Comment l’INRA accompagne le secteur agricole contre la sécheresse et la pénurie hydrique

La recherche agronomique est invitée à contribuer à l’émergence d’une agriculture durable et adaptée à la nouvelle donne climatique. Une ambition dont l’Institut national de la recherche agronomique est la cheville ouvrière. Le point avec son directeur, le Dr Faouzi Bekkaoui.

Comment l’INRA accompagne le secteur agricole contre la sécheresse et la pénurie hydrique

Le 13 juin 2023 à 14h34

Modifié 13 juin 2023 à 15h11

La recherche agronomique est invitée à contribuer à l’émergence d’une agriculture durable et adaptée à la nouvelle donne climatique. Une ambition dont l’Institut national de la recherche agronomique est la cheville ouvrière. Le point avec son directeur, le Dr Faouzi Bekkaoui.

À travers une dizaine de centres nationaux de recherche, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) apporte sa pierre à l’édifice dans le cadre de l’orientation agricole du Royaume, symbolisée par la stratégie Génération Green (2020-2030). 

D’ailleurs, le gouvernement et le ministère de l’Agriculture placent de grands espoirs dans l’INRA, comme en attestent les 19 contrats-programmes qui visent, sans exception, plusieurs objectifs en matière de recherche et de développement agronomique. 

La réponse aux objectifs de recherche et développement des contrats-programmes "va passer par la signature de conventions spécifiques avec les interprofessions", assure à Médias24, le Dr Faouzi Bekkaoui, directeur de  l’Institut national de la recherche agronomique. "L’INRA dispose des résultats de recherche pour accompagner les différentes interprofessions et répondre aux objectifs de recherche développement au niveau des contrats-programmes".

De plus, partant du principe que le secteur agricole marocain fait face à de nombreux défis et écueils, l’INRA a développé un Programme de recherche à moyen terme (PRMT) pour la période 2021-2024. Ce programme "couvre un spectre très large de thématiques axées sur les défis de la prochaine décennie", affirme le Dr Faouzi Bekkaoui. "L’évaluation à mi-parcours a montré que le PRMT avance dans le bon sens. Les objectifs visés seront atteints et, pour certains, ils seront même dépassés", se réjouit-il. 

Consolidation des filières prioritaires

Concrètement, quatre grandes priorités se dégagent du Programme de recherche à moyen terme de l’INRA, à commencer par la consolidation des filières prioritaires et émergentes. "Les recherches qui intéressent la consolidation des filières visent l’augmentation des rendements, la diversification de l’offre, la valorisation des produits et l’organisation des chaînes de valeur", précise le Dr Bekkaoui.  

Plus en détail, les mesures du PRMT concernant les filières végétales s’articulent autour des axes suivants : 

- la sélection variétale et l’amélioration génétique, en adoptant des outils biotechnologique et en conservant des ressources génétiques ; 

- l’amélioration des techniques de production et de protection des cultures pour l’optimisation durable des rendements grâce à de nouvelles technologies qui privilégient les pratiques écologiques et l’agriculture de précision ;

- la valorisation des produits alimentaires en post-récolte par le développement de techniques de conservation et de transformation, ainsi que la caractérisation des produits de terroirs pour labellisation ; 

- la réalisation d’études sur la gouvernance des chaînes de valeur et des mécanismes de coordination pour une meilleure synergie entre les acteurs et une complémentarité des interventions. 

Transfert des semences et plants

S’agissant du volet du transfert des semences et plants, l’INRA est à l’initiative d’un programme de démonstration à petite et à grande échelle. Il inclut pareillement d’autres technologies et pratiques développées spécifiquement pour ce matériel génétique.

"Ce transfert concerne les semences de prébase de variétés des grandes cultures aux sociétés semencières, les souches bourgeonnantes aux laboratoires de production des vitroplants de palmier dattier, et les greffons sains de plants d’arbres fruitiers aux pépiniéristes agréés", souligne M. Bekkaoui.  

Un accompagnement de proximité sera également proposé à des groupes d’agriculteurs en collaboration avec l’Office national du conseil agricole (ONCA), "en plus de sessions de formation interactives que l’INRA compte offrir aux coopératives portant sur les technologies de valorisation de la biomasse ou des produits alimentaires", annonce notre interlocuteur.  

Résilience et éco-efficience

Au regard des conditions climatiques défavorables et de la pénurie d’eau, la résilience et l’éco-efficience de l’agriculture marocaine sont plus que jamais nécessaires. À ce titre, plusieurs moyens sont déployés par l’INRA pour y faire face, dont le développement des variétés tolérantes à la sécheresse. 

"En collaboration avec nos partenaires, dont l’ICARDA, nous disposons de variétés qui, avec moins d’eau, sont 30% plus productives que les variétés non tolérantes", se félicite le Dr Bekkaoui.  

