Vague de chaleur. Quel impact sur les filières végétales et animales ?

De l’arboriculture au maraîchage, en passant par l’apiculture et le secteur de l'élevage, quasiment toutes les filières de production animale ou végétale sont concernées, à des degrés divers, par la vague de chaleur qui s’abat actuellement sur le Royaume. Si certains exploitants arrivent à s’en préserver, ce n’est pas le cas de tous.

Vague de chaleur. Quel impact sur les filières végétales et animales ?

Le 2 octobre 2023 à 19h22

Modifié 8 novembre 2023 à 15h50

De l’arboriculture au maraîchage, en passant par l’apiculture et le secteur de l'élevage, quasiment toutes les filières de production animale ou végétale sont concernées, à des degrés divers, par la vague de chaleur qui s’abat actuellement sur le Royaume. Si certains exploitants arrivent à s’en préserver, ce n’est pas le cas de tous.

Le réchauffement climatique se traduit notamment par des vagues de chaleur inattendues, impactant certaines cultures alors que la campagne agricole 2023-2024 est dans tous les esprits. Ces derniers jours, plusieurs périmètres agricoles sont confrontés à de fortes chaleurs.

D’après la Direction générale de la météorologie (DGM), des températures allant de 38°C à 42°C ont été enregistrées du jeudi 28 septembre au dimanche 1er octobre dans plusieurs villes du Royaume, dont Kénitra, Béni Mellal, Settat et Marrakech. 

Et ce n’est pas près de s’arrêter, puisque toujours selon la même source, une nouvelle vague de chaleur est attendue avec des températures allant jusqu’à 43°C dans les provinces de Taroudant, Inezgane-Ait Melloul, Agadir-Ida-Ou-Tanane. Ce phénomène, qui sera observé jusqu’au mercredi 4 octobre, intervient au moment du lancement des cultures automnales et des récoltes de certaines productions arboricoles. 

La température aussi importante que la pluviométrie 

Au-delà de la pluviométrie dont la moyenne atteint 9,2 mm au niveau national depuis la mi-septembre, "les températures jouent un rôle tout aussi important", avait souligné Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, dans un entretien accordé à Médias24. "Nous espérons donc que le temps se rafraîchira légèrement pour lancer la campagne car il fait encore un peu chaud", a-t-il ajouté. 

A l’instar de la pluviométrie, la baisse des températures est une condition sine qua non pour faire le plein des superficies des cultures d'automne estimées entre 5,3 et 5,5 millions d'hectares, dont pratiquement 4,5 millions de céréales. Cependant, les effets de la chaleur ne sont pas irrémédiables. 

"Dans le cas des céréales, il reste encore du temps pour rattraper la saison", confirme à Médias24, la direction provinciale de l'Agriculture (DPA) à Sefrou, relevant de la région de Fès-Meknès où la production céréalière est historiquement présente. 

Alors que leur cueillette est quasiment achevée, les pommes et les prunes n’ont pas subi les récents coups de chaleur. "Même chose pour les oliviers", assure la même source.

Plus au sud, les producteurs d’agrumes, et en particulier de clémentines, sont en revanche préoccupés par la hausse des températures, notamment à l’approche de la cueillette. 

Des fruits sensibles en période de déverdissage

La récolte des variétés précoces d’agrumes est prévue début octobre. "Mais elle sera quelque peu repoussée pour des raisons logistiques, car les exportateurs affrètent des bateaux en commun. Donc ils doivent envoyer leurs marchandises en même temps. La récolte commencera au-delà du 10 octobre", nous précise un ingénieur agronome et producteur d’agrumes dans le Souss.  

"Si la chaleur se poursuit pendant la période de la cueillette des agrumes, notamment la clémentine destinée à l’export, il risque d'y avoir un impact, car les fruits sont très sensibles, surtout en période de déverdissage (la modification de la coloration externe des agrumes, ndlr)", ajoute-t-il.

