Covid, Omicron, vaccins : un entretien exclusif avec le Pr Robert Cohen

Alors que les cas de contamination au variant Omicron explosent au Maroc, le président d’InfoVac-France revient sur les risques liés à la mutation du Covid-19 qui impose, selon lui, de vacciner le plus grand nombre. Un examen didactique de la situation sanitaire avec Robert Cohen.

Covid, Omicron, vaccins : un entretien exclusif avec le Pr Robert Cohen

Le 8 janvier 2022 à 12h08

Modifié 10 janvier 2022 à 15h02

Alors que les cas de contamination au variant Omicron explosent au Maroc, le président d’InfoVac-France revient sur les risques liés à la mutation du Covid-19 qui impose, selon lui, de vacciner le plus grand nombre. Un examen didactique de la situation sanitaire avec Robert Cohen.

Médias24 sollicite régulièrement des experts marocains au sujet de l'évolution de la pandémie Covid-19. Cette fois-ci, notre invité est le Professeur Robert Cohen, pédiatre et infectiologue, très actif dans la lutte anti-Covid en France, notamment à travers le réseau de spécialistes français InfoVac qu'il préside.

Médias24 : Quelle est votre opinion sur la recommandation d'Infovac-Maroc de vacciner les enfants de 5 à 11 ans, à la demande de leurs parents, s’ils présentent des maladies chroniques ?

- Selon moi, c'est une décision très sage car la seule urgence de vaccination, à ce jour, concerne les enfants à risque.

Pour les autres, je ne dis pas que la vaccination doit être obligatoire mais avec le degré actuel d'incertitude sur Omicron et sur l'efficacité réelle de cette vaccination, je comprends que le comité marocain ne se soit pas lancé dans une vaccination généralisée des enfants.

Ensuite, le temps de mettre en place une campagne pour les enfants de cette tranche d’âge, la vague Omicron sera déjà passée.

     - Selon vous, quels sont les critères pour gérer la présence des enfants dans les établissements scolaires ?

- En prenant l'exemple des États-Unis et de la France, on se rend compte que la majorité des contaminations des enfants n'a pas eu lieu à l'école mais dans le milieu intrafamilial.

Ainsi, en France, nous avons surtout observé une augmentation du nombre de cas pédiatriques hospitalisés pendant les vacances scolaires.

L’école ne joue qu'un rôle négligeable dans la dynamique des épidémies

     - L'école n'a donc rien à voir dans l'explosion des cas positifs ?

- Si on ne peut pas l'affirmer avec certitude, il n'y a cependant pas lieu de conclure que l'école joue un rôle réel dans la dynamique épidémiologique des enfants.

En effet, sachant que des chiffres récents de l'Unesco montrent que la France a fermé ses écoles pendant 10 semaines et les États-Unis 46 semaines, on constate qu'il y a eu bien plus de cas graves, et même de mortalité infantile, aux USA que dans l'Hexagone.

Même constat quand on examine les courbes de contamination des adultes dans ces 2 pays où la France est bien au-dessous des États-Unis.

Ceci montre que l’école ne joue pas un rôle dans la dynamique des épidémies, mais cela ne veut pas dire non plus qu’il n’y a pas de cas de transmission.

Au final, par rapport à l’ensemble des cas recensés, c’est quand même négligeable.

     - À partir de combien d’infections faut-il fermer une classe ou un établissement scolaire ?

- En premier lieu, il est très rare de devoir fermer une école.

Mais quand il y a un cas positif dans une classe, l’essentiel est de commencer à tester les autres enfants avec des examens antigènes qui sont très peu coûteux.

S'il y a un seul enfant positif, il ne sert à rien de fermer la classe, mais s’il y en a trois, cela veut dire qu’il y a une contamination à l’intérieur de la classe et qu’il faut agir.

L’enseignement distanciel a entraîné des catastrophes chiffrées dans tous les pays qui l’ont adopté

     - Vous penchez donc plutôt pour l’enseignement présentiel que distanciel...

- Clairement oui, car l’enseignement distanciel a entraîné des catastrophes chiffrées dans tous les pays qui l’ont adopté.

En plus d’être désastreux pour l'équilibre psychologique des enfants, il a accentué de manière importante les fractures sociales, en particulier chez les parents défavorisés qui ne peuvent pas aider leurs enfants.

     - Est-il vrai que le variant Omicron touche plus facilement les jeunes ?

- En réalité, ce variant affecte tout le monde, mais comme les jeunes ont plus de contacts sociaux, et qu’Omicron circule très facilement dans l’air et les atmosphères fermées, c’est une cible de choix.

