Les explications d’Abdou Diop sur la mise en œuvre de la ZLECAf au Maroc

Abdou Diop, président de la commission Afrique de la CGEM, nous apporte son éclairage concernant l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine le 1er janvier 2024 sur le plan douanier et tarifaire.

Les explications d’Abdou Diop sur la mise en œuvre de la ZLECAf au Maroc

Le 30 janvier 2024 à 12h27

Modifié 30 janvier 2024 à 15h48

Abdou Diop, président de la commission Afrique de la CGEM, nous apporte son éclairage concernant l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine le 1er janvier 2024 sur le plan douanier et tarifaire.

Le 22 janvier 2024, l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) a publié la circulaire n° 6530/223 qui annonce la mise en œuvre, sur le plan douanier, de l’accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) au Maroc.

La circulaire présente la mise en œuvre du protocole sur le commerce des marchandises et du démantèlement tarifaire du droit d’importation et de la taxe parafiscale à l’importation. Quelles sont les implications concrètes de cette circulaire ? Quelles sont les étapes suivantes ?

Contacté par Médias24, Abdou Diop, président de la commission Afrique de la CGEM, nous apporte un précieux éclairage sur la récente circulaire de la Douane et plus généralement la ZLECAf qui constitue l’un des projets prioritaires de l’Union africaine.

"Cette transposition au niveau de la réglementation douanière marocaine des premiers résultats des négociations de la libéralisation des marchandises, longuement attendue, marque le démarrage effectif des échanges commerciaux dans le cadre de la ZLECAf pour le Royaume", nous explique d'emblée  Abdou Diop. 

Appliquer le principe de réciprocité entre les pays

La ZLECAf a été créée en 2018 et est entrée en vigueur le 30 mai 2019 avec pour but la mise en place d'un marché continental africain entre les pays signataires, dont fait partie le Maroc.

Ce marché commun, couvre différents volets, notamment le commerce des marchandises, le commerce des services, les investissements, les droits de propriété intellectuelle, la politique de la concurrence, le commerce électronique ainsi que l’inclusion des jeunes et des femmes africaines dans le commerce. "L’ambition est de mettre en place, à terme, une union douanière africaine", rappelle Diop. 

De ce fait, chaque pays signataire se doit de transposer ses engagements pris au niveau de l’accord dans sa législation et réglementation interne en vigueur. C’est dans ce cadre qu’intervient donc la circulaire de l'ADII.

Cette première circulaire porte, comme nous l'explique Abdou Diop, sur le volet commerce des marchandises de manière spécifique en définissant les trois axes suivants : premièrement, les principes directeurs et le périmètre de la mise en place des concessions tarifaires accordées par le Maroc ; ensuite, la liste des produits concernés par lesdites concessions, les règles d’origine y afférent et les principes de leur acquisition et de leur contrôle ; enfin, les modalités de démantèlement tarifaires pour différents groupes de pays.

Sur le volet des concessions tarifaires accordées par le Maroc, le démantèlement tarifaire porte non seulement sur les droits d’importation, mais aussi sur la taxe parafiscale d’importation ; en d’autres termes, les impôts directs qui greffent un produit importé par le Royaume. 

Cela dit, Abdou Diop soulève un détail important, à savoir "le principe de réciprocité". "Ce principe est appliqué de manière systématique. Si un autre pays membre de la ZLECAf n’accorde pas de concessions tarifaires au Maroc, l’exportateur de ce pays ne bénéficiera pas des avantages accordés en ce sens au niveau national", assure-t-il. 

Le démantèlement tarifaire démarre immédiatement pour 90% des produits

Le deuxième axe de la circulaire présente la liste des produits bénéficiant des concessions tarifaires.

Laccord de la ZLECAf retient trois listes : A, B et C.

"La liste A, objet de la circulaire marocaine, porte sur 90% des lignes tarifaires dont le démantèlement tarifaire démarre dans l’immédiat", explique Abdou Diop. 

La seconde liste, B, concerne les produits sensibles, représente 7% des lignes tarifaires et dont le démantèlement démarrera cinq ans après la date du démarrage arrêtée. La troisième liste, C, regroupe 3% des lignes tarifaires et porte sur les produits exclus de l’accord. 

"Ainsi, chaque pays établit ses trois listes en fonction de sa politique commerciale et de ses contraintes internes", poursuit Abdou Diop. 

"Pour le moment, au niveau du Maroc, seule la première liste a fait l’objet de transposition sur le plan douanier national à travers cette circulaire. Les autres listes devront en principe être publiées pour compléter le cadre réglementaire en la matière", précise-t-il. 

Ainsi, dautres circulaires seront publiées par le Maroc pour présenter le plan douanier pour les produits des listes B et C.

Protéger les produits agricoles et l’élevage marocains

L’analyse d’Abdou Diop de la liste A des produits soumis au démantèlement tarrifaire, montre que "l’approche adoptée par le Maroc est totalement alignée sur sa politique commerciale et sa stratégie de développement".

Il nous explique que ne figurent pas dans cette liste "les produits agricoles et de l’élevage qui restent protégés, notamment par les droits de douanes, en raison de l’importance de ces activités sur les plans économique et surtout social, dans un pays à forte dimension agricole comme le Maroc, soumis à des contraintes de stress hydrique". 

Dans ce même cadre, ne figurent pas, "à titre d’exemple, les animaux vivants et leurs viandes issues des races bovines, ovines, caprines, les volailles ainsi que leurs viandes".

