Le marché des capitaux est faiblement utilisé au Maroc
L’évolution du marché des capitaux marocain, au cours de ces dernières années, a été analysée lors d’une conférence, organisée ce jeudi 7 juillet par la Bourse de Casablanca et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), sur le thème : « Sociétés cotées et sociétés non cotées, quelles opportunités de financement ‘agile’ via le marché des capitaux ? »
Un premier constat saute aux yeux : le marché des capitaux est faiblement utilisé au Maroc.
Bendaoud Tali, Head of Strategy à la Bourse de Casablanca, intervenant lors de cette conférence, décrit la situation. « On observe une dynamique qui est assez faible sur les douze dernières années, que ce soit pour les introductions en bourse ou pour les financements récurrents, notamment les augmentations de capital via le marché boursier. En moyenne, on a une IPO (Initial public offering, ndlr) par an, avec un montant d’opérations moyen de 550 millions de DH. Sur les levées secondaires, on a normalisé les augmentations de capital à 7 opérations par an. Là on parle des vraies augmentations de capital, c’est-à-dire, celles qui ramènent du cash frais aux émetteurs avec un montant d’opérations moyen sur les douze dernières années de 4 milliards de DH. »
« La tendance est disparate. Elle est caractérisée par des pics liés à quelques opérations, notamment celles de Marsa Maroc en 2016 et en 2019 (…) Le cas de Marsa Maroc nous montre comment une entreprise publique a utilisé le marché pour s’introduire en bourse, et comment l’Etat a pu valoriser son patrimoine à travers une opération secondaire qui a permis de lever l’équivalent de 2 MMDH », souligne-t-il.
Le marché des capitaux reste sous-exploité. Même les entreprises cotées n’en profitent pas beaucoup. « Les émetteurs cotés n’utilisent que rarement le marché pour se financer. On a un nombre de cinq émetteurs, la plupart de ces émetteurs sont des bancaires, qui recourent au marché d’une manière fréquente. 61 émetteurs n’ont jamais utilisé le marché sur ces cinq dernières années », indique-t-il.
Baisse de 20,7% des levées de capitaux en 2021
D’après le dernier rapport de l’AMMC sur le marché des capitaux (1re édition), les levées de capitaux ont enregistré une baisse de 20,7% en 2021. « Cette baisse est significative, et ce, malgré des chiffres importants sur le compartiment de créances négociables et le compartiment obligataire. Sur les émissions obligataires, on a eu 17,2 MMDH de levées de fonds, dont seulement 7,2 MMDH par appel public à l’épargne. Le reste a été fait par placement privé », commente Bendaoud Tali.
En ce qui concerne les Titres de créances négociables (TCN), « on a eu des levées de fonds à hauteur de 43 MMDH environ, dont seulement 2,4 MMDH en Billets de Trésorerie. Je me focalise sur les Billets de Trésorerie parce que c’est ce qui intéresse le plus les corporate ».
Les cinq émetteurs les plus actifs sur le compartiment des Billets de Trésorerie sont : Aradei Capital, Addoha, Résidences Dar Saada, Label’Vie et Managem. « Je mets en exergue les Billets de Trésorerie pour la simple raison que les Certificats de Dépôt et les Bons de Société de Financement sont spécifiés pour le secteur bancaire et les sociétés de financement qui savent très bien utiliser le marché. »
Quid de la tendance des marchés à l’international ? Bendaoud Tali a exposé des chiffres publiés par PWC portant sur l’évolution des IPO au monde en 2021. Ces chiffres montrent que les levées de fonds ont connu un grand dynamisme sur l’échelle internationale au moment où elles reculaient au Maroc.
« La tendance internationale sur les cinq dernières années montre qu’en 2021 il y a eu une année record en termes de levées de capitaux en Equity. Il y a eu 2.682 IPO au monde qui ont permis de lever 608 MM$. Et c’est les Etats-Unis qui accapare la part du lion. Sur les levées secondaires, il y a eu 4.015 opérations au monde avec un volume total de 823 MM$, c’est dire si, à l’échelle internationale, ça se passe très bien en termes de levées de fonds, mais au Maroc on a eu une baisse significative de 20,7% ».