"Avant la cueillette, il peut y avoir des coups de soleil sur le fruit", reprend notre interlocuteur. "Après la cueillette, il y a un risque de déshydratation du fruit qui peut rester dans des caisses au niveau des fermes, avant de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres séparant les vergers des stations de conditionnement".  

Et pour cause, pendant le trajet, les chaleurs élevées pourraient avoir des conséquences, comme "des noircissements avec un assèchement de la peau du fruit qui pourraient causer un problème lors du déverdissage", explique notre interlocuteur. 

En sus, les conditions actuelles freinent la croissance, et donc les calibres des agrumes. "Ce fut le cas aussi lors de la canicule estivale. La baisse des températures lors du mois de septembre a permis une reprise de la croissance, qui est freinée une nouvelle fois par la hausse des températures au moment où les fruits atteignent la maturité", déplore notre source.  

Les fruits présentant des écarts au triage sont écoulés "à bas prix sur le marché national, selon le degré d’anomalie sur les fruits. La baisse du prix peut atteindre jusqu’à 60%", souligne notre ingénieur agronome, qui ne se dit toutefois pas surpris par les conditions climatiques actuelles. 

"Nous avons l’habitude d’une semaine de chaleur début octobre. Elle perturbe la cueillette, surtout quand il y a une production importante d’agrumes dont la récolte doit débuter assez tôt afin de pouvoir écouler la marchandise."

Pour s’adapter, plusieurs mesures sont prises. Pour commencer, "les ouvriers agricoles commencent très tôt la cueillette, dès l’aube pour s'arrêter vers 9 h ou 10 h du matin. Par la suite, on protège la marchandise dans les camions avec des couvertures trempées d’eau pour préserver le fruit du choc thermique", nous explique notre interlocuteur. 

Des producteurs de tomates aux fortunes diverses

S'agissant des cultures maraîchères automnales pour la campagne 2023-2024, le ministère de l’Agriculture table sur une superficie prévisionnelle de 100.000 ha de légumes et légumineuses.

"Pour le moment, les cultures ne souffrent pas autant que lors des journées de chergui du mois d'août dernier. La situation est maîtrisable et les agriculteurs s'accrochent malgré tout", assure la Fédération interprofessionnelle marocaine de production et d’exportation des fruits et légumes (FIFEL). 

Les produits maraîchers, dont la tomate ronde sous serre et segmentée, occupent 7.200 ha dans la plaine de Chtouka. Les producteurs de cette culture à l’importance socio-économique indéniable ont d’ores et déjà été éprouvés par la canicule estivale. Et même si le danger est moindre avec les chaleurs actuelles, certaines producteurs ont joué de malchance par inadvertance. 

"D’habitude, les producteurs ajustent leur apport en eau aux cultures selon la hausse des températures. Mais les dernières chaleurs les ont pris de court, malgré les bulletins météo. Plusieurs exploitants n’y ont pas prêté attention et ils ont donc eu des pertes au niveau des serres", nous explique l’association des producteurs de Chtouka. 

Cela dit, pour les producteurs qui ont semé précocement les plantules de tomates tout en prenant soin de les entretenir assidûment, "la hausse des températures a bien sûr un effet sur l'apport en irrigation, mais c'est également un avantage pour les producteurs qui sont déjà en production, parce que la température agit sur l'accélération du processus de mûrissement des fruits", indique Rachid Bouharroud, chercheur et expert en entomologie et lutte intégrée des cultures. 

La croissance du cheptel possiblement perturbée

Avec un chiffre d’affaires estimé à environ 35 milliards de DH par an et des opportunités d’emploi estimées à 95 millions de jours de travail par an, dire que l’élevage est l’un des moteurs de la croissance économique du Maroc relève de l’euphémisme. Sauf que le secteur n’est pas épargné par les conditions climatiques rudes qui sévissent dans le pays. 

