Infertilité : Après 10 mois de crise, les demandes de PMA reprennent timidement

La récente prise en charge par l'AMO de certains médicaments nécessaires à la procréation médicalement assistée (PMA) encourage les couples infertiles à se tourner de nouveau vers les centres de PMA, même si les effets de la crise économique se font toujours sentir.

Infertilité : Après 10 mois de crise, les demandes de PMA reprennent timidement

Le 11 février 2021 à 17h29

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

La récente prise en charge par l'AMO de certains médicaments nécessaires à la procréation médicalement assistée (PMA) encourage les couples infertiles à se tourner de nouveau vers les centres de PMA, même si les effets de la crise économique se font toujours sentir.

Les couples reviennent timidement dans les centres de procréation médicalement assistée (PMA). Fin septembre, plusieurs gynécologues et responsables de laboratoires de fécondation in vitro avaient indiqué à Médias24 avoir constaté une baisse très importante des demandes de PMA en raison de la crise économique.

Cinq mois plus tard, les mêmes interlocuteurs disent observer un retour progressif des couples dans leur centre ou cabinet. C’est le cas de Baha Benamar, responsable du laboratoire de fécondation in vitro de la clinique Al Boustane, à Rabat, et spécialiste en biologie médicale et biologie de la reproduction : "Dans notre centre, l’activité a repris, mais pas entièrement – je dirais à hauteur de 60 à 70%. Nous constatons donc une nette progression par rapport à septembre. Mais nous constatons aussi les difficultés financières auxquelles se heurtent toujours de nombreux couples : beaucoup nous appellent pour demander à différer les paiements des cryoconservations."

"Nous avions constaté une reprise au moment du déconfinement ; l’activité a lentement redémarré. Je ne dirais pas que nous avons retrouvé notre activité habituelle ; les demandes ont baissé de 20% environ. On est sur le même rythme : la reprise est là, mais elle est encore lente", abonde Jamal Fikri, gynécologue obstétricien, président-fondateur du Collège marocain de la fertilité et directeur de l’unité de l’assistance médicale à la procréation à la clinique Al Boustane. Et d’ajouter : "Nous travaillions auparavant avec une classe moyenne qui avait de bons salaires, or elle est aujourd’hui très impactée par la crise économique. Certains couples ont vu leur salaire diminuer de moitié ; d’autres ne comptent plus que sur un seul salaire… Déjà en temps normal, une bonne partie de notre clientèle mettait parfois plusieurs années à épargner l’argent nécessaire pour financer une PMA. Certains prennent des crédits et mettent des années à le rembourser. Sans compter qu’une tentative ne réussit pas forcément ; il en faut parfois plusieurs avant de réussir une PMA."

La prise en charge de certains médicaments, une avancée prometteuse

De son côté, le Dr Hakim Ezzenfari, gynécologue, l’un des spécialistes de la fécondation in vitro au Maroc, témoigne d’une lente reprise de l’activité. "Des couples qui avaient prévu de venir avant la crise sanitaire commencent désormais à revenir", dit-il. Même son de cloche au sein du Centre de fertilité de la clinique Ghandi, dirigé par le Dr Hamid Bennis : "De nouveaux couples arrivent ; d’autres reviennent car ils envisageaient déjà d’avoir recours à une PMA avant la crise. Ce sont surtout des couples qui reviennent pour une seconde, voire une troisième tentative."

Les gynécologues et responsables de laboratoires de fécondation in vitro s’accordent tous sur un point : la prise en charge de certains médicaments permettant de faciliter l’accès aux traitements de l’infertilité a encouragé les couples à se tourner vers la PMA. Début janvier 2021, le ministère de la Santé a en effet annoncé avoir intégré certaines classes thérapeutiques indiquées dans la prise en charge de l’infertilité à la liste des médicaments remboursables dans le cadre de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Cette liste a été publiée dans le Bulletin officiel du 24 décembre 2020/N6946.

Une avancée notable quand on sait que les médicaments prescrits pour stimuler la réserve ovarienne, pour une seule tentative, "représentent presque la moitié du coût global" d’une PMA, selon Baha Benamar. Aux médicaments, dont les prix varient entre 8.000 et 10.000 DH, il faut ajouter le suivi écographique, la ponction des ovocytes, le dosage hormonal, les frais de la clinique et les frais du laboratoire pour la monoculture des embryons et leur replacement dans l’utérus. Sans les médicaments, le coût d’une PMA varie entre 13.000 à 16.000 DH. Il faut donc compter entre 23.000 et 35.000 DH au total. La CNOPS prend en charge une seule tentative à hauteur de 5.000 DH. A titre de comparaison, la Tunisie en rembourse trois et la France six. "Au Maroc, 4.000 FIV sont pratiquées chaque année, contre 60.000 en France et 8.000 pour la Tunisie qui compte 12 millions d’habitants contre 36 au Maroc", avait expliqué à Médias24 le Dr Hamid Bennis.

"Le faible nombre de FIV au Maroc s’explique par le prix prohibitif pour la majorité des Marocains souffrant de problèmes d’infertilité. Les tarifs sont d’autant plus décourageants qu’il faut pratiquer en moyenne 3 FIV pour espérer obtenir un taux de réussite de 80%", nous avait expliqué de son côté le Dr Hakim Ezzenfari.

Les restrictions de déplacement, un impact sur la fertilité ?

Cette annonce est donc la bienvenue, mais il reste un autre problème, plus conjoncturel celui-ci : les restrictions de déplacement entre les régions. "Pour l’instant, la plupart de mes patients viennent de la région de Rabat. Certains couples originaires du Nord du Maroc, de Tanger notamment, sont découragés par le circuit administratif par lequel ils doivent passer avant d’obtenir une autorisation. Je leur envoie une attestation, mais l’octroi d’une autorisation de déplacement par les autorités locales est parfois long et décourageant pour d’entre eux", explique le Dr Hakim Ezzenfari.

"Si ces mesures étaient amenées à perdurer davantage, elles auraient un impact sur la fertilité. Certaines femmes ont déjà perdu une année. Or une femme de 38 ans n’a pas la même réserve ovarienne qu’une femme de 37 ans : plus l’âge avance, plus la fertilité diminue. A partir de 37, 38 ans, la fertilité baisse rapidement", ajoute le Dr Hakim Ezzenfari. "Jusqu’à 35 ans, les ovocytes sont d’excellente qualité. Au-delà, de 35 à 40 ans, la qualité ovocytaire baisse, et au-delà de 40 ans, elle diminue davantage. Le facteur âge est donc très déterminant", complète Baha Benamar. Dans son centre, elle dit recevoir des couples de Nador, Tanger, Tétouan, Oujda… "Presque la moitié des couples viennent d’une autre région que Rabat", souligne-t-elle.

Au Centre de fertilité de la clinique Ghandi, les couples viennent également de tout le Maroc : Al Hoceima, Errachidia, Rabat, Agadir, Marrakech, Safi, Tanger, Beni Mellal, Tétouan… Pour l’instant, le Maroc compte en tout et pour tout 3 centres publics de PMA pour 36 millions d’habitants : Casabanca, Rabat et Marrakech. D’où une forte concentration, dans ces trois villes, des demandes émanant de toutes les régions du Maroc.

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