Pratique illégale de la médecine esthétique : la profession tire la sonnette d'alarme

Le Syndicat national des chirurgiens plasticiens du Maroc alerte sur la pratique illégale de la médecine et de la chirurgie esthétique dans les salons de coiffure et spas, notamment par de faux médecins étrangers. Les victimes sont de plus en plus nombreuses, et les séquelles parfois irréversibles.

Pratique illégale de la médecine esthétique : la profession tire la sonnette d'alarme

Le 22 février 2022 à 11h49

Modifié 22 février 2022 à 11h49

Le Syndicat national des chirurgiens plasticiens du Maroc alerte sur la pratique illégale de la médecine et de la chirurgie esthétique dans les salons de coiffure et spas, notamment par de faux médecins étrangers. Les victimes sont de plus en plus nombreuses, et les séquelles parfois irréversibles.

Face aux dérives actuelles liées à la recrudescence des salons de coiffure, salles de sport et spas où se pratiquent de manière illégale des actes de médecine esthétique, le Syndicat national des chirurgiens plasticiens du Maroc (SNCPM) attire, dans un communiqué, l’attention des citoyens et des autorités sur les risques que peuvent engendrer de telles pratiques.

Des actes de plus en plus fréquents dans les salons de coiffure

"Les centres de beauté et salles de sport proposant en toute impunité des injections de comblement, de toxine botulique, de PRP (produit d’injection à base de plasma riche en plaquettes pour stimuler les cellules souches du derme qui fabriquent le collagène et l’élastine, NDLR), de mésothérapie ou même de laser épilatoire, se multiplient dans toutes les régions du Maroc", lit-on sur le document.

"Nous alertons les pouvoirs publics quant aux dangers liés notamment aux injections réalisées par des charlatans sans scrupule ni conscience, mettant en péril la sécurité de patientes souvent jeunes et innocentes."

"Les injections à visée esthétique ne doivent en aucun cas être banalisées et mises au même niveau qu’une coiffure, un tatouage, ou une manucure… Ces injectrices illégales, sans aucune compétence, ignorent tout des dangers liés aux injections et des séquelles souvent irréversibles pour les patientes (risque de nécrose cutanée, d’infection et de cécité) lorsqu’elles sont réalisées par des charlatans sans aucune connaissance médicale, de l’anatomie ou de l’asepsie", ajoute le SNCPM.

Joints par nos soins, deux professeurs en chirurgie esthétique nous confirment que ces pratiques sont de plus en plus nombreuses et qu’elles peuvent engendrer des dégâts très importants.

"Chacun a son domaine d’intervention", déplore le Pr Boukind El Hassan, président de la Société marocaine de chirurgie plastique. "Le problème, c’est qu’il y a des gens dans les spas et les salons d’esthétique qui, au lieu de s’occuper des prestations de maquillage, coiffure et tatouage, utilisent à présent des machines dédiées aux chirurgiens plasticiens, pour réaliser notamment la cryolipolyse (pour détruire les cellules graisseuses, NDLR) ou encore le laser. Ces personnes commencent même à injecter du botox et du filler aux clientes" pour combler les rides.

"Ce sont des actes médicaux qui relèvent des médecins. Tout acte où il y a une effraction cutanée, nécessitant l’utilisation d’un produit actif d’un point de vue pharmacologique, ou bien de machines qui peuvent entraîner des lésions et qui pénètrent la peau, relève exclusivement d’un médecin." Leur pratique par des personnes incompétentes et non formées peut engendrer des dégâts très importants.

Notre seconde source, un professeur en chirurgie plastique pratiquant dans un cabinet à Casablanca confirme. "Nous avons tiré la sonnette d’alarme parce qu’on a commencé à recevoir dans nos cabinets les personnes ayant développé des complications suite à ces actes. Il s’agit notamment de nécrose de la lèvre ou du nez ou encore l’injection dans de mauvais vaisseaux. Ça commence à devenir quotidien chez nous."

De faux médecins en provenance d’Ukraine et de Russie

L’autre problème auquel est confrontée la profession a trait aux " 'vrais' ou 'faux' médecins venus récemment de pays étrangers, essentiellement de Russie et d’Ukraine, mais non enregistrés au Conseil de l’Ordre des médecins, exerçant de manière clandestine et illégale dans ces salons de beauté, prônant la maîtrise de 'techniques russes' à la mode et attirant ainsi de nombreuses patientes innocentes", lit-on sur le communiqué du SNCPM.

