Carburants : la tendance haussière se maintiendra, l’État interviendra-t-il ?

Le prix du litre du gasoil passe pour la première fois la barre symbolique des 10 DH à cause de la hausse des cours internationaux. La tendance haussière se poursuivra au moins jusqu'à la fin de l'année. Un contexte tendu qui rappelle l'importance du stock stratégique, qui fait défaut au Maroc, et soulève la question d'une éventuelle intervention de l’État.

Carburants : la tendance haussière se maintiendra, l’État interviendra-t-il ?

Le 8 novembre 2021 à 20h46

Modifié 9 novembre 2021 à 12h40

Le prix du litre du gasoil passe pour la première fois la barre symbolique des 10 DH à cause de la hausse des cours internationaux. La tendance haussière se poursuivra au moins jusqu'à la fin de l'année. Un contexte tendu qui rappelle l'importance du stock stratégique, qui fait défaut au Maroc, et soulève la question d'une éventuelle intervention de l’État.

Ce début novembre, le litre de diesel à la pompe est affiché à plus de 10 dirhams à Casablanca. Les hausses sont donc plus importantes dans les autres villes à cause du différentiel du transport.

Le marché domestique franchit une barre jamais atteinte depuis des années. La compensation permettait le maintien des prix largement au-dessous de ce seuil. Après la libéralisation, les prix ont fluctué globalement entre 8 et 9,90 DH sans jamais dépasser le seuil psychologique de 10 DH.

Aujourd’hui, c’est chose faite. Mais pas chez tous les opérateurs. Selon l’application Mahatati (mise en place par le gouvernement), à titre d’exemple, la majorité des stations d’Afriquia à Casablanca restent sous la barre des 10 DH, à quelques exceptions près à l’image de quelques stations à Bouskoura, Dar Bouazza ou Oulad Azzouz.

Pour l’opérateur Winxo, c'est l’inverse, puisque selon l’application, la majorité de ses stations affichent un tarif de 10,30 DH/l.

Pour Total, plusieurs stations, selon l’application, affichent des prix variant entre 9,97 DH et 10,39 DH.

Selon des données de marché, les prix moyens pratiqués au Maroc sont passés de 8,70 DH/l en janvier à 10,18 DH ce 8 novembre. Soit une hausse de 1,40 DH/l.

Cela confirme la tendance haussière tel qu’expliqué par Médias24 en mars dernier. Par rapport à juin 2020, on peut dire que la hausse est de 2,60 DH/l.

Les cours internationaux portés par la reprise

Selon un expert du secteur sondé par Médias24, la hausse des prix s’explique naturellement par la hausse des cours internationaux. On entend ici, les cours du Platts (GO 10 ppm CIF NWE), qui est le cours de référence du gasoil raffiné acheté par les opérateurs marocains.

Ce cours est passé de près de 417$/TM en décembre 2020 à 670,5$/TM. La dernière cotation du 4 novembre donnait le TM de gasoil à 715$. Ce qui se traduira éventuellement par une nouvelle hausse lors de la prochaine quinzaine, sauf si les opérateurs préfèrent revoir leur copie et jouer sur d’autres paramètres, comme la marge par exemple, pour éviter cette hausse.

Pourquoi les cours internationaux flambent-ils ? "C’est juste la loi de l’offre et de la demande", répond notre expert. "Il y a une forte demande portée par les pays, notamment occidentaux et émergents, qui essaient de rattraper le temps perdu. La croissance actuelle est bien meilleure qu’en 2020 ; une année marquée par les confinements", nous explique-t-on.

"Il n'y a pas de baisse de la production, de pénurie ou de pression sur l’offre. C’est le retour de la croissance ; une croissance accélérée qui fait flamber les prix. Chaque pays essaie de se rattraper et de gagner ce qui a été perdu en termes de croissance. Le Maroc subit le stress du marché", ajoute notre expert.

Le trend est haussier jusqu’à la fin de l'année

Mais que risque-t-il de se passer d’ici la fin de l’année ? "Les économies poursuivent leur ouverture, il y a plus d’activité, plus de voitures qui circulent, plus de voyages... donc plus de demande. Il faut donc s’attendre à ce que d’ici la fin d’année, voire peut-être même début 2022, les prix poursuivent leur hausse jusqu’à atteindre l’équilibre", répond notre source.