Le cheptel, qui comprend plus de 31 millions de têtes, dont 21,6 millions d’ovins et 6,1 millions de caprins, subit-il les fortes chaleurs actuelles ? "Le cheptel peut effectivement être impacté, mais légèrement. Généralement les races locales sont très peu affectées contrairement aux races importées", affirme Abdelghani Tikert, ingénieur agronome et cadre technique au sein de l’Association nationale ovine et caprine (ANOC). 

De même, le cheptel élevé en extensif est plus adapté aux variations du climat que celui élevé en intensif. Mais dans un cas comme dans l'autre, le cheptel s’adapte à son environnement et développe continuellement une capacité de résistance aux conditions climatiques.

"Par exemple, s’il fait trop froid, la laine des bêtes pousse rapidement. Les activités hormonales sont plus actives pour augmenter leur immunité. Donc lors du passage de l’été à l’automne, il y a des interactions biologiques au sein du cheptel", précise Abdelghani Tikert.

Or, cette année, il y a eu une semaine où il a fait froid. Les bêtes ont commencé leur processus d'adaptation, puis d’un coup, il y a eu cette vague de chaleur. Une situation qui peut occasionner quelques perturbations au niveau de la croissance et du gain moyen quotidien (GMQ) en matière de poids. "En cas de perturbation, le gain est à son minimum. En plus, l’énergie de l’animal est absorbée par les mécanismes d’adaptation plutôt que ceux de production", indique notre interlocuteur.  

En vue de pallier ces problématiques, les éleveurs doivent également s’adapter et aider l’animal. Comment ? D’abord "en augmentant ses rations. Il est également préférable de lui donner des aliments concentrés à base de protéines pour couvrir ses besoins. Il faut également éviter la déshydratation en lui fournissant de l’eau s'il est élevé en intensif. Dans le cas du cheptel en extensif, il faut veiller à ce que les bêtes ne s’éloignent pas des points d’eau fréquents", conclut notre interlocuteur.  Sans oublier d’ajouter des ombrières pour réduire les températures et les préserver des coups de chaud.  

Enfin, pour ce qui est des abeilles, elles sont elles aussi fortement affectées par les fortes chaleurs. La température extérieure affecte le régime des abeilles et a d’importantes répercussions sur leur milieu. Dans la ruche, la température du couvain, qui comprend l’ensemble des nymphes, des larves et des œufs, doit de préférence se situer en moyenne à 34°C. Au-delà de ce seuil, c’est toute la ruche qui est en danger d'extinction.

Pour s'en prémunir, l’un des mécanismes de défense des apidés réside dans la ventilation. "Quand il fait trop chaud, les abeilles cherchent de l’eau et battent des ailes pour rafraîchir la ruche", indique Mohamed Merzouk, secrétaire général de la Fédération interprofessionnelle marocaine de l’apiculture (FIMAP), qui fait également partie des 36.000 apiculteurs recensés par le ministère de l’Agriculture.

Des battements extrêmement énergivores et qui n'offrent aucune garantie de succès. Si la température est trop élevée, la cire de la ruche va fondre et boucher le trou d’envol des abeilles. C’est malheureusement ce qui se passe actuellement.

Un peu d’ombre, une source d’eau et des transhumances. Ce sont là les principales méthodes adoptées par les apiculteurs afin d’atténuer l’effet des fortes températures sur leur cheptel d’abeilles. "Au-delà de la nécessité de nettoyer tout autour des ruchers pour éviter les brindilles et autres végétations hautement inflammables, il faut mettre à leur disposition, à proximité de la ruche, une source d'eau", recommande Abderrahmane Bakhamssa, spécialiste des abeilles.

"Les abeilles pourront s'y abreuver et y récupérer de l'eau pour ventiler la ruche. Une ventilation qui doit être également favorisée par un plus grand espacement entre les ruches", reprend-il. "Il faut également penser à apporter de l’ombre aux abeilles pour au moins diminuer la température de quelques degrés."

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