Pari perdu pour l'écosystème des énergies renouvelables ?

La complétion du cadre légal permettant le raccordement au photovoltaïque industriel, en moyenne tension, bute sur une conjoncture internationale défavorable et sur un manque de moyens publics à destination des producteurs nationaux.

Pari perdu pour l'écosystème des énergies renouvelables ?

Le 12 octobre 2022 à 12h05

Modifié 12 octobre 2022 à 15h51

La complétion du cadre légal permettant le raccordement au photovoltaïque industriel, en moyenne tension, bute sur une conjoncture internationale défavorable et sur un manque de moyens publics à destination des producteurs nationaux.

La récente permission accordée aux industriels de produire de la moyenne tension solaire, suite à la complétion des textes juridiques y afférents, pose avec acuité deux questions :

- la rentabilité de cette énergie dans un contexte d’inflation des prix des composants ;

- et son corollaire, la préparation de l’écosystème industriel pour accompagner les projets attendus.

Rush sur le photovoltaïque

Deux questions d’autant plus fondamentales que les importations d’équipements d’énergie solaire photovoltaïque par l’Union européenne, en provenance de Chine, ont grimpé de 138% depuis le début de la guerre en Ukraine, selon divers rapports internationaux. Et la tendance ira crescendo au vu des projections liées à la décarbonation des économies européennes, et à la place prédominante que jouera le solaire.

Conséquence directe, les prix du polysilicium (le matériau de base utilisé dans la production des cellules photovoltaïques) a explosé en Chine, atteignant en août dernier 45 $US/kg, le plus haut niveau jamais atteint, alors qu’il se négociait à moins de 35 $US/kg en janvier 2022 avant l’éclatement de la guerre en Ukraine (déjà un record mondial). Les entreprises chinoises produisent l’équivalent de 90% de l’offre mondiale des composants entrant dans l’industrie des panneaux photovoltaïques (wafers, cellules et modules) et détiennent une grande partie du marché des onduleurs solaires. Toutes composantes confondues, la Chine domine 75% du marché.

“Au Maroc, nous ne produisons quasiment rien”

Avec le rush européen et mondial sur cette technologie, la concurrence devrait être rude pour s’équiper à prix compétitif pour un petit marché comme celui du Maroc ; “car au Maroc, nous ne produisons quasiment rien”, résume Khalid Semmaoui, président de l’Association marocaine de l’industrie solaire et éolienne (Amisole). Pire, même des industries relativement développées au Maroc, comme celle du câblage, ne permettent pas pour le moment de satisfaire les besoins du marché national de l’énergie renouvelable (EnR).

“Nous avons pris beaucoup de retard dans la mise en place de l’écosystème industriel. Nous sommes même en train d’être dépassés par d’autres pays”, souligne Khalid Semmaoui.

Dernièrement, et à la faveur de la crise des composants induite par la pandémie de Covid-19, des entreprises issues de pays comme la Turquie ou la Bulgarie ont pu relocaliser la production de modules solaires dès 2021. Ces entreprises ont pu totaliser une capacité de production de plus de deux gigawatts, nécessaire à leur compétitivité. C’est ce qui amène Ali El Harti, président de la Fédération nationale de l’électricité et de l’électronique (Fenelec), à penser que le marché manque “de visibilité et de volumes”.

Pour lui, “en l’absence d’un contrat-programme avec l’État qui nous permettra d’avoir de la visibilité sur les capacités ciblées et les niveaux d’intégration industrielle voulus, nous ne pouvons pas nous lancer dans des investissements, même si une bonne partie de nos industriels sont capables de produire des composants destinés à la technologie photovoltaïque”.

En fait, ce qui est demandé, et comme cela été le cas en Turquie par exemple, c’est une garantie de marché. Les entreprises turques sont plus chères de 10% que le marché chinois, mais avec les aides de l’État, le renchérissement du coût du fret et l’imprévisibilité de son évolution, ces entreprises réussissent à combler ce gap de compétitivité.

D'après nos deux professionnels, en dehors des supports métalliques, l’essentiel de ce qui se produit au Maroc, c’est l’encapsulation des cellules photovoltaïques ; c’est-à-dire regrouper les cellules en série ou en parallèle et les isoler contre les facteurs extérieurs. Deux unités industrielles parviennent à maintenir cette activité à Kénitra et Al Hoceima. Alors que, selon Khalid Semmaoui, “nous produisons au Maroc l’essentiel de l’électronique qui nous permettrait de passer à la production d’onduleurs ou de régulateurs nécessaire aux installations, mais il faut un marché, pas seulement des projets ponctuels, afin d’assurer le développement et la continuité des recherches nécessaires à ce genre d’industries”.

Peu de projets dédiés aux EnR

Côté coût et tarification, les avis sont mitigés. Il y a en effet peu d’études actualisées qui prennent en considération les dernières évolutions du marché international et l’impact de la récente mise à niveau de la réglementation nationale.

Toutefois, de l’avis des professionnels consultés, avec des centrales moyennes de 12 à 60 MW installées notamment au niveau des zones industrielles, l’économie des factures électriques pourrait varier de 10% à 30% sur ce qui est actuellement payé par les industriels. Mais ces calculs ne prennent pas en considération les futures évolutions des prix de fournitures qui peuvent être appliquées par l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE). Elles ne prennent pas non plus en considération la tarification que va appliquer l’Agence nationale de régulation de l’électricité (ANRE) à l’interconnexion avec le réseau.

Il y a donc clairement des gains de compétitivité à réaliser avec de la substitution aux importations, notamment en contexte inflationniste comme expliqué plus haut. Or, au niveau du ministère de l’Industrie, et bien que la décarbonation de l’industrie nationale soit un enjeu majeur, les projets dédiés aux EnR sont peu nombreux.

Ainsi, quand on consulte la base de données de la banque de projets disponible sur le site du ministère, seuls deux projets concernent directement les EnR, dont un projet d’encapsulation de cellules photovoltaïques. Sur la récente vague de projets subventionnés, en septembre, aucun projet de substitution aux importations ne concerne les énergies ni même le secteur de l’électricité et de l’électronique. Une absence assez paradoxale alors que, d'une part, le secteur est considéré comme prioritaire depuis 2009, figurant même parmi les métiers mondiaux du Maroc et que, d'autre part, la souveraineté énergétique a été décrétée comme fondamentale au plus haut niveau de l’État.

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