Faible croissance prévue pour 2023 et 2024 : comment casser le plafond de verre des 3,5% ?

Selon le HCP, la croissance du PIB pour 2023 serait de 3,3% et s’élèverait à 3,6% en 2024. Si l’institution d’Ahmed Lahlimi parle de reprise, ce niveau de croissance reste insuffisant pour mettre le pays sur la trajectoire du développement et absorber le chômage galopant dans la société. Sortir de ce goulot d’étranglement d’une croissance moyenne de 3,5% devient une urgence économique, sociale et politique.

Faible croissance prévue pour 2023 et 2024 : comment casser le plafond de verre des 3,5% ?

Le 12 juillet 2023 à 18h15

Modifié 12 juillet 2023 à 19h15

Selon le HCP, la croissance du PIB pour 2023 serait de 3,3% et s’élèverait à 3,6% en 2024. Si l’institution d’Ahmed Lahlimi parle de reprise, ce niveau de croissance reste insuffisant pour mettre le pays sur la trajectoire du développement et absorber le chômage galopant dans la société. Sortir de ce goulot d’étranglement d’une croissance moyenne de 3,5% devient une urgence économique, sociale et politique.

Le Budget exploratoire pour 2023 et 2024, publié le 11 juillet par le haut-commissariat au Plan (HCP), n’apporte rien de bien réjouissant : après une croissance de 1,3% en 2022, l’économie marocaine connaîtra une petite reprise en 2023 et en 2024 avec une croissance respective de 3,3% et de 3,6%. Des taux qui restent très hypothétiques, si on lit bien la note du HCP, car fortement dépendants de l’évolution de la valeur ajoutée agricole, elle-même sujette à beaucoup d’incertitudes, la sécheresse étant devenue presque la règle au Maroc.

Avec ces niveaux de croissance réalisés depuis 2022, le Maroc est encore loin de la trajectoire de développement et d’émergence tracée par le Nouveau Modèle de développement (NMD), qui a clairement fixé un objectif de croissance de 6% à l’horizon 2035 pour pouvoir résorber l’ensemble des déficits sociaux du pays. Sur un horizon plus court, le gouvernement s’était fixé lui aussi un objectif moins ambitieux, mais qui semble tout aussi lointain : une croissance moyenne de 4% entre 2021 et 2026.

Les 4% de croissance ne relèvent pourtant pas du miracle. Entre 2000 et 2009, la moyenne de croissance du PIB était de 4,8% et a vu sa capacité s’essouffler progressivement pour passer à 3,5% entre 2010 et 2019 ; rythme qui semble se poursuivre aujourd’hui…

Dans le rapport sur le Nouveau Modèle de développement, les experts de la CSMD ont reconnu que ce rythme, caractérisé en plus par un contenu faible en emplois, ne permettait pas d’absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail, en majorité des jeunes. Il ne permet pas non plus au Maroc de réaliser un véritable décollage économique, estimant qu’il faut au moins une croissance de 6% d’ici 2035 pour pouvoir corriger le tir.

Les experts du HCP ne disent pas autre chose, affirmant en conclusion de leur budget exploratoire que "les perspectives d’évolution de l’économie nationale demeurent modérées et tributaires des secteurs traditionnels qui entravent la réalisation d’une croissance économique génératrice d’un niveau d’emploi et de revenus satisfaisants".

En clair, pas d’émergence, ni de décollage économique, encore moins de bien-être social, sans une croissance élevée sur une bonne quinzaine d’années. Comment y arriver ?

Sortir de la dépendance aux campagnes agricoles

Pour le HCP - et ce n’est pas nouveau -, la recette consiste à développer de manière encore plus vigoureuse les capacités productives du pays et à réduire les fluctuations des performances du secteur agricole afin d’assurer un niveau de production stable et résilient face aux aléas climatiques, notamment dans le segment céréalier.

Ce dernier point est extrêmement important. Car malgré la faiblesse de la contribution du secteur agricole au PIB, cet indicateur de la campagne céréalière ainsi que les autres indicateurs de la campagne agricole restent les principaux déterminants de la croissance du pays. Quand la pluie est au rendez-vous, la croissance dépasse facilement les 3%. Et quand l’année est sèche, on tombe au mieux à moins de 1,5%.

Pour le HCP, ceci n’est pas une fatalité, car si l’on ne peut pas agir sur les conditions climatiques, on peut en revanche agir sur le rendement de nos cultures, notamment céréalières.

Et selon l’institution dirigée par Ahmed Lahlimi, le rendement céréalier au Maroc n’a progressé que légèrement au cours des quarante dernières années, passant de 10,4 q/ha en moyenne sur la période 1980-1999 à seulement 13,3 q/ha en moyenne sur la période 2000-2020. Loin de la moyenne mondiale et de celle des pays de la région MENA, qui affichent un rendement moyen de 15,8 q/ha et de 23,3 q/ha respectivement sur les deux périodes.

"Cette orientation s’impose d’autant plus que le changement climatique que connaît le Maroc, à l’instar des pays du monde, est conjugué à une surexploitation des ressources en eau qui ont induit un stress hydrique structurel", insiste le HCP.

Des capacités productives encore sous-exploitées…

Quant aux structures productives, l’épisode inflationniste des deux dernières années a montré leur extrême fragilité, comme le met en lumière le HCP, malgré les tentatives de création d’une nouvelle dynamique à travers les politiques d’import substitution.

