L’ambassade des Etats-Unis en Algérie a publié sur son site l’interview que le secrétaire d’Etat américain adjoint pour l’Afrique du Nord, Joshua Harris, a accordée au site Algérie Maintenant. Le décalage des versions américaine et algérienne en dit long sur les tentatives des médias algériens de déformer les déclarations relatives au Sahara marocain.

L’Algérie ne lâche pas le référendum, les Etats-Unis insistent sur le plan marocain d’autonomie 

La manipulation des propos de Joshua Harris est visible dès les premières lignes publiées par "Algérie Maintenant" :

"Le secrétaire d’État adjoint américain a déclaré : 'La solution politique permanente consiste à permettre au peuple sahraoui de déterminer lui-même son sort et à permettre au peuple du Sahara occidental de prendre une décision appropriée sur son avenir... Notre politique est claire, et notre position est claire avec le gouvernement algérien, selon laquelle toute initiative de résolution doit émaner des Sahraouis eux-mêmes, car cela concerne le peuple sahraoui... La voix de l’Algérie dans la région est importante, et nous travaillons à l’écouter. Aux États-Unis, nous travaillons avec l’Algérie pour trouver une solution à cette question dans le cadre des Nations Unies'." Des propos qui ne figurent guère dans la version américaine de cet entretien.

En plus d’ajouter des propos fallacieux, le média algérien en omet d’autres qui sont, eux, bel et bien existants, notamment ceux de Joshua Harris réaffirmant le soutien des Etats-Unis au plan marocain d’autonomie :

"Question : Si les États-Unis soutiennent l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies Staffan de Mistura et sa mission d’organiser un référendum, cela contredit le soutien à la position marocaine, que les États-Unis qualifient de crédible et réaliste. Les États-Unis ont-ils changé de position ?"

Réponse : "J’apprécie beaucoup cette question importante. Permettez-moi de vous expliquer avec précision : les États-Unis considèrent la proposition d’autonomie du Maroc comme sérieuse, crédible et réaliste, et comme une approche potentielle pour satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental. La paix ne peut être imposée par un acteur extérieur. C’est là qu’intervient l’envoyé personnel, M. De Mistura, et à quel point le processus politique de l’ONU est crucial pour parvenir à un résultat durable. Il faut que l’envoyé personnel réussisse. Je suis donc revenu en Algérie pour avoir une nouvelle série de consultations avec nos partenaires algériens sur les mesures pratiques à prendre pour un processus politique réussi à l’ONU", lit-on sur le site de l’ambassade des Etats-Unis en Algérie.

Des versions décalées 

Nous croisons ci-dessous les versions américaine et algérienne, décalées, de la question suivante adressée à Joshua Harris : "Quelle est l’évolution de la position des États-Unis concernant la colonisation du Sahara occidental par les Marocains ? Les États-Unis reconnaissent-ils l’autodétermination du peuple sahraoui comme base d’une solution politique finale ?"

*Réponse de Joshua Harris (source : ambassade des Etats-Unis en Algérie) :

"Les États-Unis souhaitent une solution politique durable et digne au Sahara occidental. Nous envisageons sérieusement d’utiliser notre influence pour permettre le succès du processus politique de l’ONU. Une résolution sous l’égide de l’ONU se fait attendre depuis longtemps. Les envoyés spéciaux précédents de l’ONU ont essayé de nombreuses voies différentes, mais malheureusement jusqu’à présent, ces efforts n’ont pas abouti."

"Le Conseil de sécurité de l’ONU est clair sur le fait que le processus doit refléter un esprit de réalisme et de compromis quant à la situation actuelle sur le terrain."

"En outre, l’escalade militaire est très dangereuse, surtout en cette période de forte pression dans la région, avec les événements en Israël et à Gaza et les tentatives alarmantes des groupes Houthis de créer un conflit régional plus large. Cela ne fait qu’accentuer encore davantage le danger d’une escalade militaire au Sahara occidental."

"Nous nous efforçons donc de faire tout ce qui est en notre pouvoir, y compris avec nos amis et partenaires algériens, pour permettre au processus des Nations Unies de réussir. Comme vous l’avez également vu, l’ambassadeur Aubin a récemment pris part à une visite de donateurs des Nations Unies à Tindouf pour se concentrer sur la réponse internationale à la situation humanitaire. Les États-Unis sont fiers d’être le plus grand contributeur à l’aide humanitaire à Tindouf. La seule solution à cette urgence humanitaire est une solution politique, et c’est ce que nous essayons de réaliser."

*Version algérienne :

"Les États-Unis souhaitent une solution permanente qui garantisse la dignité du peuple sahraoui, en particulier du peuple du Sahara occidental. Ce conflit dure depuis longtemps et les États-Unis d’Amérique ont l’intention d’utiliser leur influence pour aider les Nations Unies à trouver une solution politique durable à ce problème."

"Ces dernières années, il y a eu plusieurs tentatives pour trouver une solution politique à ce problème, et plusieurs envoyés du Secrétaire général des Nations Unies, mais aucune de ces initiatives n’a abouti. Il n’y a pas de raccourci pour résoudre le problème en dehors du soutien des Nations Unies au peuple sahraoui afin qu’il ait droit à l’autodétermination."

"Le retour du conflit militaire n’est pas dans l’intérêt de la région, surtout après le récent conflit entre Israël et la Palestine (l’agression israélienne contre Gaza) et l’attaque des Houthis dans la région. Cela contribue à semer l’instabilité dans la région. C’est pourquoi nous soutenons nos partenaires algériens dans la recherche de solutions avec les Nations Unies."

"L’ambassadeur Aubin a récemment visité les camps de Tindouf dans le cadre du groupe des pays donateurs aux réfugiés. Nous sommes fiers que les États-Unis soient considérés comme l’un des plus grands donateurs aux réfugiés. La seule solution urgente à cette question est une solution politique dans le cadre des Nations Unies."

Pour rappel, le secrétaire adjoint du département d’État américain chargé des Affaires du Proche-Orient, Joshua Harris, est arrivé à Alger mercredi 6 décembre pour des consultations sur le dossier du Sahara. Vendredi 8 décembre, il s’est entretenu avec le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf. En principe, sa prochaine étape sera Rabat.

Le secrétaire adjoint est arrivé à Alger mercredi 6 décembre "pour entamer une série de consultations avec l’Algérie et le Maroc sur la promotion de la paix régionale et sur l’intensification du processus politique de l’ONU au Sahara occidental afin de parvenir sans plus attendre à une solution durable et digne." Aucune indication n’a été fournie sur son agenda mercredi et jeudi. Seul l’entretien de vendredi avec Ahmed Attaf a été annoncé.

A l’issue de cet entretien, le Département d’Etat américain a annoncé qu’il s’agissait de "se consulter sur les efforts communs visant à faire progresser la paix et la sécurité régionales, y compris une coopération intensifiée pour assurer un processus politique réussi sur le Sahara occidental sans plus tarder".