Mustafa Salma : “L’investissement politique de l’acte contre Smara est plus bénéfique qu’une réponse militaire”

Quatre jours après l’attaque terroriste contre la ville de Smara qui a fait un mort et 3 blessés dont deux dans un état grave, l’ancien chef de la police dans les camps de Tindouf revient sur les responsabilités de cet incident, qui pourrait valoir au polisario de perdre la reconnaissance internationale et, in fine, consacrer la solution d’autonomie proposée par le Maroc depuis 2007.

Mustafa Salma : “L’investissement politique de l’acte contre Smara est plus bénéfique qu’une réponse militaire”

Le 1 novembre 2023 à 16h04

Modifié 1 novembre 2023 à 17h04

Quatre jours après l’attaque terroriste contre la ville de Smara qui a fait un mort et 3 blessés dont deux dans un état grave, l’ancien chef de la police dans les camps de Tindouf revient sur les responsabilités de cet incident, qui pourrait valoir au polisario de perdre la reconnaissance internationale et, in fine, consacrer la solution d’autonomie proposée par le Maroc depuis 2007.

Médias24 : Vous attendiez-vous à l’attaque de Smara ?

Mustafa Salma Ould Sidi Mouloud : Absolument pas, ni sur la forme, le lieu et le timing. Selon moi, cette attaque est une provocation délibérée contre le Maroc alors que le front n’est pas du tout préparé militairement à une réaction du Maroc, d’autant que ce dernier dispose de moyens logistiques qui peuvent écraser militairement le polisario.

De plus, sachant que la ceinture défensive marocaine au nord n’est qu’à 15 km de la jonction de la frontière algéro-mauritanienne et à 75 km de Tindouf, le Maroc peut boucler la ceinture et faire en sorte que le polisario reste piégé à l’intérieur du territoire algérien.

- Est-ce une coïncidence que cette attaque ait eu lieu deux jours avant le vote de la résolution de l’ONU ?

- Certainement pas, mais c’est une folie en termes de stratégie internationale. En effet, les résultats du vote au Conseil de sécurité ont montré le soutien de 13 pays à la résolution, que le Maroc a salué, alors que le polisario n’a pu qu’exprimer ses réserves sur son contenu.

Cela signifie que le front risque son statut international de partie reconnue au conflit et que s’il continue à provoquer la communauté internationale, celle-ci risque de lui retirer sa reconnaissance et de revenir à la case départ.

Le front a peut-être voulu exprimer sa colère et envoyer le message qu’il pourrait déstabiliser la région, mais ce message est erroné à la fois dans la forme, le contenu et le timing.

- Le polisario a revendiqué cette attaque sans citer les victimes civiles. Pensez-vous qu’elle soit l’œuvre d’une faction extrémiste du mouvement séparatiste ?

- A ma connaissance, il n’existe à ce jour aucune faction extrémiste au sein du front capable de prendre des décisions de ce genre sans l’aval de la direction officielle. De plus, même s’il existe effectivement des divergences de vues au sein du polisario sur la forme que doivent revêtir les hostilités, celles-ci n’ont jusqu’à présent atteint aucun objectif depuis la rupture unilatérale du cessez-le-feu.

Au sein de la direction actuelle, Brahim Ghali est le seul à pouvoir décider de déclarer et de gérer la guerre, même s’il faut rappeler que le polisario ne s’entraîne qu’avec des armes anciennes et n’a par conséquent aucune expérience avec les armes modernes, notamment celles à longue portée.

- Un journal marocain a rapporté que le polisario avait arrêté quatre membres d’un groupe distinct qui n’avait pas reçu le feu vert de la direction du front...

- Je ne pense pas, d’autant plus que le front a revendiqué directement la responsabilité de l’opération de bombardement dans un communiqué officiel par l’intermédiaire de son supposé représentant aux Nations unies et par son représentant en Europe, bien qu’ils diffèrent sur les détails.

- Comment expliquez-vous le silence de la presse algérienne sur cette attaque alors qu’elle ne manque jamais une occasion de glorifier les tirs du polisario contre les positions marocaines ?

