L’équipe féminine du Maroc en huitièmes de finale de la Coupe du monde : la symbolique d'une victoire historique

C’est un petit pas pour l’équipe nationale féminine et un grand pas pour la femme marocaine, qui a montré à travers cette grande victoire, que sa place n’est pas seulement à la "couzina", comme l’ont soutenu les esprits conservateurs au début du Mondial. Les leçons d’un exploit sportif qui dépasse de loin l’enceinte d’un stade de foot pour rejaillir sur toute la société.

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L’équipe féminine du Maroc en huitièmes de finale de la Coupe du monde : la symbolique d'une victoire historique

Le 3 août 2023 à 18h46

Modifié 3 août 2023 à 18h46

C’est un petit pas pour l’équipe nationale féminine et un grand pas pour la femme marocaine, qui a montré à travers cette grande victoire, que sa place n’est pas seulement à la "couzina", comme l’ont soutenu les esprits conservateurs au début du Mondial. Les leçons d’un exploit sportif qui dépasse de loin l’enceinte d’un stade de foot pour rejaillir sur toute la société.

Après une défaite humiliante face à l’Allemagne (6-0) au premier match, les Marocaines ont déjoué tous les pronostics en battant tour à tour deux grandes équipes de la compétition, la Corée du Sud puis la Colombie pour se placer, avec six points, en deuxième position, éliminant de facto l’Allemagne. Elles devront se confronter au deuxième tour à une autre grande équipe de foot féminin : la France du sorcier blanc, comme on l’appelle en Afrique, Hervé Renard.

Dans le langage du foot, cela s’appelle une remontada spectaculaire, que seuls des rocs au niveau mental peuvent réaliser, surtout après le résultat décevant du premier match. Et les Marocaines ont prouvé qu’elles avaient un mental d’acier, une volonté de fer et des pieds en or… Où ont-elles été puiser toute cette grinta, cette rage de vaincre, de réaliser l’impossible ? C’est la question que tout le monde se pose, sans avoir de réponse, et les Lionnes de l’Atlas sont déjà considérées dans ce Mondial comme LA grande découverte.

Une victoire contre des stéréotypes à la peau dure

Cette victoire, on peut l’analyser sur le plan sportif de mille manières : parler du coach, l’extraordinaire Reynald Pedros, du changement tactique opéré après la défaite contre l’Allemagne, de la stratégie défensive en bloc menée contre la Corée du Sud et la Colombie, de l’efficacité des transitions défense-attaque qui ont surpris les adversaires des Lionnes, de l’esprit de groupe qui a régné dans cette équipe, de la défaite surprenante de l’Allemagne contre la Colombie et son match nul contre la Corée qui ont offert cette qualification aux Marocaines…

Bref, les commentateurs sportifs peuvent disserter sur cet exploit sans fin, en convoquant tous les mots savants du registre footballistique. Mais ils ne peuvent remplacer un élément clé, que seul un Marocain, ou ceux qui ont vécu dans le Royaume suffisamment longtemps pour en saisir l’esprit, peuvent comprendre : la force de caractère de la femme marocaine. Qu’elle soit haute fonctionnaire de l’Etat, cadre du privé, enseignante, médecin, femme de ménage, mère au foyer, commerçante dans l’informel, travailleuse agricole, la Marocaine est une battante dont la force et la puissance se révèlent le plus souvent dans l’adversité. C’est ainsi qu’elle persévère et se transforme en une machine de guerre redoutable lorsqu’il s’agit de se sortir d’une situation difficile. Et cela est d’autant plus vrai quand on la prend de haut, quand elle se sent humiliée, méprisée.

Et c’est ce qui s’est passé avec notre équipe nationale. Après le premier match contre l’Allemagne, une campagne de haine orchestrée par des conservateurs de tous bords s’est abattue sur le Onze national : "Blastek f l’couzina" (ta place est dans la cuisine), "la seule chose que la femme marocaine sait gagner, c’est la nafaqa (la pension alimentaire) contre son ex-mari", "le hijab de la honte", en référence à la tenue de la défenseuse centrale de l’équipe, Benzina - première femme voilée à disputer un Mondial de foot. Beaucoup croyaient que ces messages machistes et blagues de mauvais goût allaient mettre à terre les coéquipiers de Ghizlane Chebbak. Mais c’est l’inverse qui s’est produit. En Australie, les Marocaines ne se sont pas battues uniquement contre des adversaires sportifs, mais contre une société qui veut les réduire au rôle de fille, de mère et d’épouse, les privant de toute chance d’exister en tant qu’individu et en tant que femme, et donc de s’épanouir, s’émanciper par le sport, exercer sa passion et représenter les couleurs du pays.

Elles ont ainsi battu, contre toute attente, la Corée du Sud puis la Colombie, mais ont surtout défendu leur statut de femme, cassant les stéréotypes d’un autre âge et montrant qu’elles n’avaient rien à envier à leurs homologues masculins. Ce n’est donc pas une simple victoire sportive, mais une victoire sociétale, forte en symboles, qui vient couronner des dizaines d’années de lutte pour le droit de la femme, dans un contexte où le débat sur les grandes réformes de la Moudawana et du Code pénal semble pris en otage par les conservateurs.

Une onde de choc pour les derniers (et très nombreux) rétifs

Cette victoire, beaucoup plus que celles politiques ou économiques remportées par la femme marocaine ces dernières années, a une résonance particulière. Car elle se joue sur le terrain du foot, le sport le plus populaire au Maroc, et a été vue, suivie, par des millions de citoyens, hommes, femmes, jeunes, enfants… L’impact de cet exploit footballistique est considérable et l’onde de choc qu’il a produite va à coup sûr faire bouger les mentalités dans notre pays, encourager d’autres femmes à croire en elles, en leurs potentialités, et à se battre pour se réaliser contre vents et marées. En s’inspirant de la grinta de nos Lionnes, et en étant désormais certaines que rien n’est impossible, y compris dans un pays où le frère continue de battre (au sens littéral) sa sœur s’il la voit jouer au foot dans la rue, où par la règle du Taâssib, des oncles peuvent déshériter les filles d’un défunt pour la simple raison qu’elles sont des femmes, où des juges continuent d’autoriser des mariages de mineures, où des patrons estiment qu’une femme n’a pas droit au même salaire que son collègue masculin, que la place de la femme, son rôle dans la société, sa vocation sacrée est de s’occuper de sa maison, de son mari et de ses enfants…

Au Qatar, les Lions de l’Atlas ont démontré, par le foot, que le Marocain peut pulvériser tous les plafonds de verre. En Australie, les Lionnes ont prouvé que la femme marocaine est capable de faire de même, que rien ne la différencie de son homologue masculin. Un message reçu 5/5 par 40 millions de Marocains. Ou comment une équipe de foot peut faire en 90 minutes ce que des dizaines d’années de luttes féministes n’ont pas su réaliser à cette échelle : convaincre le mâle marocain que sa concitoyenne est aussi compétente. Et qu’elle doit avoir par conséquent les mêmes droits que lui, dans tous les domaines.

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