Ovins du Maroc : 5 races dominantes, d'autres ont disparu

Chaque année, à l'approche de Aid Al Adha, le débat sur les différentes races ovines au Maroc refait surface. C’est l’occasion pour les habitants de chaque région de défendre la race locale dominante. Quelles sont donc les races marocaines les plus connues et d'où viennent-elles ? Le point avec Ismail Boujenane, ingénieur agronome spécialisé en génétique et ancien enseignant-chercheur à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II.

Archive MAP

Ovins du Maroc : 5 races dominantes, d'autres ont disparu

Le 12 juin 2023 à 19h54

Modifié 13 juin 2023 à 10h33

Chaque année, à l'approche de Aid Al Adha, le débat sur les différentes races ovines au Maroc refait surface. C’est l’occasion pour les habitants de chaque région de défendre la race locale dominante. Quelles sont donc les races marocaines les plus connues et d'où viennent-elles ? Le point avec Ismail Boujenane, ingénieur agronome spécialisé en génétique et ancien enseignant-chercheur à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II.

Chaque année, environ 5 à 7 millions d’ovins et de caprins sont consommés durant Aid Al Adha. Mais outre ces bêtes destinées au sacrifice, le cheptel national s’élève à au moins à 18 millions de têtes, réparties sur tout le territoire national, apprend-on auprès de M. Boujenane, qui a consacré plusieurs années de sa carrière à étudier les races ovines marocaines et leur origine.

Cinq principales races au Maroc

"Le cheptel marocain s’élève à au moins à 18 millions de têtes. Et d’après la FAO, organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, il existe une douzaine de races au Maroc, dont seulement cinq ont été caractérisées et étudiées".

"Ce sont des races dont les caractéristiques phénotypiques et zootechniques ont été étudiées et dont les éleveurs adhèrent à l’Association nationale ovine et caprine (ANOC)".

"Il s’agit des races Timahdite (que l’on appelle Berguia), Sardi, Beni Guil (que l’on appelle également Berguia, mais qui est différente de Timahdite) D’man, et Boujaâd. Toutes ces races disposent d’une queue fine, contrairement à celles du Moyen-Orient et du Maghreb (Tunisie ou encore Libye), dont la queue est grasse".

"Le berceau de la race Timahdit se trouve au Moyen Atlas et dans les régions avoisinantes. Cette race est essentiellement caractérisée par une tête brune et des pattes blanches. Sa toison est blanche et ses mâles sont cornus. Les brebis adultes font en moyenne près de 45 kg, contre une moyenne de 70 à 80 kg pour les mâles. La race de Timahdit occupe la seconde place au Maroc en termes d'effectif de cheptel".

Le sardi, une belle race

L’autre race, qui est plébiscitée par les Marocains, est le Sardi, dont le berceau se trouve au triangle de la Chaouia, Tadla et Abda, mais également au niveau du Haouz. Sa capacité d’adaptation à différents environnements fait qu’on la retrouve dans différentes zones, notamment dans le Nord du Royaume, prenant ainsi la place d’autres races locales existantes depuis longtemps.

"D’un point de vue phénotype, le Sardi est une belle race, avec sa tête blanche, et un contour noir autour des yeux et du museau, qui lui a valu le surnom de 'race à lunettes'. Sa toison est blanche, elle est haute sur pattes et ses mâles sont également cornus".

"A l’âge de trois mois, les agneaux pèsent en moyenne entre 18 à 20 kg. Adultes (plus de deux ans), les femelles pèsent en moyenne 50 kg, contre une moyenne de 80 kg pour les mâles".

Le Beni Guil

"La troisième race est la Beni Guil, dont le berceau se trouve à l’Oriental, notamment dans les zones d’Oujda, Aïn Beni Mtar, Bouarfa, Guercif, Missour, et Outat El Haj. C’est une race avec une tête de couleur brune, plus foncée que le brun de la race Timahdit. Elle a également les pattes brunes. En revanche, sa taille est presque similaire à celle de la Timahdit".