"La tendance actuelle du niveau de pénétration des importations, qui contribue au maintien d’une large dépendance de l’inflation interne aux fluctuations des cours des intrants importés, nous interpelle sur la capacité du tissu productif national à substituer la demande croissante sur les produits importés. Ainsi, il est indispensable d’intensifier les efforts en faveur de l’intégration du tissu productif national, pilier fondateur de la souveraineté industrielle de l’économie nationale", explique le HCP dans sa note.

Et d’ajouter que "cette orientation devrait passer par des politiques poussées de substitution basées sur le ciblage des groupes de produits locomotifs des importations qui favorisent l’accroissement du déficit extérieur et pénalisent le rétablissement durable de la balance courante".

Mais qui dit balance commerciale dit aussi amélioration de l’offre exportable. Et cette dernière dépend fortement du niveau de diversification de l’offre Maroc. Et c’est là où le bât blesse (encore), indicateurs à l’appui : le classement de l’économie marocaine sur l’indice de complexité économique (ECI) n’a progressé que de 9 places en vingt ans, passant du rang 89 en 2000 au rang 80 en 2020.

Une progression que le HCP qualifie de "timide" comparativement à l’évolution réalisée par des pays similaires tels que le Cambodge, qui est passé du rang 113 en 2000 au rang 73 en 2020, gagnant ainsi 40 places ; le Paraguay qui est passé du rang 109 au rang 84, ou encore la Tunisie qui a gagné plus de 20 places sur la même période en passant du rang 67 au rang 44.

Mais le grand frein à la croissance reste, avec tous ces éléments bien sûr, la faible productivité, notamment celle du secteur manufacturier. Le HCP a annoncé avoir lancé une étude pour explorer cette thématique et comprendre pourquoi le Maroc n’arrive toujours pas à gagner en productivité, variable essentielle pour donner un coup de boost à la croissance et faire prendre à l’économie marocaine quelques points de PIB.

La faiblesse des gains en productivité, principal frein à l’accélération de la croissance

Le rapport sur le NMD avait également mis le doigt sur cet élément capital pour favoriser la croissance, estimant que la perte de vigueur de l’activité économique traduit essentiellement "la faiblesse des gains de productivité et la diversification limitée des ressorts de la croissance sur le plan sectoriel et géographique".

Une situation aggravée, selon ce précieux rapport dont on n’entend plus parler depuis la fin de la campagne de communication autour de ses conclusions, par les coûts des facteurs affectant la compétitivité des entreprises nationales, le climat des affaires et les distorsions générées par le système incitatif public qui continue de soutenir les activités traditionnelles ou à faible valeur ajoutée, et de manière moindre les activités productives et innovantes et celles à fort potentiel de développement de l’offre exportable à forte valeur ajoutée.

Un système qui produit, explique le rapport, "une lenteur du processus de transformation structurelle de l’économie nationale", comme le montre d’ailleurs la structure du PIB qui n’a pas connu d’évolution majeure sur les deux dernières décennies. Et ce, malgré la montée en puissance, visible à l’œil nu, du secteur industriel par exemple, notamment les branches automobiles, chimiques et aéronautiques. Des développements qui sont à souligner, estime le rapport du NMD, mais qui n’ont pas encore été suffisamment denses pour entraîner un changement de la structure économique.

Pour changer la donne, créer un nouveau choc de croissance et mettre le pays sur la voie de la prospérité, le Maroc a besoin selon les experts de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) d’une dynamique de création de valeur et d’emplois qui serait portée par une économie entrepreneuriale, diversifiée, productive et innovante, et un tissu économique d’entreprises dense, compétitif et résilient, mettant à profit les nombreux avantages comparatifs du pays et ses richesses matérielles et immatérielles, dans tous les territoires.

Un vaste chantier dont on n’entrevoit pas encore le commencement, à part dans quelques niches ou départements, comme celui de l’Investissement où une nouvelle charte a été édictée, allant dans le sens des conclusions du NMD, consistant à faire des incitations publiques un outil de réorientation de l’investissement privé vers des secteurs plus porteurs, productifs et créateurs de richesses et d’emplois.

Pour le reste, l’exécutif semble, selon un expert consulté par Médias24, tellement pris par la gestion des affaires urgentes (inflation, sécheresse, rareté de l’eau…) qu’il n’a pas eu le temps de mettre en place une vision d’ensemble pour la réalisation des objectifs du NMD.

En attendant, le pays reste encore pris au "piège des pays à revenu intermédiaire", concept économique qui décrit la situation de pays connaissant un essoufflement du rythme de croissance de leur PIB par habitant sur une longue période, à cause essentiellement de la faiblesse des gains de productivité, qui est citée généralement comme l’obstacle structurel à leur transition vers la catégorie de pays à revenu élevé.

Une transition qui doit passer obligatoirement par la transformation productive du secteur privé, appelé à être de plus en plus entrepreneurial et innovant, capable de prendre des risques, d’explorer de nouvelles opportunités, de se lancer à la conquête de nouveaux secteurs et marchés et d’affronter la concurrence internationale.

La Charte de l’investissement est venue justement pour participer à la réalisation de cet objectif, mais sera-t-elle suffisante pour transformer les mentalités, là où se trouve le nœud du problème, comme l’avait souligné le rapport sur le NMD ? C’est ce pari qu’il faudra relever, et gagner, pour pouvoir accéder à l’émergence et casser ce petit plafond de croissance qui bloque tout un pays…

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