Ententes sur le marché des carburants : les pétroliers notifiés des griefs... et maintenant ?

Mis en cause par les enquêteurs du Conseil de la concurrence, les pétroliers ont deux mois pour s'expliquer sur les accusations d'ententes anticoncurrentielles.

Ententes sur le marché des carburants : les pétroliers notifiés des griefs... et maintenant ?

Le 22 août 2023 à 16h43

Modifié 27 août 2023 à 19h19

Mis en cause par les enquêteurs du Conseil de la concurrence, les pétroliers ont deux mois pour s'expliquer sur les accusations d'ententes anticoncurrentielles.

Au Conseil de la concurrence, les services d'instruction se penchent de nouveau sur le dossier des hydrocarbures. Notifiés début août des griefs d'ententes anticoncurrentielles, les pétroliers en cause devront se défendre à l'occasion d'une procédure contradictoire.

L'instruction vise neuf entités opérant sur le marché marocain du gasoil et de l'essence. Mais pas seulement. Leur association professionnelle, le Groupement des pétroliers du Maroc, est également concernée par les griefs. Les parties ont un délai de deux mois pour formuler leurs observations. Le décompte a commencé à partir de la notification.

Les soupçons d'ententes couvrent à la fois l'approvisionnement, le stockage et la distribution des produits en question. Les enquêteurs du Conseil évoquent l'existence "d'éléments suffisamment probants" pour étayer leurs accusations.

La mise en cause ne tranche pas sur la culpabilité ou non des opérateurs. Cette question est dévolue exclusivement aux membres du Conseil. Sur une affaire d'une telle dimension, la décision sera votée en formation plénière. Au sein du régulateur, c'est l'organe décisionnaire le plus important.

En attendant, les opérateurs seront amenés, tout d'abord, à s'expliquer sur les charges formulées à leur encontre. Leurs observations peuvent être écrites et/ou explicitées lors d'auditions devant le rapporteur chargé d'instruire le dossier.

La fin de l'instruction donnera lieu à un rapport notifié aux parties. Il contiendra l’exposé des faits, les infractions relevées, ainsi que les éléments d’information et les pièces sur lesquels se fonde le rapporteur, et des observations faites par les intéressés. Un document que les pétroliers seront de en mesure de commenter.

Le rapport d'instruction éclaire, mais ne conditionne pas (obligatoirement) le Conseil dans sa décision définitive. Comme dans un tribunal, les organes d'instruction et de jugement sont distincts. Les parties peuvent être ainsi invitées à s'expliquer oralement devant les membres du Conseil, dans ce qui s'apparente à des plaidoiries face aux juges.

Pour l'heure, Total est la seule partie en cause à avoir communiqué sur la notification des griefs. Pour une société cotée en bourse, cette démarche est une obligation légale. Les entreprises faisant appel public à l'épargne doivent publier toute "information pouvant avoir une influence significative" sur les cours en bourse de leurs titres ou "une incidence" sur le patrimoine de leurs porteurs.

À l'évocation des pratiques anticoncurrentielles, le risque financier est substantiel : l'amende peut atteindre 10% du chiffre d'affaires mondial pour les entreprises ayant une activité internationale.

Dans les faits, les charges et les parties, ce dossier est une quasi-réplique de celui avorté il y a trois ans, en raison des dysfonctionnements ayant entaché la procédure. Dans ce premier chapitre, près d'une année avait séparé la notification des griefs et l'ouverture de la phase délibérative (qui avait finalement débouché sur une non-décision).

Transaction, sanctions, circonstances aggravantes ou atténuantes

Un élément notable différencie les deux procédures. Le cadre légal a subi des modifications entre-temps. La refonte de la loi 104-12 contient désormais de nouvelles dispositions touchant notamment au volet transactionnel. Cette option est possible lorsqu'une partie ne "conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés". Auquel cas le rapporteur général "peut lui soumettre, après validation par le Conseil, une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée."

Si la partie concernée donne son accord sur la proposition de transaction, le même rapporteur général "propose au Conseil de la concurrence, qui entend l’entreprise ou l’organisme et le commissaire du Gouvernement, sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire dans les limites fixées par la transaction".

L'autre nouveauté concerne la détermination de l'amende. Avec l'introduction d'éléments objectifs, tels que le chiffre d’affaires en relation avec l’infraction et les ventes des biens ou services réalisées par le contrevenant. La durée des pratiques illégales et les montants indûment récoltés dans ce cadre seront également examinés.

Fixée "individuellement", la sanction tient également compte de "l’existence de circonstances atténuantes ou aggravantes", notion là aussi introduite par le refonte. Une entité peut ainsi prétendre à un traitement clément lorsqu'elle coopère à l’enquête ou lorsqu'elle "a réparé partiellement ou entièrement les dommages causés par l’infraction". À l'inverse, s'expose à des sanctions aggravées le contrevenant récidiviste, récalcitrant ou qui a joué un rôle de "meneur" dans les faits reprochés.

Pour consulter le détail des griefs adressés aux pétroliers lors de l'ancienne procédure :

Concurrence : Nouveaux détails sur le dossier des carburants

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