"Il y a beaucoup de personnes qui arrivent de Russie et d’Ukraine, et qui se disent médecins", déplore en effet l'une de nos sources, "alors qu’elles ne sont pas inscrites au Conseil de l’Ordre, et dans certains cas, elles n’ont même pas leur baccalauréat. Elles se présentent dans les salons de coiffure comme étant des médecins ukrainiennes ou russes, et commencent à injecter aux clientes des produits périmés ou qu'elles font entrer de l’étranger, qui ne coûtent pas grand-chose."

"Par exemple, un produit que nous nous procurons en tant que chirurgiens plasticiens à 1.500 DH est proposé à 100 DH par ces charlatans, ce qui explique le faible prix du geste dans les salons de coiffure."

"Finalement, cette problématique s’explique par deux facteurs principaux", d’après notre interlocuteur. "La première est que les patientes se dirigent vers ces salons de coiffure à la recherche de prestations beaucoup moins coûteuses que chez les plasticiens, ou bien elles sont mal informées. Une fois dans ces salons, certaines personnes y travaillant se présentent avec des blouses blanches comme étant médecins, mais dont l’identité ne peut pas être vérifiée par les patientes."

"Ces faux médecins ne sont même pas formés, et ne sont donc pas enregistrés au Conseil de l’Ordre des médecins, contrairement aux vrais médecins qui, eux, affichent leurs diplômes dans leurs cabinets, leur numéro d’enregistrement, et dont le nom figure sur le site de l’Ordre." Ainsi, en pratiquant des actes médicaux à visée esthétique en dehors d’une structure médicale, les patientes n’ont aucun moyen de faire face aux incidents graves.

"Ces faux médecins font le tour des salons au Maroc, et disparaissent du jour au lendemain, en laissant les dégâts derrière eux. Les gens croient que l’injection de botox ou de filler est un geste facile, qui peut être pratiqué par n’importe qui, alors que certains chirurgiens plasticiens ont fait jusqu’à dix-huit ans d’études pour pouvoir exercer ce métier."

Leur technique est simple "le recrutement de patientes grâce à une centaine de photos publiées sur les réseaux sociaux" ou encore avec l’aide d’influenceuses. Les produits d’injection utilisés par ces charlatans, aussi bien pour le visage que pour le corps, sont parfois des produits de comblement illicites, interdits, des copies de produits de comblement existants mais non stériles.

"En tirant la sonnette d’alarme, notre intérêt est d’abord d’alerter les citoyens. Ce problème ne nous gêne pas en tant que praticiens. Ce sont les complications qu’on reçoit qui commencent à nous gêner. Certains médecins commencent même à refuser de prendre en charge des patientes victimes de complications."

La loi doit être renforcée

Selon le Syndicat, "le Code déontologique médical, dans son chapitre II, article 4, stipule que nul ne peut accomplir aucun acte de la profession médicale, à quelque titre que ce soit, s’il n’est pas inscrit au tableau de l’Ordre national des médecins, conformément aux dispositions de la présente loi, et celles de la loi 08-12 relative à l’Ordre, au titre du secteur dans lequel il entend exercer".

Ainsi, "toute pratique illégale de la médecine est passible de poursuites judiciaires. Seuls les chirurgiens plasticiens et les médecins ayant reçu la formation et les diplômes requis, inscrits à l’Ordre des médecins ont le droit de procéder à des gestes médicaux à visée esthétique".

Par ailleurs, "toute infraction aux dispositions de la loi 84-12 relative aux dispositifs médicaux est punie conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur".

Le Pr Boukind El Hassan nous confie pour sa part qu’il "reste quelques points flous dans la loi actuelle. Le législateur doit mettre en place une loi plus claire dans ce sens".

Quant au contrôle, "les autorités compétentes donnent les autorisations d’ouverture de ces centres de coiffure, mais on ne sait pas si ce qui s’y passe est contrôlé".

Par ailleurs, "certaines patientes s’arrangent avec les salons en cas de problème, pour qu’il n’y ait pas de poursuites", conclut-il.

Notre seconde source estime pour sa part que "les lois doivent être respectées et mises en œuvre. Les faux médecins ne doivent pas pratiquer ces actes".

Autre point important évoqué par notre interlocuteur, "les sociétés de promotion qui vendent les machines de laser par exemple ne doivent plus le faire auprès de ces salons. Actuellement il y a des lobbies. Les commerciaux préfèrent vendre aux salons de beauté qui sont beaucoup plus nombreux que les cabinets de chirurgie plastique, estimant qu’on est un petit marché", s'inquiète-t-il.

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