"La race Beni Guil était auparavant très appréciée par les Français, car elle pâturait sur les parcours de l’Est du pays, riches en plantes aromatiques. Au temps du protectorat, elle était ainsi exportée depuis le Maroc vers la France, via le port d’Oran en Algérie. Les ovins de cette race étaient ainsi connus sous le label ‘Petits oranais’".

D’man, une race à multiples couleurs

"Le Maroc compte également la D’man, une race des oasis du Sud marocain. Son berceau se trouve dans les oasis de Tafilalet, Erradichia, Arfoud et Rissani, ainsi que dans la vallée de Dadès et les oasis de Ouarzazate, Zagora et Tata. Différente des autres races ovines marocaines, la D’man se caractérise par sa toison colorée. Elle peut être entièrement noire, blanche, ou brune, comme elle peut être tachetée (noir et blanc, blanc et marron…)".

"Outre sa couleur, les mâles de cette race ne sont pas cornus, contrairement aux mâles de toutes les autres races marocaines. Elle est également connue à l’international pour sa prolificité élevée dont la moyenne est de 200%. Cela signifie que la brebis D’man est capable de donner naissance à plus d’un agneau par mise-bas".

"En revanche, ses performances de croissance restent faibles par rapport aux autres races. Elle dispose ainsi du poids le plus faible et d’un gain de poids également le plus faible. Adultes, les brebis D'man pèsent en moyenne entre 35 et 40 kg, et les mâles entre 60 et 70 kg. Cette race a été choisie par les éleveurs des oasis qui disposent d’exploitations de petite taille, qui ne leur permettent pas d’avoir des troupeaux de plusieurs têtes. Ainsi, au lieu d’avoir un troupeau de grande taille, ils disposent d’un nombre réduit de brebis D’man, capables de donner naissance à plusieurs agneaux à la fois".

"Enfin, la dernière race est la Boujaâd. Comme son nom l’indique, son berceau se trouve dans les régions de Boujaâd et Oued Zem. Cette race est également appelée ‘Sefra’, pour les poils de sa tête qui tirent vers le jaune. Comme les autres races, ses mâles sont cornus. Sa taille et ses performances de croissance ressemblent à celle de la race Sardi".

"Excepté la race D’man, dont la prolificité est élevée, les autres ont une prolificité de 105%. C'est-à-dire que rares sont les brebis qui donnent deux agneaux par mise-bas".

Trois grandes origines

"Outre ces cinq races, il en existe d’autres qui n’ont pas été étudiées et qui ne sont pas caractérisées. Leurs éleveurs ne peuvent de ce fait pas adhérer à l’ANOC, association qui ne regroupe que les éleveurs des principales races. Le rôle des races non caractérisées s’arrête ainsi à la fourniture de viande et de laine notamment aux populations locales. Parmi ces races, on peut citer l’Aknoul, Marmoucha, Tounfite, Aït Hdidou, etc."

"En ce qui concerne l’origine des races connues, des documents établis par des vétérinaires et zootechniciens français du temps du protectorat, étudiés par nos soins, racontent qu’il existe trois grandes origines aux races ovines marocaines :

- Les races de montagne ou d’origine berbère, qui ont existé depuis toujours au Maroc.

- Les races des plateaux ou d'origine arabe, qui sont réparties en deux types: les races des plateaux de l’Est, représentées par la race de Beni Guil et les races des plateaux de l’Ouest, représentées par les races Sardi et Boujaâd. Les documents français disent que ces races ont une origine inconnue; elles ont peut-être été amenées au Maroc par les Romains ou par les Arabes.

- Les races du littoral Atlantique. Les écrits français disent qu’elles ont été amenées au Maroc par les phéniciens. Cette origine est représentée par la race Beni Ahsen.

Les premiers ovins du Maroc arrivent d'Europe

Toutefois, une étude scientifique réalisée par M. Boujenane et son équipe, se basant sur la génétique moléculaire, a démontré que mise à part la race D’man, les quatre autres races ovines marocaines caractérisées et étudiéessont parvenues au Maroc à partir de l'Europe.