Cela dit, il faut préciser qu'il n’y a pas de récepteurs particuliers chez les jeunes pour ce variant ou ses prédécesseurs.

     - Et en termes de dangerosité ?

- Les gens correctement vaccinés, à savoir trois fois pour les personnes âgées et deux pour les jeunes qui développent moins de formes graves, sont bien mieux protégés, mais pas nécessairement contre les formes mineures ou même contre la transmission.

     - Parce que le système immunitaire d’un jeune est plus efficace contre Omicron ?

- Évidemment et pas que pour le Covid-19, mais pour toutes les maladies.

C'est d’ailleurs la raison pour laquelle la grippe devient de plus en plus dangereuse avec l’âge.

En fait, ce phénomène n’est pas propre au coronavirus mais plutôt à l’immunosénescence qui fait que nos défenses immunitaires déclinent avec l’âge.

     - Etre contaminé par Omicron confère-t-il une immunité contre le variant Delta ?

- C'est une réponse que nous n'avons pas encore, mais l'idée qui prévaut est que si vous avez été vacciné avec deux ou trois doses et que vous êtes infecté, vous allez développer des défenses immunitaires qui vous éviteront d’être très malade avec un nouveau variant.

En effet, le répertoire immunitaire acquis par la vaccination contre les premières souches sera bien plus important et efficace contre les nouvelles souches d’Omicron.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Premier ministre sud-africain et la ministre de la Santé du Danemark ont récemment déclaré que l'épidémie serait terminée dans deux ou trois mois.

Pour résumer, quand vous avez une population bien vaccinée et un virus qui va affecter beaucoup de monde en même temps, cela donne une gamme d’anticorps beaucoup plus large que dans le passé.

Toutes les personnes de plus de 60 ans ou atteintes de comorbidités doivent absolument se faire administrer la 3e dose

     - La troisième dose qui s'est imposée à travers la planète est vraiment nécessaire ?

- Toutes les personnes de plus de 60 ans ou atteintes de comorbidités doivent en effet absolument se faire administrer une 3e dose.

Il n'y a même pas lieu de discuter cette option car tout indique qu’elle est très efficace.

Pour les plus jeunes, certains pays le feront et d’autres pas, mais la majorité de ceux qui disposent d’un stock suffisant de vaccins ont décidé, à raison selon moi, de vacciner ce type de population pour limiter les risques.

Si j'ai un message à faire passer, c’est notre degré d’incertitude

     - Pensez-vous qu'elle sera généralisée à terme ?

- Si j'ai un message à faire passer, c’est notre degré d’incertitude, car ce n’est que quand nous aurons dépassé la vague actuelle d’Omicron qu’on pourra vraiment y voir plus clair.

Pour vous donner un exemple, Israël, qui a été très en avance en termes de vaccination, vient de décider récemment d’arrêter de tester massivement sa population.

Les gens vaccinés qui sont infectés par Omicron se portent très bien... avec le nez qui coule, une migraine, mais rien de méchant

     - Comment expliquez ce revirement ?

- Parce que tout le monde va être malade et qu’il ne sert à rien de multiplier les tests.

Sachant qu’il y a eu jeudi 300.000 nouveaux cas en France et 300 hospitalisations, le ratio devient en effet ridicule, d’autant plus que les gens vaccinés infectés par Omicron se portent très bien... avec le nez qui coule, une migraine mais rien de méchant.

     - Quelle est la durée de l’immunité conférée par la fameuse troisième dose ?

- Elle dépendra du type de variant et du nombre d'individus qui seront infectés par Omicron à la fin de la vague.

Encore une fois,  avec Omicron nous sommes dans une vraie phase d’incertitude parce que beaucoup d’experts pensent que ce variant marque la fin de l’épidémie, avec un virus très contagieux mais pas pathogène qui va immuniser beaucoup de gens sans les conduire à l’hôpital ou en réanimation.

- Une quatrième dose est d’actualité ?

- Pour l’instant non, et on ne pourra avoir ce type de réponse qu'à la fin de la vague Omicron qui n’est pas encore achevée.

En effet, tout ce que l’on peut dire aujourd’hui risque d’être faussé à l'avenir

Surtout que dans plusieurs pays, la vague Omicron a généré de très nombreuses contaminations et peu d'hospitalisations, on pourrait conclure à tort qu’on n’a pas vraiment besoin de cette quatrième dose.

- Avec des contaminations qui explosent, mais très peu de cas graves, peut-on conclure que le virus actuel évolue vers une forme bénigne, voire une simple grippe ?

- Nous n’avons pas encore la certitude que cela se passera de cette façon, mais plusieurs éléments plaident pour ce scénario.

