Le retour en force des sacs en plastique

Les sacs en plastique noirs marquent leur retour en force au Maroc. Sept ans après l’entrée en vigueur de la loi 77-15 qui interdit la fabrication, l’importation, l’exportation, la commercialisation et l’utilisation des sacs plastique, ces derniers circulent toujours et s'imposent aux consommateurs dans les épiceries et marchés.

Vendeurs de produits en plastique en gros, au quartier Derb Milan à Casablanca. Crédit: Médias24

Le retour en force des sacs en plastique

Le 21 septembre 2023 à 18h55

Modifié 21 septembre 2023 à 19h36

Les sacs en plastique noirs marquent leur retour en force au Maroc. Sept ans après l’entrée en vigueur de la loi 77-15 qui interdit la fabrication, l’importation, l’exportation, la commercialisation et l’utilisation des sacs plastique, ces derniers circulent toujours et s'imposent aux consommateurs dans les épiceries et marchés.

À Derb Milan, un quartier populaire implanté au cœur de la capitale économique, les produits en plastique sont de toutes les tailles et couleurs : sacs poubelles, cellophanes, scotchs, sacs de congélation et à usage agricole…

Les échoppes de grossistes offrent une variété de sacs en plastique "autorisés" et vendus en gros ou par unité, ainsi que des sacs en papier et en tissu, alternatives vantées par les autorités depuis l'entrée en vigueur de la loi 77-15.

À première vue, les commerçants du quartier sont tous des grossistes reconvertis, qui ont abandonné la vente des sacs en plastique "interdits" par la loi 77-15. À notre question de savoir si les sacs en plastique utilisés dans les souks et épiceries de proximité sont en vente dans ce quartier, tous nient leur existence et parlent de leur interdiction avec beaucoup d’amertume.

Le retour des sacs en plastique noirs "telfaza"

Il a fallu demander à acheter "telfaza" (nom d’emprunt communément utilisé dans le quartier pour faire référence aux sacs en plastique noirs), pour être dirigé vers une échoppe, qu’on peut facilement confondre avec les autres, et où "telfaza" n’est pas exposée, mais disponible dans un grand sac en tissu au fond du magasin et vendue sur demande.

Sacs en plastique noirs, surnommés "telfaza" chez un grossiste de Derb Milan. Crédit : Médias24

Le paquet contenant "beaucoup de sacs en plastique" est vendu à 260 dirhams, précise le vendeur. À l'unité, le prix de vente s’élève à 1 dirham. Les grands sacs noirs avec poignées sont, pour leur part, vendus à 15 dirhams le kilogramme, poursuit-il.

Les petits sacs noirs achetés ont été emballés dans un sac en plastique rose, lui aussi interdit par la loi. "Je ne sais plus ce qui est autorisé et ce qui est interdit. On vend souvent à l’aveuglette, et on s’adapte à la réaction des autorités qui change d'un jour à l'autre", déplore le vendeur.

Grands sacs en plastique sans poignées, noirs et verts, interdits par la loi mais tolérés par les autorités. Crédit : Médias24

On nous a d’ailleurs soufflé à l’oreille que les commerçants n’ont pas tous abandonné la commercialisation des sacs en plastique, désormais interdits par la loi. Ils se sont plutôt "adaptés" à cette interdiction et ont développé des pratiques qui permettent de contourner la loi.

Les commerçants n'exposent pas les sacs en plastique dans leur échoppe pour éviter le risque d’être soumis à des amendes colossales, mais les cachent dans des entrepôts à proximité, ou encore chez eux.

La veille, les autorités locales ont effectué une descente à Derb Milan et ont trouvé chez le voisin de notre interlocuteur 3 kilogrammes de sacs en plastique interdits par la loi. Une amende de 700 dirhams le kilogramme lui a été infligée, nous raconte-t-on.

Des sacs en plastique qui courent les rues 

Derb Milan est incontestablement un des hauts lieux des sacs en plastique. S'ils sont difficilement dénichés dans le quartier au vu des conséquences de l'interdiction qui planent sur les commerçants, ils sont bel et bien présent dans les échoppes et ensevelis sous les packs de sacs en tissus ou dans des réserves cachées.

Ces sacs en plastique, qui ont disparu quelques mois après l'entrée en vigueur de la loi 77-15 en 2016, ont rapidement refait surface et servent aujourd'hui à plusieurs types d’usage : jeter les ordures, transporter des aliments (épices, olives, fromage, fruits et légumes…) ou encore emballer des objets.

Dans les faits, l’interdiction des sacs plastique a surtout été effective dans les grandes surfaces et chez les bouchers. Ils sont toutefois toujours présents chez les épiciers et envahissent les marchés. Ajoutons à cela la réapparition des sacs en plastique noirs.

