Défauts cachés de construction : protections et recours prévus par la loi

Le séisme a révélé de nombreuses malfaçons au niveau de la construction des biens. Une garantie légale permet de protéger les intérêts de l’acheteur, sous certaines conditions. À quoi sert-elle ? Dans quels cas l’activer ? Voici l'éclairage du Pr Meriem Benis.

Défauts cachés de construction : protections et recours prévus par la loi

Le 19 septembre 2023 à 15h13

Modifié 19 septembre 2023 à 16h11

Le séisme a révélé de nombreuses malfaçons au niveau de la construction des biens. Une garantie légale permet de protéger les intérêts de l’acheteur, sous certaines conditions. À quoi sert-elle ? Dans quels cas l’activer ? Voici l'éclairage du Pr Meriem Benis.

À la suite du séisme du 8 septembre, plusieurs personnes ont découvert dans leurs biens immobiliers des vices de construction dont ils n’avaient pas connaissance. Par exemple, l’utilisation de briques défectueuses dans les murs, ou encore de matériaux différents de ceux déclarés par le promoteur au moment de l’acquisition du bien. Ce n’est qu’à la suite du drame que ces défauts ont été révélés.

Quels sont les moyens de protection et de recours dont disposent les acquéreurs ? Que dit la loi en matière de vices cachés ? Voici les explications de Meriem Benis, professeur de droit à l’Université Hassan II de Casablanca.

Médias24 : Lorsque des défauts de construction apparaissent à la suite d'un séisme, peut-on alors parler de vices cachés ?

Pr Meriem Benis : On peut en effet parler de garantie légale des défauts de la chose vendue, et plus précisément de vices de construction.

Cette garantie (dénommée également garantie des vices cachés) est un instrument majeur de la protection des acquéreurs. Elle est règlementée respectivement par le dahir portant Code des obligations et des contrats (articles 549 à 584) et par les dispositions des articles 65 et suivants de la loi 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur.

La garantie susvisée permet de couvrir les défauts de sécurité de la chose vendue. Le vendeur doit, en effet, garantir les vices de la chose, qui en diminuent sensiblement la valeur ou qui la rendent impropre à l’usage auquel elle est destinée d’après sa nature ou d’après le contrat.

Naturellement, les défauts qui diminuent légèrement la valeur ou la jouissance ne donnent pas lieu à garantie. De même, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents, de ceux dont l’acheteur a eu connaissance ou qu'il aurait pu facilement connaître.

Cette garantie est ouverte à toutes les personnes en butte à des vices de constructions non apparents. Mais sa mise en œuvre ne peut favorablement prospérer que sous certaines conditions.

Le vice doit naturellement présenter un certain degré de gravité

- Dans quelles conditions est-elle appliquée ?

- En pratique et pour mettre en jeu la garantie des vices cachés, l’acquéreur doit réunir un certain nombre de conditions. Il doit ainsi prouver que le vice est bien antérieur à la date de la livraison, qu’il lui était inconnu au moment de la conclusion du contrat de vente, et que celui-ci réduit sensiblement l’usage du bien immobilier en question.

Pour être en effet retenu en tant que vice caché et permettre la mise en œuvre de la garantie, le vice doit naturellement présenter un certain degré de gravité de façon à rendre la chose impropre à l’utilisation normale, ou à tout le moins, diminuer cet usage.

- Y a-t-il un délai de prescription ?

- Le recours doit, en la matière, être exercé rapidement. En effet, sur le fondement des dispositions de l’article 65 de la loi 31-08, “toute action en justice découlant des défauts nécessitant la garantie, ou du fait que l’objet vendu soit dépourvu des qualités promises, doit être intentée et, sous peine de forclusion, dans un délai de 2 ans après la livraison pour les immeubles”. L’acquéreur dispose donc d’un délai de deux années, à partir de la date de la remise des clés, pour déclarer tout vice ou défaut de construction.

L’acquéreur est tenu de prouver que le vice existait bien au moment de la livraison

- Quelles sont les bonnes pratiques à adopter après la constatation du vice de construction ?

- Il faut envisager dans un premier temps de s’adresser au promoteur en le notifiant du ou des vices constatés, et espérer que cela suffira à l’inciter à prendre les mesures idoines en vue de la réfection et/ou de la réparation de l’anomalie liée au défaut de construction.

Dans l’éventualité, malheureusement fréquente, où le promoteur est aux abonnés absents, il est recommandé à l’acquéreur de faire constater l’état de la chose par l’autorité judicaire ou par un expert assermenté. Il est bien entendu tenu de prouver que le vice existait bien au moment de la livraison.

- Que faire lorsque le vice est révélé après l’expiration du délai de prescription ?

- Lorsque le recours n’est pas exercé dans le délai impératif des deux années évoquées, la forclusion profite au vendeur et joue contre l’acquéreur, qui se trouve de plein droit déchu d’un droit qui n’a donc pas été exercé dans les délais légaux prescrits.

- Quels sont les autres recours, hormis l’activation de la garantie légale des défauts de la chose vendue ?

- Lorsque l’acquéreur constate des défauts au niveau des gros œuvres, fondations et/ou murs susceptible d’exposer la structure à un risque éventuel d’effondrement, il est fondé à se prévaloir de la garantie décennale, valable 10 ans à compter du jour de la réception des travaux.

Cette garantie trouve son fondement au sein des dispositions de l’article 769 du DOC, lequel précise clairement que “l’architecte ou l’ingénieur et l’entrepreneur chargés directement par le maître sont responsables lorsque, dans les dix années à partir de l’achèvement de l’édifice ou autre ouvrage dont ils ont dirigé ou exécuté les travaux, l’ouvrage s’écroule, en tout ou en partie, ou présente un danger évident de s’écrouler, par défaut des matériaux, par le vice de la construction ou par le vice du sol. Le délai de 10 ans court à compter du jour de la réception des travaux, et l'action doit être diligentée dans les 30 jours à partir du jour où s’est vérifié le fait qui donne lieu à la garantie ; elle n’est pas recevable après ce délai”.

Pour se prévaloir de cette garantie, l’acquéreur doit impérativement réaliser une expertise immobilière, afin d’établir le ou les vices structurels.

Cette assurance responsabilité civile décennale ou assurance construction offre ainsi une garantie de 10 ans contre tous les dommages susceptibles d’affecter la solidité des bâtiments. En outre, et lorsque l’acquéreur souhaite se prévaloir du bénéfice de la garantie décennale, il n’est nullement contraint, lorsque le sinistre survient durant les dix premières années d’existence de l’ouvrage de ladite garantie, de diligenter une quelconque procédure judiciaire. In fine, force est de constater que la garantie décennale protège tant le promoteur que l’acquéreur.

- Peut-on se protéger davantage en amont ?

- On peut parfaitement envisager la mise en place d’une garantie conventionnelle, qui se présente comme une garantie supplémentaire à la garantie légale des défauts de la chose vendue, que le promoteur peut proposer à l’acquéreur. Il sera nécessaire pour le promoteur d’en préciser les contours (durée, portée et conditions de la garantie).

Cette garantie conventionnelle doit nécessairement faire l’objet d’un écrit qui doit comporter certaines mentions essentielles (durée de validité de la garantie, description du bien objet de la garantie, obligations du garant en cas de défectuosité du bien.).

L’intérêt d’une telle clause extensive de garantie, lorsqu’elle est acceptée par le vendeur, permet d’assurer la couverture des vices cachés et même de ceux qui sont apparents, de réparer la chose défectueuse dans des conditions plus favorables que celles prévues par le dispositif légal, voire d’assumer l’obligation de garantie pendant un délai plus long.

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