Dans l’optique d’améliorer l’utilisation des ressources en eau, la recherche vise le développement et la promotion d’une gestion intégrée et efficiente de l’irrigation, à travers l’optimisation des techniques comme l’irrigation d’appoint, mais aussi l’irrigation déficitaire contrôlée ou régulée.

L’irrigation par dessèchement partiel des racines et le système d’irrigation à basse pression peuvent également jouer un rôle clé dans la production agricole en période de sécheresse. "De telles approches peuvent permettre d’économiser entre 20% et 50% d’eau selon les espèces, sans affecter le niveau des rendements", indique notre interlocuteur.

La seule limite à l’heure actuelle réside dans l’intégration de ces technologies et approches de gestion innovantes dans la prise de décision chez les agriculteurs, et l'élaboration de politiques de gestion de l'eau à long terme par les décideurs. 

Speed Breeding et utilisation des marqueurs moléculaires

La création variétale représente l’un des défis les plus ardus à relever. Qui plus est, à la lumière du temps nécessaire à cet effet, puisque les schémas de sélection conventionnels nécessitent environ 10 à 12 ans pour développer une nouvelle variété. 

Cela dit, l’INRA a réussi à comprimer cette durée grâce à de nouvelles techniques d’amélioration. "Elles permettent de réduire ce cycle à environ 5-7 années, notamment grâce à la technique du Speed Breeding et l’utilisation des marqueurs moléculaires, pour identifier des lignées prometteuses sans attendre l’évaluation au champ", affirme le Dr Faouzi Bekkaoui.  "La technique du Speed Breeding permet d’avoir quatre générations par an pour les cultures annuelles, ce qui réduit significativement la durée de développement des nouvelles variétés."

Une fois qu'une nouvelle variété est développée, elle suit un parcours en plusieurs étapes. D'abord, elle est proposée pour inscription au catalogue officiel de l’ONSSA. Une étape qui prend deux ans généralement, pendant laquelle la variété passe deux tests : le test DHS (distinct, homogène et stable) et le test VAT (Valeur agronomique et technologique). 

Afin d'être sélectionnée, cette variété doit avoir des caractéristiques supérieures aux variétés témoins dans les sites d’évaluation disséminés à travers le Maroc. Ils sont au nombre de sept et représentent différents climats : aride, semi-aride, bour favorable, irrigué et montagne. 

"Si la variété est jugée performante, elle est inscrite au catalogue officiel de l’ONSSA", indique le Dr Bekkaoui. Par la suite, "l’INRA transfère le droit de multiplication à une société semencière agréée par l’ONSSA à travers des appels d’offres. Une fois cédée, l’INRA entame le programme de multiplication des semences de prébase (G1 et G2)", complète-t-il.  

Généralement, les semences G2 sont fournies par l’INRA aux sociétés semencières qui, à leur tour, produisent des semences de base (G3 et G4) et des semences de reproduction (R1 et R2). Cette procédure est régie par des contrats de multiplication avec les multiplicateurs de semences au niveau national. Il est à noter que le programme de multiplication des semences comprend six années après inscription de la variété au catalogue officiel.

Un déficit de ressources humaines 

L’INRA dispose d’une dizaine de centres régionaux de recherche agronomiques sur le territoire national. "Il est ‎tout à fait possible que d’autres centres voient le jour, notamment dans la région Guelmim-‎Oued Noun et la région Laâyoune-Sakia El Hamra", annonce le Dr Faouzi Bekkaoui. 

Sur le plan des infrastructures, l’INRA semble suffisamment dotée, à l’inverse des moyens humains. ‎"La catégorie des chercheurs et des techniciens est problématique avec les départs à la retraite qui ne sont pas compensés. Durant les années à venir, la cadence des départs à la retraite va s’accélérer et, si rien n’est fait, la force de frappe de l’INRA risque de diminuer alors que la demande en recherche est en augmentation constante", prévient notre interlocuteur.  

Pour pallier le manque, l'INRA a recours à des doctorants et des stagiaires. "La possibilité de prolongation pour les agents ayant atteint l’âge de départ à la retraite offre aussi une bouffée d’oxygène à l’INRA pour bénéficier de l’expertise de certains chercheurs, techniciens et agents de support."

Par ailleurs, "les procédures d’engagement des dépenses posent quelques problèmes, compte tenu de la nature de l’activité de recherche qui nécessite une certaine souplesse, qui peut être accordée à l’INRA dans le cadre du contrôle d’accompagnement au lieu du contrôle a priori en vigueur actuellement", déplore le directeur de l’INRA.  

Consciente de cette problématique, la stratégie Génération Green prévoit d'accroître les ressources de la recherche de 50% à 100% à l’horizon 2030 par rapport aux ressources de 2019. "Cependant, cette augmentation n’a pas encore été implémentée", conclut le Dr Faouzi Bekkaoui.  

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