Coupe du monde 2022. Au-delà du foot, les leçons d’un succès

Derrière le succès footballistique de l’équipe nationale au Qatar, se cachent des leçons de management et de leadership qui peuvent être utilisées dans d’autres domaines.

Mondial-2022 : le Maroc en quart de finale après sa victoire face l’Espagne aux tirs au but (3-0 t.a.b. 0-0 a.p.).

Coupe du monde 2022. Au-delà du foot, les leçons d’un succès

Le 27 décembre 2022 à 19h51

Modifié 28 décembre 2022 à 12h22

Derrière le succès footballistique de l’équipe nationale au Qatar, se cachent des leçons de management et de leadership qui peuvent être utilisées dans d’autres domaines.

Les performances de l’équipe nationale de football et son esprit lors de la Coupe du monde ont été largement remarqués au niveau national et international. Des personnalités, aussi bien du ballon rond comme la légende brésilienne Pelé, ou de la politique et du business – les PDG de Google et Twitter –, ont salué cette équipe surprise de la Coupe du monde 2022 au Qatar.

L’unanimité autour de cette jeune équipe et son impact sur la conscience collective méritent que l’on s’arrête un temps pour analyser les éléments de son succès ainsi que les leçons qui peuvent en être tirées, aussi bien en entreprise que dans le management de la chose publique.

Réalisme et culture de la gagne

Premièrement, au niveau de l’esprit du jeu, la culture de la gagne. Ce que nous apprend cette équipe, c’est la mise en avant de l’efficacité et du réalisme. Les prises de parole de Walid Regragui sont nombreuses dans ce sens. La couleur a été donnée dès la première conférence à la suite de sa nomination : "Tout joueur qui enfile la tenue de la sélection nationale doit se battre. C’est ce que j’attends des joueurs. Je ne vais pas changer ma mentalité de vainqueur ; tout le monde la connaît. Si je suis venu ici, c’est pour gagner. Cette mentalité de vainqueur, il faut la leur transmettre (aux joueurs, ndlr) pour qu’ils ressentent la pression. Je vais faire le maximum pour donner cet ADN pour gagner des titres."

On peut aussi revenir sur plusieurs interviews ou conférences de presse lors desquelles il parle de l’efficacité dans le jeu pour gagner, a contrario de l’ada’, le beau jeu mais qui ne mène pas forcément aux résultats escomptés. La plus tranchante a probablement été celle de l’avant-match de demi-finale face à la France, où il a systématisé sa pensée à tout le football : "Cette possession, c’est extraordinaire ! Même vous les journalistes sportifs ça vous fait rêver. 70% de possession de balle et tu as tiré deux fois dans le match... Les xG (expected goals, ndlr), c’est la meilleure invention. ‘On aurait pu gagner car on a 4 xG, mais on a un attaquant en bois qui rate toutes les occasions.’ On va se battre avec nos moyens pour gagner. (...) Beaucoup de journalistes ont critiqué notre jeu : ‘Ils étaient sympas, il y avait un peu de danse, Boufal a mis deux petits ponts et maintenant ils rentrent à la maison.’ On a envie de gagner pour l’Afrique, pour montrer aux pays en voie de développement que l’on peut gagner."

Tirer le meilleur de ses qualités et de ses défauts

Cette obsession de l’efficacité qui mène à la gagne est un élément nouveau. "On va gagner avec nos moyens, sans complexes", plutôt que le fameux "le plus important, c’est de participer", auquel nous ont habitués aussi bien les coachs que les commentateurs sportifs.

Il s’agit d’un changement de paradigme basé sur une très bonne connaissance de ses capacités pour mieux fixer ses objectifs et son ambition. D’ailleurs, le sélectionneur national est allé jusqu’au bout de sa logique. Il a introduit une clause, non imposée par la Fédération royale marocaine de foobtall (FRMF), pour assumer et être en cohérence avec sa posture. "La fédération m’a proposé un contrat qui court jusqu’au Mondial 2026, mais moi, si je ne vais pas en demi-finale de la prochaine CAF en 2024, je vais partir", n’a cessé de marteler Walid Regragui depuis qu’il a été nommé sélectionneur national le 31 août dernier.

Cette clause libératoire sciemment choisie, liée à ses résultats, est assez surprenante puisqu’elle met la pression sur le sélectionneur et sur son groupe, alors qu’il aurait pu s’en passer ou au moins la laisser confidentielle. Elle met en avant ce nouvel esprit lié à la culture du résultat, de l’efficacité et, aussi, à la confiance dans son projet. Une leçon qui va au-delà du football et qui peut être appliquée à de nombreux domaines, notamment en lien avec la gouvernance de la chose publique, en instaurant la culture de l’efficacité et de la redevabilité.

Une culture du projet et de la compétence

Elle nous renvoie à une autre leçon. Celle de la culture du projet, ou comment parvenir à la culture de la gagne. Malgré les quelques mois qu’il a passés à la tête de la sélection nationale, Walid Regragui ne cesse de parler de projet. "Mon projet, c’est de gagner une Coupe d’Afrique pour le Maroc. Il n’est pas normal que nous soyons classés deuxièmes au niveau africain et que nous ne jouions pas systématiquement pour atteindre le carré final", disait Regragui à un mois de la Coupe du monde.

Le premier élément d’une culture de projet est de définir "un objectif unique" et de communiquer autour. C’est ce qu’a fait l’ancien footballeur diplômé en éco-gestion : fixer un objectif commun et le faire savoir.

Le deuxième élément de cette culture du projet est de "décloisonner les métiers et services" pour mobiliser les compétences nécessaires pour atteindre le projet.

