PISA 2022 : “Un élève marocain âgé de 15 ans a 3 ans de retard sur un élève turc” (Youssef Saadani)

"La réforme actuelle n’a jamais été aussi urgente. Ce n’est pas un choix ; c’est une nécessité pour sauver l’avenir des jeunes générations". C’est ainsi que Youssef Saadani commente les résultats de l’enquête PISA 2022. Pour le conseiller du ministre de l’Education nationale, l’amélioration des résultats du Maroc dans le rapport PISA est tributaire de l’amélioration du niveau des apprentissages au primaire.

PISA 2022 : “Un élève marocain âgé de 15 ans a 3 ans de retard sur un élève turc” (Youssef Saadani)

Le 10 décembre 2023 à 14h07

Modifié 10 décembre 2023 à 15h34

"La réforme actuelle n’a jamais été aussi urgente. Ce n’est pas un choix ; c’est une nécessité pour sauver l’avenir des jeunes générations". C’est ainsi que Youssef Saadani commente les résultats de l’enquête PISA 2022. Pour le conseiller du ministre de l’Education nationale, l’amélioration des résultats du Maroc dans le rapport PISA est tributaire de l’amélioration du niveau des apprentissages au primaire.

Dans un échange avec Médias24, Youssef Saadani, conseiller du ministre de l’Education nationale Chakib Benmoussa, commente les résultats de l’enquête PISA 2022 publiée il y a quelques jours, et revient sur les écarts qu’elle révèle et sur les ambitions du Royaume pour les prochaines éditions.

PISA évalue le niveau des élèves marocains âgés de 15 ans dans trois disciplines : les mathématiques, la compréhension de l’écrit (en arabe) et les sciences. Dans chacune de ces disciplines, à peine 20% des élèves marocains atteignent le niveau minimum international, contre 75% en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Un élève marocain âgé de 15 ans a trois ans de retard par rapport à un élève turc

"Cet écart abyssal donne le vertige lorsqu’on pense aux implications pour le développement socio-économique de notre pays à long terme. Les résultats de cette enquête confirment, donc,  la crise profonde des apprentissages dans notre système éducatif. Ils s’ajoutent à une série de diagnostics et d’évaluations réalisés à l’échelle nationale et internationale", résume-t-il.

"Nous avons atteint la cote d’alerte, un état d’urgence éducatif. La mise en œuvre d’une réforme transformatrice, comme celle initiée par la feuille de route 2022-2026, n’a jamais été aussi urgente. Ce n’est pas un choix, mais une nécessité pour sauver l’avenir des jeunes générations".

68,5% des élèves n’atteignent pas le seuil minimum international dans les trois matières combinées

"Si l’on prend les trois matières combinées, les résultats indiquent que 68,5% des élèves évalués ne réussissent pas à atteindre le seuil minimum international et ce, dans aucune des matières", ajoute notre interlocuteur.

"Cela signifie que plus des deux tiers des élèves marocains ont de très grandes difficultés scolaires, et auront du mal à poursuivre leur scolarité dans de bonnes conditions durant les prochaines années".

"Si l’on compare le Maroc à d’autres pays émergents, tels que la Turquie, cette proportion est à peine de 18%. C’est-à-dire qu’en Turquie, 82% des élèves ont un niveau correct et peuvent poursuivre une scolarité normale, contre à peine 31,5% dans notre pays".

"Un élève marocain âgé de 15 ans, évalué par le test PISA, a donc 3 ans de retard par rapport à un élève turc. Il a le niveau scolaire d’un Turc âgé de 12 ans, dans l’ensemble des disciplines".

"La proportion des élèves qui maîtrisent les compétences fondamentales dans ces trois matières s’est dégradée depuis la dernière enquête PISA réalisée en 2018, à cause notamment de la pandémie du Covid-19, qui est venue percuter un système d’apprentissage déjà en crise profonde de longue date".

"Ce rapport montre aussi que les interruptions de scolarité ont des effets désastreux sur l’apprentissage, qui sont malheureusement irréversibles", regrette Youssef Saâdani.

Les filles meilleures que les garçons : "Un constat général dans notre système scolaire"

Quant à l’écart des résultats entre les filles et les garçons en mathématiques et en lecture, Youssef Saadani nous confie "que c’est une réalité générale dans notre système éducatif. Les filles sont plus assidues et plus rigoureuses que les garçons, et redoublent moins. De plus, les années de collège coïncident avec la période d’adolescence qui produit des conséquences scolaires plus visibles pour les garçons".

"PISA évalue les élèves âgés de 15 ans, indépendamment de leur niveau scolaire. Ils peuvent donc être en dernière année de collège, comme en première année du lycée. On peut ainsi remarquer que les garçons accusent un retard plus prononcé que les filles".

Et d’insister : "Il s’agit d’un constat général dans notre système scolaire. Tous les indicateurs de réussite, et de redoublement notamment, sont plus favorables aux filles. Les résultats marocains sur ce point contrastent toutefois avec ceux du reste du monde où, en général, ce sont les garçons qui sont meilleurs que les filles en mathématiques. Au Maroc, c’est plutôt le contraire et c’est encourageant".