"Dans cette étude, ces cinq races ont été comparées à plusieurs races méditerranéennes. La comparaison a été faite par la génétique moléculaire en utilisant l’ADN mitochondrial. Cet ADN se trouve dans les mitochondries, et est transmis par voie maternelle, contrairement à l’ADN nucléaire qui se transmet aussi bien par la mère que par le père".

"Au niveau mondial, les races ovines sont réparties en quatre groupes génétiques, à savoir l’haplotype A, B, C, et D. L’haplotype B est celui que l’on retrouve chez les races européennes. Notre étude a démontré que la majorité des races ovines marocaines disposent de l’haplotype B, ce qui signifie qu’elles ont des relations étroites avec les races européennes, et essentiellement les races Ibériques (espagnoles et portugaises)".

"Les premiers fondateurs des races ovines marocaines avaient ainsi 79% de liens avec les races européennes et seulement 21% avec les races qui se trouvaient dans les territoires compris entre le Moyen-Orient et l’Afrique. Nous pensons alors que les principales races ovines marocaines étaient venues d’Europe, excepté la race D’man, qui a davantage de liens avec les races des territoires compris entre le Moyen-Orient et l'Afrique".

La race de D'man est la plus ancienne au Maroc

"Nous avons même calculé le temps d’expansion de ces races, et il en ressort que c’est la race D’man qui est arrivée en premier au Maroc il y a presque 8.400 ans avant notre ère".

"Les plus récentes sont celles de Timahdit, Sardi, Beni Guil et Boujaâd, arrivées au Maroc il y a 6.700 à 7.400 ans avant notre ère.

Le Beni Ahsen, ancêtre du Mérinos ?

"En ce qui concerne la race Beni Ahsen, qui est en voie de disparition, les écrits du temps du protectorat disent qu'elle est l’ancêtre de la race Mérinos espagnole qui existe dans le monde entier. C’est la plus grande à l’échelle mondiale du point de vue effectif".

"Ces écrits disent que les Marocains ou les Arabes avaient ramené ces Mérinos en Andalousie à l’époque où la dynastie mérinide gouvernait le Maroc, d’où leur nom. Et là, elle a été améliorée pour devenir la race Mérinos."

"La race Beni Ahsen ne fait pas partie des races adhérentes à l’ANOC. D’un point de vue phénotypique, c’est une race avec une tête brune, des pattes blanches comme la Timahdit, mais de grande taille et mal conformée. Cette race est faible en termes de quantité de viande. Sa principale caractéristique raciale est son fanon développé".

"Son berceau se trouvait autrefois dans les régions du Gharb et du Sud du Loukkos. Nous pouvions ainsi la rencontrer dans les zones de Sidi Yahya, Sidi Slimane, Belksiri, Souk Larbaâ, et même du côté de Larache. Elle était donc proche de l’Espagne, ce qui appuie un peu les écrits des Français que nous avons consultés. Cette race est toutefois difficile à trouver depuis les années 2000. Elle a presque disparu".

"Les raisons de sa disparition sont multiples. L’une d’elles est la sécheresse qu’a connue le Royaume durant les années 1980. Celle-ci avait touché plusieurs régions du Royaume, mais avait épargné en quelque sorte la région du Gharb. Les éleveurs de la race Sardi des régions touchées par la sécheresse étaient alors venus au Gharb, louant quelques parcelles pour nourrir leurs bêtes. Le Sardi s’est bien adapté au Gharb, ce qui a poussé les éleveurs de Beni Hsein à le remplacer, étant mal conformés".

Une étude a été par ailleurs menée au Maroc par l’équipe de M. Boujenane en utilisant la génétique moléculaire pour vérifier si la race Beni Ahsen a contribué à la formation de la race Mérinos espagnole ou pas. "Les résultats obtenus confirment l’existence de nombreuses connections entre la race Beni Ahsen et les races dérivées du Mérinos."

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