"Le lait et les produits laitiers ne sont pas encore concernés par cette libéralisation immédiate. En revanche, les animaux reproducteurs et les poussins d’un jour (inférieurs à 185 g) font partie des produits de la liste, puisqu’ils ne sont pas destinés à la consommation mais plutôt au renforcement de la production", ajoute la même source.

Pour ce qui est des fruits et légumes, les produits à caractère stratégique et qui sont cultivés localement "ne démarreront pas leur processus de démantèlement, en tout cas pas dans l’immédiat. Il s’agit par exemple du blé et de l’orge, des légumineuses, des produits exportés comme les fruits rouges, l’avocat ou encore les olives". 

Pour les produits agricoles non ou faiblement cultivés au Maroc "comme le thé ou le café par exemple, leur démantèlement est prévu dans l’immédiat dans leur format brut mais ne figurent pas dans la liste dans leur format valorisé, à l’instar du thé conditionné en emballage ou encore du café torréfié", poursuit Abdou Diop.

Les produits transformés de la mer sont exclus

Cette même logique a été appliquée pour les produits de la mer, poussée par la raréfaction de la ressource. "En effet, le poisson frais bénéficiera du démarrage de la libéralisation tandis que les produits transformés comme la conserve en sont exclus pour le moment."

"Cette approche devrait également inciter à une plus grande intégration des chaînes de valeur africaines et permettra aux industriels nationaux du secteur halieutique de gagner en compétitivité grâce à la réduction de leurs coûts d’approvisionnement, induite par la baisse des droits de douane à l’importation."

Pour ce qui est des secteurs pharmaceutique et celui de la chimie, "l’essentiel des produits est inscrit dans la liste A des produits à libéraliser. Enfin, sur le plan des produits industriels, les principaux intrants figurent dans la liste alors que plusieurs produits ouvragés en sont exclus", précise encore notre interlocuteur.

Des produits "made in Africa"

Le troisième axe de la circulaire concerne les règles d’origine, les principes de leur acquisition et de leur contrôle et les règles applicables pour l’obtention de l’origine de chaque produit.

Ainsi, "les produits agricoles doivent bénéficier majoritairement de l’entière obtention ; c’est à-dire que le produit doit être cultivé localement en Afrique ou que les matières utilisées pour sa production le soient également", nous explique Abdou Diop.

"Pour d’autres produits agroalimentaires ou industriels comme le fromage par exemple, la règle d’origine est obtenue lorsque la valeur de toutes les matières utilisées pour sa production ne dépasse pas 40% ou 60% du prix départ usine. Le niveau de taux de valeur ajoutée créée localement pour obtenir le 'made in Africa' varie en fonction des produits concernés", illustre-t-il.

Par ailleurs, pour certains produits, la règle d’origine "est acquise à travers des règles spécifiques ou encore par combinaison non inclusive de plusieurs règles. C’est le cas notamment des produits chimiques ou du textile", explique la même source.

En revanche, certaines règles d’origine de certains produits ne semblent pas avoir été arrêtés, "sans doute par manque de consensus entre les pays signataires de l’accord", estime Abdou Diop. "Il s’agit en particulier de certains produits de deux secteurs stratégiques pour le Maroc, à savoir le textile et l’automobile", ajoute-t-il.

27 pays bénéficieront plus rapidement de l’accès au marché marocain

Le dernier axe de la circulaire présente les modalités de démantèlement tarifaire. Deux groupes de pays ont été retenus. Le premier groupe (P1) pourra accéder au marché marocain de manière totalement libéralisée pour les produits inscrits sur la liste A dans les cinq ans à partir de la date arrêtée de démantèlement tarifaire, soit 20% de baisse des droits de douane par an. 

Le second groupe (P2) porte sur les pays dont la libéralisation sera achevée dans les 10 ans ; soit 10% de baisse des droits de douane annuellement.

"Sur les 40 pays de la liste annexée à la circulaire, 27 pays bénéficieront d’avantages plus rapidement pour l’accès au marché marocain", précise Abdou Diop.

Compte tenu du principe de réciprocité, chacun de ces pays, en fonction de son positionnement dans cette liste, devra appliquer les mêmes conditions pour les exportations marocaines à destination de son marché.

Le démantèlement va de 40% à 80% en 2024

Le président de la commission Afrique nous explique que même s'il s'agit de la première mise en oeuvre du démantèlement tarifaire, la date d'effectivité du démantèlement est celle du 1er janvier 2021. Depuis cette date, le Maroc devait appliquer un démantèlement de 20% ou 10% par an, en fonction des pays. 

De ce fait, pour cette année 2024, "les importations des produits inscrits dans la liste A devraient connaître une réduction significative en termes de coût", prévoit Abdou Diop.

"Le démantèlement devra débuter directement par la quatrième tranche, soit une baisse de 80% des droits de douane pour les produits provenant de la première liste (P1) comme le Sénégal, l’Egypte et l’Ethiopie, et de 40% pour ceux en provenance de la seconde liste (P2) à l’instar de l’Afrique du Sud, de la Côte d’Ivoire et du Cameroun", poursuit-il.

"La ZLECAf devrait permettre un meilleur accès aux marchés du continent pour les opérateurs du commerce extérieur nationaux et stimuler la coopération et le co-investissement. Le plus important désormais, c’est d’analyser en profondeur les listes des produits arrêtées dans la réglementation des autres pays du continent afin d’identifier le gain effectif pour les exportateurs nationaux en termes de compétitivité et ainsi de mieux orienter et positionner les exportations nationales", conclut-il.

ZLECAF : la Douane détaille le plan de démantèlement tarifaire pour une première liste de marchandises

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