Pour cela, il a premièrement fait appel à un staff réduit, en mode commando, dont il se sent proche. Il s’agit d’anciens joueurs internationaux qu’il connaît bien et d’un préparateur physique, auxquels il a accordé sa confiance. "J’ai choisi d’avoir un staff à 90% marocain, avec comme principale qualité la compétence", affirmait Regragui lors de sa nomination en tant que sélectionneur national.

Il s’est également appuyé sur le staff technique et les infrastructures de la FRMF, qui se sont beaucoup bonifiés depuis quelques années. Il a ainsi profité, entre autres, du savoir-faire de Moussa Habchi et de Harrison Kingston, respectivement anciens analystes vidéo de l’équipe nationale belge et de l’équipe de Liverpool, recrutés par la fédération en 2020 pour consolider la partie data analyse de la direction technique et adopter une approche plus "scientifique" du jeu.

Il s’est aussi appuyé sur le staff médical de la fédération, largement renforcé ces dernières années, et sur ses infrastructures, notamment celles offertes par l’Académie Mohammed VI de football, que Walid Regragui considère comme l’une des meilleures au monde. En gros, il a fait corps avec la fédération et ses moyens, en plus de ses proches collaborateurs, et créé des synergies autour de cela.

"Je ne suis pas là pour changer quelque chose qui marche bien. Je vais faire deux ou trois retouches personnelles qui peuvent nous aider. Pour moi, le premier critère, c’est la performance, puis l’équilibre du groupe", va-t-il déclarer.

Et dans cet équilibre, il y a la gestion du multiculturalisme. Avec des joueurs nés dans six pays différents, l’équipe nationale marocaine est la plus diverse du Mondial du Qatar par ses origines et par les langues parlées par les joueurs. Même si Walid Regragui s’était dit "surpris que 90% des joueurs parlent darija", il n’en demeure pas moins que c’est un véritable défi compte tenu des expériences du passé.

Rassembler autour de valeurs communes

Pour faire adhérer à son projet (avec la communication, un autre élément de la culture du projet) et limiter les conflits de vestiaire, il va chercher les éléments de cohésion du groupe. Il s’agit d’un dénominateur commun, d’un système de valeurs pour assoir sa philosophie de jeu. Et c’est au sein de la famille que le sélectionneur, lui aussi binational et double détenteur des certifications UEFA Pro et CAF Pro A, va aller chercher ce ciment.

Une recette déjà expérimentée et rodée au WAC durant la saison 2021-2022. La solidarité de l’équipe est ainsi soudée en créant une cohésion de groupe, mais aussi la bonne ambiance dans les vestiaires et surtout l’adhésion à un projet. Il va aussi profiter de ce levier pour faire avancer sa philosophie de jeu, basée sur la mise en avant de la performance collective plutôt que sur les coups d’éclat des stars. Cet esprit de famille va aussi être littéralement appliqué en invitant les familles des joueurs et du staff au Qatar pour donner un boost moral à l’équipe.

C’est aussi l’une des leçons de cette équipe nationale : travailler sur l’environnement, penser le jeu comme un écosystème. Ça a été fait à travers l’encouragement des supporters à venir au Qatar, à travers le pont aérien et la distribution gratuite de billets, mais aussi en ramenant spécifiquement certains supporters, issus des associations d’ultras, pour structurer les gradins et la manière d’encourager l’équipe et de peser sur les équipes adverses. Une conception à 360 degrés du foot, qui va des conditions d’hébergement et de préparation de l’équipe aux matchs, en passant par les gradins et la conscience collective. Cette attention portée à l’écosystème, sa structuration, voire son "embrigadement" autour d’un socle de valeurs communes représenté par la famille, sont des éléments centraux dans l’identité nationale et la conscience collective.

Puiser dans la conscience collective pour marquer les esprits

Cette conscience collective est, elle-même, porteuse de symboles, comme le rôle central de la mère dans le noyau familial. Elle est aussi la source d’injonctions fortes et parlantes comme "rdatel walidine", la bénédiction des parents ; "nefs", la niaque ; "sbar", la patience... L’autre injonction issue de la conscience collective, systématiquement mobilisée par le coach pour galvaniser aussi bien ses joueurs que le public, ou la presse, passablement hostile ou dubitative, est le fameux "dirou niya". Un mot d’ordre mobilisant aussi bien le référentiel mystique que le pouvoir du rêve.

C’est aussi la traduction d’un principe de management moderne, à savoir la confiance en soi et dans le groupe pour légitimer la culture de la performance. Ce principe fait écho à d’autres, tout aussi mobilisés par le sélectionneur national et qui sont particulièrement en vogue en entreprise.

Il s’agit par exemple de l’esprit d’équipe, du couple "exigence et bienveillance", de la promotion des talents, etc. L’exemple le plus parlant dans ce sens est celui du joueur Youssef En-Nesyri, qui s’était attiré les foudres de la presse et des spectateurs avant le Mondial suite à ses erreurs en équipe nationale. Il a été sans cesse défendu et encouragé par le coach. Mieux encore : il a été l’un des piliers du système de jeu de l’équipe nationale durant la campagne du Qatar, faisant de ce joueur un symbole de l’esprit que veut insuffler le coach à l’équipe et au-delà auprès du public marocain.

Ces recettes du succès pourraient faire des émules, aussi bien au niveau de l’entreprise que de la gouvernance du pays. D’autant qu’après les performances de l’équipe nationale, la demande est grande de voir les succès du Maroc se multiplier, dans le sport, certes, mais aussi dans les autres domaines.

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