- Moins de deux heures après sa publication par l’agence de presse du polisario, l’agence de presse officielle algérienne a publié le communiqué 901, qui fait référence au bombardement de Smara, même si elle y a supprimé l’expression "caserne" qui figurait dans le communiqué du front.

En réalité, je crois que lorsque la gravité de l’opération a été révélée, la presse algérienne s’est abstenue d’entrer dans les détails de ce qui semble être un véritable crime de guerre.

- L’ambassadeur du Maroc auprès des Nations unies, Omar Hilale, a qualifié de terroriste cette attaque contre des civils marocains. Quelles conséquences pourrait-elle avoir sur le polisario ?

- Selon moi, ce qui s’est passé constitue un crime de guerre directement imputable au polisario. Son chef a déclaré le 16 octobre au Secrétaire général des Nations unies, en réponse au rapport du Conseil de sécurité, que c’était le Maroc qui commettait de prétendus crimes de guerre.

Si cet acte s’apparente indéniablement à un acte de terrorisme, tant que le polisario bénéficie encore d’une reconnaissance internationale en tant que partie au conflit, il est encore trop tôt pour le classer parmi les mouvements terroristes, mais cet incident sera enregistré négativement dans son bilan et pourra être exploité si de tels incidents se reproduisent.

- Pensez-vous que le polisario pourrait plutôt rejoindre la liste des mouvements terroristes à l’avenir par les Etats-Unis et l’Europe si la demande est faite par le Maroc ?

- Cela dépendra de l’évolution du conflit, du degré d’escalade militaire du polisario et de la réaction du Maroc qui, selon moi, doit continuer d’adhérer à l’accord de cessez-le-feu signé avec les Nations unies.

En effet, il ne faut pas oublier que les intérêts de la région sont interconnectés et que la question du Sahara ne concerne pas seulement le Maroc, mais aussi l’Algérie, la Mauritanie et l’Espagne, qui ont toutes des frontières terrestres ou maritimes avec la région, sans compter l’Europe, proche de nous.

- Certains observateurs affirment que le polisario s’est complètement discrédité avec cette attaque. Pensez-vous que certains pays européens, comme la France, pourraient exploiter cet incident pour reconnaître la marocanité du Sahara ?

- Malheureusement, les positions des pays ne sont pas liées à des idéaux et ne sont pas déterminées par la noirceur du visage ou par de mauvais comportements ; sinon Israël serait le premier à être condamné.

La France ayant des relations avec le Maroc et l’Algérie, les positions sont avant tout liées à des intérêts économiques commerciaux.

Cela-dit, il faut préciser que la position annoncée par l’intermédiaire de son représentant permanent au Conseil de sécurité lors de la session du Conseil de sécurité a évolué, et qu’elle n’est plus très loin de la reconnaissance de la marocanité du Sahara.

L’ambassadeur français a en effet souligné que le soutien de la France à l’autonomie est historique, car la plus ancienne. Il a même appelé à sa mise en œuvre sur le terrain, ce qui constitue selon moi de facto une reconnaissance claire de la marocanité du désert du Sahara.

- La distance entre la zone de tir et Smara est de 34 kilomètres. Est-il possible que le polisario ait bénéficié de l’aide du Hezbollah qui a fourni des missiles permettant d’atteindre cette distance ?

- Je ne pense pas, car l’Algérie dispose de bien plus de capacités militaires que le Hezbollah. Même si l’on suppose, pour le plaisir de l’argumentation, que le Hezbollah a soutenu le front avec des missiles ou avec de l’expertise, cela semble peu probable qu’un étranger accède au camp alors même qu’un citoyen algérien ne peut entrer dans les camps sans autorisation des renseignements algériens.

- Selon vous, le Maroc va-t-il répondre militairement ?

- Une réponse militaire marocaine est possible mais je crois qu’elle n’est pas une priorité à l’heure actuelle. En effet, il n’y a pas de points importants à l’est de la ceinture qui puissent être ciblés.

En réalité, l’investissement politique de l’incident est plus que bénéfique au Maroc, qui a précédemment déclaré, par la voix du Roi, qu’il était attaché au cessez-le-feu et à la voie internationale, autant qu’il s’engageait à répondre à toute menace.

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