En revanche, le Maroc est bien positionné en comparaison avec les bourses africaines. « Si on compare le Maroc avec les bourses africaines, notamment Johannesburg et l’Egypte, on trouve qu’il est quand même classé en troisième position en termes de levées de fonds secondaires. »
Immorente Invest : un cas d’école
Immorente Invest est l’un des exemples d’entreprises récemment introduites qui utilisent le marché boursier d’une manière assez fréquente.
Introduite en bourse en 2018 à la suite d’une levée de 400 MDH, Immorente Invest est revenue sur le marché boursier vingt mois plus tard pour réaliser une levée de fonds secondaires sans droits préférentiel de souscription (tous les investisseurs, anciens et nouveaux étaient sur le même pied d’égalité).
Khalil Mengad, directeur général d’Immorente Invest, intervenant lors de cette conférence, estime que « Immorente est un cas d’école. On est arrivé en bourse avec tous les handicaps qu’on pourrait avoir. Immorente est une société qui est dans l’immobilier locatif. On construit des actifs professionnels qu’on loue (…) On est arrivé en bourse avec des capitaux propres de 100 MDH et avec à peine cinq ans de vie d’entreprise. On avait un résultat net de 0. Sur le papier, on était une entreprise qui présentait beaucoup de handicaps pour le marché financier. Beaucoup d’entreprises qui ont cette taille utilisent ces mêmes arguments pour dire qu’il est difficile d’aller en bourse. Et pourtant, on l’a fait. On a fait une première levée de fonds en 2018. En 2020, juste avant la crise du Covid, on a relevé encore 400 MDH. Utiliser le marché boursier en tant que moyen de financement est effectivement quelque chose qui est dans notre Business model. »
Le directeur général d’Immorente a profité de l'occasion pour annoncer qu’une nouvelle levée de fonds était prévue.
Trois facteurs clés pour réussir une IPO
Khalil Mengad considère qu’il y a trois facteurs clés qui ont permis à Immorente de réussir cette IPO.
Premièrement, le Business model doit être expérimenté et facilement compréhensible. « Le premier facteur clé est d’avoir un Business model éprouvé et expérimenté, que ce soit par l’entreprise ou par le secteur. Et il faut bien expliquer ce Business model. Il faut le réduire à son essence. On s'adresse à des institutionnels et des particuliers. Ces acteurs ne sont pas supposés être des spécialistes dans tous les secteurs. Il y a un effort d'explication à faire. »
Le deuxième facteur clé concerne la transparence. « Les investisseurs cherchent à savoir exactement ce qui se passe dans l’entreprise. Il faut absolument communiquer sur tout ; quand les chiffres sont bons et quand ça ne va pas bien. Il faut communiquer sur les risques et les opportunités. »
Le troisième facteur clé, c’est marteler l’histoire de l’entreprise. « Il faut marteler notre ADN. La gouvernance est l’un des éléments les plus importants pour une IPO. L’investisseur a besoin d’être rassuré sur la gouvernance. (…) Un deuxième élément qui est important à connaître c’est ‘Qui sommes-nous ?’. Il faut que ce soit clair. Il ne faut pas laisser du flou aux investisseurs, sinon ils vont faire des spéculations. »
En ce qui concerne les avantages d’une IPO, le directeur général d’Immorente en liste trois : renforcement de la gouvernance, renforcement de la rigueur du management et crédibilité.
« Depuis qu’on est introduit en bourse, on a des opportunités qui viennent naturellement. On a des opportunités qu’on n’aurait jamais eues si on n’était pas coté en bourse, notamment des opportunités avec des multinationales. Etre coté est extrêmement créateur de valeur. La crédibilité n’est pas juste un mot. C’est de l’argent », argumente-t-il.
Voici la retransmission Live de cette conférence :
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