Greentech : pourquoi le secteur n’est pas dans les radars du capital-investissement ?

B. B. | Le 22/3/2022 à 19:33
Le Capital Investissement s’est très bien porté en 2021 avec des levées records de 2 MMDH et 1,2 MMDH investis. Mais le secteur des Greentech ne bipe pas encore dans les radars. Le secteur demeure encore peu attractif car peu accompagné et les investisseurs manquent d’expertise sur le secteur. Tarik Haddi, président de l’AMIC nous dresse un état des lieux et des recommandations pour y dynamiser le financement.

Dans le cadre de la conférence « Accélérer le développement des filières et entreprises Greentech au Maroc » organisée le 22 mars par le Cluster Solaire à Casablanca, un des panels des participants a évoqué le financement des filières des technologies vertes.

Dans le panel, Tarik Haddi, président de l’Association Marocaine des Investisseurs en Capital (AMIC) et Directeur Général Associé d’Azur Partners a évoqué la place du capital investissements dans la filière des greentech au Maroc. Dans un aparté en marge de l’événement, il a accordé un entretien à Médias24 en revenant sur l’état des lieux des financements dans le secteur, les opportunités, mais également les freins existants dans le financement de la filière par le capital investissement.

Les greentech, une filière stratégique et à fort potentiel

Le secteur des Greentech est naturellement en pleine expansion. Il devient une nécessité. Pour les investisseurs, le secteur est très attractif. En effet, il dispose d’un grand potentiel de croissance et permet de répondre à des problématiques hautement stratégiques.

Lors de son intervention dans le panel, le président de l’AMIC a évoqué trois bonnes raisons d’y investir. Premièrement, grâce à la forte création de valeur ajoutée en termes de technologie et d’emplois créés. Deuxièmement, « d’un point de vue de stratégique nationale, elles nous permettraient d’atteindre un mix énergétique de plus de 50% d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 » note le directeur de l’AMIC. Enfin, « leur développement permettrait à nos entreprises de mieux respecter les exigences carbones de nos partenaires commerciaux et donc de mieux accéder à ces marchés internationaux, » explique-t-il.

Le contexte actuel a bien démontré à quel point l’indépendance vis-à-vis des énergies fossiles était primordiale. Dans un marché mondial qui se doit de se diversifier et d’investir ce champ d’affaires, il représente également une grande opportunité. Dans une interview en marge de l’événement, Tarik Haddi nous explique que : « d’un point de vue investisseur, les greentech constituent une filière qui offre un énorme potentiel de création de valeur sur des marchés mondiaux en pleine croissance. Cette filière sera une importante source de création d’emplois et d’enrichissement pour toutes les parties prenantes sans aucun doute ».

Mais aujourd’hui, au Maroc spécifiquement, le constat est que cette filière n’est pas sur les radars des capital investisseurs. Il y a plusieurs raisons à cela.

Un écosystème local encore trop peu attractif

Pour le monde du capital investissement, l’accompagnement des Greentech n’est pas différent du reste des entreprises. Le procédé est le même, mais les opportunités sont moindres. Le problème vient du niveau de maturité du secteur au Maroc, aujourd’hui, trop peu accompagné.

La problématique vient du manque de projets bancables. « La problématique aujourd’hui, est que l’écosystème entrepreneurial de la filière n’est pas suffisamment mature pour l’intervention du capital innovation (seed ou venture capital) » nous explique Tarik Haddi.

Plusieurs méthodes pourraient y remédier. Comme par exemple accentuer le développement de compétences dans ces filières ou encore renforcer les formations universitaires. « Pour cela, il faudrait maximiser les synergies entre les acteurs de l’écosystème entrepreneurial de cette nouvelle filière industrielle, notamment à travers des filières spécialisées dans les Greentech au niveau de l’enseignement supérieur et de la formation, le renforcement des capacités organisationnelles et des compétences des structures d’accompagnement et d’investissement les plus performantes » explique notre interlocuteur. Cela peut également passer par des incitations à la R&D dans les grandes entreprises pour favoriser l’open innovation.

Pour notre interlocuteur, un effort doit également être fait dans l’accompagnement des fonds dans la connaissance du milieu Greentech. Car c’est bien là où se situe le second frein au financement du secteur dans le pays.

Un manque d’expertise des investisseurs sur les greentech

Le manque d’expertise de l’industrie du capital investissement sur le domaine des Greentech est le second frein principal à leur expansion. Si aujourd’hui, il recèle du potentiel, le secteur demeure encore méconnu et, de facto, risqué pour les fonds de capital investissement.

Le secteur avance vite et représente un risque d’autant plus important que le manque d’expertise sur le sujet de la part des fonds, pourrait augmenter les probabilités de miser sur des projets non compris. Pour cela, un partage des connaissances avec des instances expertes faciliterait la donne. « Il faut accélérer le transfert du savoir-faire des structures internationales et avoir l’accès à l’expertise internationale dans le domaine » explique-t-il.

Pour notre interlocuteur, le développement progressif de structures spécialisées permettrait également un meilleur accompagnement et compréhension du marché. « En Europe, aux États-Unis ou en Chine, il y a effectivement des fonds de capital investissement spécialisés Greentech, et un jour viendra où des fonds spécialisés seront structurés pour cette filière au Maroc comme nous l’avons déjà fait pour l’agriculture par exemple. D’ici là il faut consolider l’écosystème entrepreneurial de la filière » explique le président de l’AMIC.

Un travail en amont de la chaîne de financement permettrait de faciliter le démarrage du capital investissement dans le domaine des Greentech. Des accélérateurs spécialisés qui proposent des financements entre 1 et 3 MDH pour faire aboutir le business model, faciliteraient la démarche pour les prochaines étapes de financement. « Il faut comprendre que les équipes de gestion généralistes des fonds de capital innovation ne peuvent pas se spécialiser en CleanTech par exemple. Par contre, des accélérateurs, qui comme l’UM6P Ventures ou Africa Mobility, peuvent se spécialiser dans les filières de la greentech et accompagnent les entreprises vers une série A, où un fond de capital investissement classique peut rejoindre l’aventure » conclut notre interlocuteur.

En 2021 d’ailleurs, le secteur du capital-investissement a connu une forte accélération et une année record depuis 10 ans avec près de 2 MMDH levés. Parallèlement, un record a également été atteint en investissement avec 1,2 MMDH pour 30 investissements dont 60%, en nombre d’entreprises, correspond à du capital innovation grâce à l’initiative « Innov Invest ». En 2022, l’AMIC prévoit 3 MMDH de levées.

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