"Tout se joue au primaire"

Quel classement pourrait atteindre le Maroc dans les deux prochaines éditions, si la réforme actuelle prend son envol ? "Ce que mesure l’enquête PISA, ce n’est pas simplement un programme scolaire, mais plutôt des compétences fondamentales, ainsi que la maîtrise des compétences qui ont été construites tout au long du parcours scolaire", nous répond le conseiller du ministre de l’Education nationale.

"La construction de ces compétences est cumulative. Elle commence au primaire, pour se poursuivre jusqu’à l'âge de 15 ans. Lorsqu’un élève n’a pas acquis ces compétences au primaire, il est alors extrêmement difficile pour lui de les récupérer par la suite".

"L’enjeu pour nous, qui est le cœur de la réforme, c’est de se focaliser sur les savoirs fondamentaux particulièrement au cycle primaire. C’est pour cette raison que la transformation de l’école primaire est prioritaire dans la feuille de route 2022-2026. Tout se joue donc dans les premières années de scolarité".

"Les élèves qui vont bénéficier de la réforme au primaire seront beaucoup mieux outillés lorsqu’ils arriveront au collège, et réussiront davantage dans les tests internationaux".

"La réforme initiée en 2022 vise à transformer les apprentissages en s’appuyant sur deux piliers : un premier pilier, 'curatif', qui concerne la remédiation des lacunes à travers l’approche TaRL. C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire de l’école publique marocaine qu’un programme de remédiation de cette ampleur est mis en place ; et un deuxième pilier, 'préventif', qui vise à garantir la compréhension des élèves à chaque étape de l’enseignement, à travers l’approche dite de 'l’enseignement efficace'. Ce qui est nouveau aussi, c’est l’instauration d’une démarche entièrement fondée sur la mesure objective des apprentissages et l’évaluation indépendante des impacts. La réforme fait le pari de la transparence et de l’amélioration itérative pour transformer en profondeur les méthodes d’enseignement et maximiser l’impact sur les apprentissages".

L’amélioration des résultats du Maroc dans le rapport PISA est tributaire de l’amélioration du niveau des apprentissages au primaire"En plus de PISA, il y a des tests internationaux qui concernent le primaire, notamment TIMSS et PIRLS, pour lesquels on espère avoir des effets visibles dès 2026 ou 2027. Nous avons déjà commencé à avoir des résultats positifs dans les écoles pionnières où la réforme a démarré. Ce n’est qu’un début. Ces premiers signaux encourageants devront être consolidés et amplifiés. Mais la bonne nouvelle, c’est que la réforme est entrée dans les classes, qu’elle se traduit par de nouvelles pratiques pédagogiques au quotidien, et que les élèves apprennent manifestement mieux. C’est une inflexion décisive et inédite après des décennies de stagnation des pratiques pédagogiques en classe".

"Pour le primaire, la feuille de route du ministère de l’Education nationale fixe un objectif stratégique à l’horizon 2026. Quatre ans, c’est une temporalité raisonnable pour commencer à améliorer de manière significative le niveau des élèves au primaire".

"En revanche, pour PISA, même si on mène une action forte au collège, à travers les collèges pionniers qui seront lancés à partir de septembre 2024, l’amélioration des résultats prendra un peu plus de temps. Elle est tributaire de l’amélioration du niveau des apprentissages au primaire. C’est un effet de cohorte".

"On pourra peut-être noter des améliorations dans les prochaines éditions, à travers les actions qui seront menées au collège, mais le redressement profond et puissant auquel on aspire aura lieu après avoir redressé le niveau des élèves au primaire".

"Historiquement, l’amélioration significative des scores au classement PISA, par les pays qui ont été très réformateurs, a nécessité une dizaine d’années".

"Aujourd’hui, seul un tiers des élèves marocains maîtrisent les fondamentaux. À l’horizon 2026, l’objectif est de porter ce chiffre à deux tiers, donc de le doubler. Mécaniquement, si on double la proportion des élèves qui maîtrisent les fondamentaux au primaire, ils seront plus performants dans les prochaines enquêtes PISA".

Faire de l’école publique marocaine la meilleure école en Afrique et dans le monde arabe

Le Maroc pourra-t-il un jour atteindre le top 5 du classement PISA ? Youssef Saadani se veut réaliste : "Le Maroc est en train de mener une des réformes les plus ambitieuses parmi l’ensemble des pays en développement, en introduisant des innovations radicales sur le plan pédagogique et au niveau des méthodes d’apprentissage, dans le cadre notamment des écoles pionnières".

"L’aspiration de la réforme c’est de faire du Maroc un pays dont l’esprit réformateur soit reconnu dans le monde entier, et qu’il prenne le leadership en Afrique et dans le monde arabe pour que l’école publique marocaine devienne la plus performante de ces régions".

"C’est une ambition qui est réaliste et atteignable, qui peut être concrétisée dans le cadre de la réforme actuelle. Le travail qui a déjà été réalisé depuis 2022 est colossal. Mais nous n’en sommes qu’au début. Une mobilisation générale de tous les acteurs et de la société dans son ensemble, en faveur de la réforme, est indispensable pour mener à bien cette mission cruciale pour l’avenir de notre pays", conclut-il.

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