A quel niveau se situera cet équilibre ou ce plafond ? "Bien malin celui qui peut répondre à cette question. C’est très difficile de répondre. Tout ce que je peux affirmer, c’est que le trend est haussier parce que tout le monde essaie de rattraper le retard, que ce soit les traders, les raffineurs, les producteurs... Les économies consomment parce qu’elles ont besoin d’énergie. Et ces dernières paient, disons, une sorte de taxe du redémarrage ou de la reprise", analyse notre expert.

La tendance haussière des cours mondiaux est de mauvais augure pour la balance des paiements marocaine et les réserves en devises. Elle l’est davantage pour les citoyens qui sont, depuis la libéralisation, directement exposés aux fluctuations internationales.

La seule barrière entre le citoyen et la flambée des prix internationaux est la stratégie des opérateurs, à condition que ces derniers aient une stratégie d’approvisionnement, de gestion des stocks, de marge et de tarifs orientés vers la préservation des prix dans certains niveaux ou pas.

Selon notre expert, fin connaisseur des pratiques des opérateurs, "les grands opérateurs faiseurs de marché n’ont pas répercuté totalement les hausses durant les trois dernières quinzaines, à l’exception d’un acteur qui a répercuté 0,50 DH d’un coup. Ils ont pu le faire car il avaient un stock acheté moins cher que les cours actuels".

La retenue des opérateurs n’était pas très importante. On voit bien qu’il y avait un petit aplatissement des hausses des prix à la pompe quand les cours internationaux poursuivaient leur franche hausse.

Qu’adviendra-t-il lorsque les opérateurs épuiseront leur stock acheté à un cours plus bas que la tendance actuelle ? Ils ne vont certainement pas vendre à perte. "Pour la prochaine quinzaine, la majorité des opérateurs ont réceptionné de nouvelles livraisons achetées au prix de cette quinzaine (715$, ndlr)", assure notre source.

Faut-il s’attendre à une nouvelle hausse ? On verra bien la stratégie pour laquelle optera chaque opérateur.

Le stock de sécurité, aujourd’hui plus que jamais

La situation actuelle questionne sur un sujet bien plus profond et stratégique que la stratégie prix des opérateurs : celui du stock de sécurité. Le Maroc a raté une occasion en or en 2020, où les cours étaient à 200$/TM.

"Si nous avions eu la réactivité d’acheter du stock quand les cours étaient bas, on aurait pu en profiter dans ce contexte pour utiliser une partie de ce stock de sécurité afin de réduire la pression sur les prix à la pompe, en attendant que les prix se détendent", analyse encore notre expert.

A 200$/TM, le Maroc aurait pu acheter 1 million de tonnes (ce qui correspond au stock de sécurité réglementaire de 60 jours) à 200 millions de dollars (1,8 MMDH). Aujourd’hui, ce même million de tonnes pourrait coûter jusqu’à 800 millions de dollars (7,3 MMDH). Le pays aurait économisé 5,5 MMDH.

Le stock de sécurité est une question de souveraineté qui ne peut être laissée entre les mains des opérateurs. "Les distributeurs ne peuvent pas constituer des stocks importants et les maintenir longtemps, car cela leur impose une contrainte de prix et de dévaluation", explique notre expert. "Cela dit, si les opérateurs ne peuvent pas le faire, d’autres options peuvent être envisagées, comme le fait de faire appel à des traders stockistes par exemple", poursuit-il.

"La pandémie est une crise à part que le monde n’a jamais vécue. On doit se poser objectivement la question sur les leçons à tirer. A mon avis, aujourd’hui, il y a deux enjeux majeurs : comment sécuriser la disponibilité du produit (avoir un stock stratégique, des alliances, une raffinerie, etc.), et comment faire face aux hausses des prix ?", développe notre source.

A ce stade, la question du stock de sécurité ne peut être réglée que sur les moyen et long termes. D’ailleurs, le roi Mohammed VI a appelé clairement à la mise en place d’un système global pour la gestion des stocks de sécurité des différents produits stratégiques.

En attendant, se pose la question sur le court terme des prix. Les transporteurs ont d’ailleurs déjà commencé à hausser le ton.

Le gouvernement laissera-t-il les prix à la pompe se renchérir davantage, ou décidera-t-il d’intervenir dans un marché supposé libéralisé ? S’il décide d’intervenir, il faudra définir le cadre de cette intervention, et cela ne pourra se faire qu’à travers deux leviers qui permettront de maintenir les prix : la marge des opérateurs et la TIC de l’Etat. Dossier à suivre, donc.

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