- Pour ceux qui ont décidé de vacciner les enfants de 5 à 11 ans, faut-il leur administrer 2 ou 3 doses ?

- Deux pour l’instant, parce que nous n’avons pas encore assez de recul.

Quoi qu’il en soit, tout laisse à penser que les enfants de cette tranche d’âge ont une excellente tolérance, d’autant plus que la quantité d’une dose enfant n’a absolument rien à voir avec celle destinée aux adultes.

- C’est à dire ?

- La dose d'un vaccin pour un enfant représente un tiers de celle administrée à un adulte, moyennant quoi elle est très bien tolérée.

- Que concluent les études issues de Grande-Bretagne où les contaminations explosent littéralement ?

- Que c’est un virus très rapidement transmissible qui génère beaucoup moins d’hospitalisations par rapport au variant précédent Delta et que grosso modo, il faut trois doses pour être bien protégé.

- Si on devait comparer Omicron et la grippe en nombre de décès, que pourrait-on dire ?

- A ce stade, il est difficile de spéculer car même si tout indique qu’il tire à sa fin, le variant précédent Delta est toujours très présent en France et en Angleterre.

Partant de là, on ne sait pas encore si les décès actuels sont liés à Omicron ou à son prédécesseur qui sévit toujours.

Sur le terrain médical, on pense qu’il y a peu de décès avec Omicron, mais nous devons encore patienter avant d'être en mesure de faire un point véritablement fiable.

     - Y a-t-il une immunité cellulaire après avoir été malade ou vacciné ?

- En effet, l’immunité cellulaire, qui protège des formes graves est acquise après avoir été vacciné ou malade.

En fait, les virus sont assez différents mais l’immunité cellulaire est moins sensible à leurs différences. Si ça marche pour éviter les formes graves, c’est justement grâce à une immunité cellulaire de qualité.

     - Peut-on parler d’une immunité cellulaire à l’instar de celle contre l’hépatite B ?

- La réponse est bien évidemment positive.

- Il y a donc intérêt à réaliser son propre bilan d'anticorps?

- Aujourd’hui, l’immunité cellulaire ne peut se faire tester que dans des laboratoires de recherche ou grand public qui disposent de cette technologie très coûteuse.

En effet, se faire tester coûte très cher et n’a rien à voir avec le tarif d’un test d’anticorps qui revient à 15-20 euros contre au moins 200 euros pour l’immunité cellulaire.

- En cas de forte épidémie, enregistre-t-on obligatoirement une forte létalité ?

- Tout dépend de la nature des variants mais Omicron est très contagieux et va toucher beaucoup de monde, bien qu'il conduise beaucoup moins à l’hôpital ou en réanimation.

S’il résiste au vaccin pour les formes courantes pas graves (nez qui coule, migraine…), ce n’est pas le cas pour les formes graves, en particulier chez les jeunes.

- L’inquiétude de voir les hôpitaux débordés est donc derrière nous...

- Pas du tout, il ne faut pas se tromper, car c’est déjà un peu le cas notamment à cause de la période hivernale qui n'arrange rien.

En effet, sachant qu'en hiver, il y a beaucoup de cas de grippes, de bronchiolites et d’autres affections conjoncturelles, les hôpitaux en France et en Europe sont déjà au bord de la rupture.

Si je n’ai pas contacté récemment mes confrères marocains, j’imagine que c’est un peu la même situation dans votre pays.

Cela s'explique par le fait que nous sommes à la fois à la fin de la vague Delta et au début de celle d’Omicron, auxquelles s'ajoutent les pathologies classiques propres à l'hiver.

Sans vaccination ni confinement, il y aurait eu au moins 100 millions de morts sur la planète

     - En dehors des hôpitaux, y a-t-il un risque de perturbation de la continuité du service public ?

- Bien évidemment !

     - Selon vous, que se serait-il passé si au début de la pandémie, au début de 2020, le monde n’avait confiné sa population puis lancé une campagne de vaccination ?

- Sans exagération aucune, le résultat aurait été un veritable carnage en termes de décès.

En effet, des virus aussi contagieux et pathogènes que l’Alpha et le Delta n'auraient certainement pas manqué  de générer un bilan bien plus meurtrier.

     - Justement, l’OMS a recensé officiellement 5 millions de décès à l'échelle planétaire, quel aurait été le vrai chiffre ?

- En premier lieu, il faut préciser que ce chiffre est très en dessous de la réalité et qu’il convient de le doubler au moins, donc une dizaine de millions de morts.

Enfin s’il est très compliqué de spéculer, il est évident que sans vaccination et mesures restrictives de circulation, il aurait fallu, à minima le multiplier par 10 soit un minimum de 100 millions de décès à travers la planète.

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