sur la reconnaissance officielle de la marocanité du Sahara.

Diplomate du Quai d’Orsay : la position de la France sur le Sahara a évolué et peut encore le faire

Le 28 février 2024 à 19h09

Modifié 28 février 2024 à 21h00

Selon un diplomate du Quai d'Orsay contacté par nos soins, les éléments de langage utilisés par le ministre français des Affaires étrangères sont totalement inédits. En assumant publiquement, et pour la première fois, la présence de la France dans les provinces du Sud, Stéphane Séjourné ouvre des perspectives qui pourraient déboucher à terme sur la reconnaissance officielle de la marocanité du Sahara.

Pas d’avancée notable sur la question de la reconnaissance de la marocanité du Sahara par le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, lors de sa visite à Rabat. Une interprétation qu'un membre de la délégation diplomatique parisienne qui l'a accompagné a tenu à nuancer en énonçant les progrès inédits de la France sur cette question.

 "La France assume désormais sa présence dans les provinces du Sud"

"C’est en effet la première fois qu’un ministre français reconnaît publiquement que notre pays fournit une aide économique aux provinces du Sud et que nos entreprises privées y sont présentes et multiplient les investissements", explique notre interlocuteur, laissant entendre que si le ministère français des Affaires étrangères n’a pas reconnu la marocanité du Sahara, les observateurs avisés ont bien compris que cette reconnaissance allait se faire progressivement.

Soulignant que sa fonction ne l’autorisait pas à déclarer qu’il s’agit d’une forme implicite de reconnaissance, notre interlocuteur estime que la multiplication des investissements français est toutefois significative, et que l’aveu de cette réalité constitue un véritable progrès ouvrant des perspectives qui n’étaient pas envisageables jusqu’à présent.

"La France est plus présente dans les provinces du Sud que l'Espagne"

Ainsi, la réponse de Stéphane Séjourné à la question de la journaliste de l’Agence France-Presse démontre, selon lui, que la France assume désormais sa présence dans le Sahara marocain, dans les domaines économique, culturel et éducatif.

Et d'ajouter que ce n'est pas le cas d’autres pays occidentaux qui sont pourtant de proches partenaires du Maroc.

À l’appui de ses propos, le diplomate rappelle que contrairement à la France, l’Espagne n’a ouvert aucune école ni centre culturel à Laâyoune ou Dakhla, et que sa présence économique au Sahara marocain est beaucoup moins importante que celle de la France.

Ce qui a changé par rapport à 2022

Depuis la dernière visite au Maroc de la précédente ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, en 2022, la position de la France a beaucoup évolué par la voix de son ambassadeur ou celle des députés français à l’Assemblée nationale qui ont admis que le Sahara était une cause existentielle pour le Royaume, souligne notre interlocuteur.

"Notre pays a bien compris que les Marocains veulent que les Français évoluent sur ce sujet ; nous ferons donc en sorte de satisfaire cette demande, mais cela ne pourra se faire que pas à pas, et non du jour au lendemain ou de façon brutale".

En d'autres termes, la question de la reconnaissance de la marocanité du Sahara n’est, par conséquent, plus un tabou pour la France, laisse encore entendre le diplomate.

"Une rencontre qui scelle une volonté commune de réconciliation"

En réponse aux éditorialistes ayant jugé glacial l’accueil de Nasser Bourita, notre source − qui faisait partie de la délégation venue de Paris − tient à informer que le Chef du Quai d'Orsay a discuté en tête-à-tête pendant une heure et demie avec son hôte marocain, avant de poursuivre les discussions dans le cadre d’un déjeuner de travail.

La longue durée de l’entretien prouve, selon lui, que "la page de la crise est tournée" d'autant plus qu'avant d’être nommé ministre, Stéphane Séjourné n'était pas en odeur de sainteté au Maroc sachant qu'il dirigeait le groupe parlementaire présidentiel Renew au Parlement européen, à l’origine de deux résolutions défavorables au Maroc.

S’il n’y avait pas eu une véritable volonté de réconciliation de part et d’autre pour mettre un terme "aux vives tensions qui ont duré trop longtemps", cette rencontre n’aurait pas été envisageable, souligne encore notre source, rappelant que, de janvier 2023 à janvier 2024, les représentants officiels de la France au Royaume étaient quasiment personæ non gratæ dans tous les événements organisés par les autorités marocaines.

"La satisfaction des attentes du Maroc relève de l’Élysée"

La France a bien compris, insiste notre source, que le Maroc attendait une évolution claire de sa position sur le dossier du Sahara marocain, mais elle préfère avancer pas à pas pour satisfaire ses attentes.

"Quoi qu’en pensent certains, il y a eu une indéniable évolution du langage de la France, mais si elle devait rejoindre la position de l’Espagne ou la dépasser par une reconnaissance directe, ce ne serait pas au ministre Séjourné de faire ce type d’annonce", déclare notre source en ajoutant que c'est le domaine réservé de l’Élysée, à l’image de l’Espagne qui a fait une annonce par la voix de son Premier ministre.

"Une nouvelle feuille de route permettra de s’adapter à l’évolution du monde"

En quoi consistera le nouveau partenariat bilatéral annoncé par le ministre ? La relation bilatérale devra faire l’objet d’une nouvelle feuille de route, répond notre source.

"Confrontés aux mêmes besoins et défis, on s’est aperçu que nous avions besoin l’un de l’autre et que nous étions complémentaires sur plusieurs sujets comme le développement durable, les énergies renouvelables, la présence en Afrique ...".

Ainsi, la démographie vieillissante de la France nécessite de s’accorder avec le Maroc sur une immigration choisie.

La nouvelle feuille de route, qui s’étalera sur trente ans, permettra de lister les priorités communes en matière d’économie, d’environnement, de développement, de sécurité, de formation, de mobilité étudiante, d’échanges européens et d’autres sujets à dépoussiérer.

"La balle est dans le camp du Maroc pour une visite du président français"

Le contenu de cette feuille de route sera, selon le diplomate, annoncé dans le cadre d’une visite d’État de l’un des deux chefs d’État, et détaillé lors d’une rencontre de haut niveau entre les ministres des deux pays.

Quid d’une éventuelle visite d’État au Maroc du président Emmanuel Macron, maintes fois reportée ? Le diplomate affirme qu’il est trop tôt pour se prononcer.

Nous avons compris que c’était aux autorités marocaines de décider du timing de cette visite, et certainement pas au chef d’État français, comme il l’avait maladroitement et unilatéralement fait, sans en aviser le Maroc, conclut notre interlocuteur qui espère cependant que cette visite aura lieu prochainement afin d'impulser une véritable reprise des relations.

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