Les sacs en plastique sont omniprésents dans la vie quotidienne des Marocains. Crédit : Médias24

Cette recrudescence de l'utilisation et de la production des sacs en plastique pose la question de l'impact de la loi 77-15. D'autant plus que celle-ci a été modifiée en 2019, à la suite de l'approbation du projet de loi 57-18, dont l'objectif est de renforcer le contrôle et la sanction.

Rappelons que, selon la loi 57-18, seuls les sacs à usage agricole ou industriel, les sacs isothermiques, les sacs de congélation et les sacs pour la collecte des déchets ménagers et autres types de déchets sont autorisés à la fabrication, l’importation, l’exportation, la commercialisation et l’utilisation. Le reste est interdit.

Une loi "appliquée avec fermeté" 

En 2022, l’Administration des Douanes et des impôts (ADII) rapportait la saisie de 133 tonnes de sacs en plastique prohibés, et le démantèlement de plusieurs ateliers clandestins de fabrication où ont été confisquées diverses machines et fournitures de production de sachets en plastique prohibés. Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2016, les saisies douanières ont évolué de +405 % en 2021, ressort-il du rapport d'activité de 2022 de l'ADII.

Une source autorisée au sein du ministère de l'Industrie et du commerce reconnaît que "les unités clandestines de production de sacs en plastique pullulent et qu'on assiste dans les zones urbaines à une adhésion inégale quant à l’utilisation des produits alternatifs aux sacs en plastique, d'autant plus que les Marocains font face à des problématiques qui les inquiètent plus que celle de la pollution plastique".

Toutefois, face à ces défis "la loi est appliquée avec fermeté", assure notre interlocutrice, et les derniers chiffres en date du 31 juillet 2023, qu'elle nous communique, en témoignent.

Depuis le 1er juillet 2016, "7.337 opérations de contrôle ont été menées au niveau des unités de production formelles. Selon la même source, 16.003 infractions ont été relevées suite au contrôle d’un total de 1.737.952 points de vente. Ces opérations de contrôle ont donné lieu à la saisie de 456 tonnes de sacs interdits".

Traçabilité, contrôle et dissuasion 

Dans l'ensemble, "la loi 57.18 a considérablement renforcé la lutte contre la circulation des sacs en plastique en apportant des dispositions plus strictes, une traçabilité accrue, des sanctions dissuasives et une meilleure réglementation du secteur", se réjouit notre source.

Le travail du ministère repose ainsi sur le triptyque "traçabilité, contrôle et dissuasion", qui ont tous les trois été renforcés au lendemain de la mise en oeuvre de la loi 57.18 :

- La traçabilité : Il s'agit de mettre en place un système d'information unifié pour faciliter la surveillance et le suivi en coordination avec le ministère de l'Intérieur. Les entreprises du secteur plastique pourront ainsi saisir directement leurs données liées aux activités sur un support électronique. "Cela a considérablement amélioré la traçabilité des sacs autorisés et de la matière première utilisée", nous précise-t-on.

- Le contrôle : La loi a autorisé la saisie des matières premières plastique, des rouleaux en plastique, des matières issues du recyclage du plastique, ainsi que des matériels et équipements qui ont servi ou devraient servir à l'infraction. Elle a par ailleurs habilité les autorités locales, notamment les walis et les gouverneurs, à fermer provisoirement une société pendant six mois à la demande de l'administration concernée. "Cela a renforcé la capacité des autorités locales à prendre des mesures immédiates en cas de non-conformité", assure-t-on.

- La dissuasion : Il s'agit dans ce cadre de l'adoption de sanctions dissuasives strictes pour les contrevenants aux dispositions de cette loi. À titre d'exemple, toute personne détenant des sacs en plastique dédiés à la vente ou à la distribution écope d'une amende de 2.000 DH à 500.000 DH. Une amende allant jusqu'à un million de DH peut être infligée à toute personne détenant des matières premières dédiées à la fabrication de sacs en plastique. "Cela a renforcé l'incitation à la conformité et a dissuadé les acteurs du secteur de s'engager dans des pratiques illégales", ajoute notre interlocutrice au sein du ministère.

Nouveaux défis, nouvelle stratégie

Notre source nous confie que le ministère s'engage dans une nouvelle stratégie de lutte contre la circulation des sacs en plastique,"en combinant des mesures juridiques, numériques, de contrôle et de sensibilisation". La sensibilisation et l'amélioration de la qualité des alternatives aux sacs en plastique sont les deux volets phares de cette stratégie.

Un plan de communication ciblant le grand public est prévu pour sensibiliser à cette cause, en plus d'un guide des bonnes pratiques qui est en cours d'élaboration et réalisé en collaboration avec l'Institut marocain de normalisation (IMANOR). Dans ce sens, "des normes spécifiques aux sacs non tissés seront établies", explique-t-on. Enfin, "trois arrêtés sont en cours de publication pour renforcer davantage les contrôles".

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