Le cyberharcèlement a été aggravé par le confinement

Le confinement, avec le ralentissement des activités professionnelles et l’enseignement à distance plus ou moins suivi, a été favorable à une hausse du temps passé en ligne, favorisant une augmentation du cyberharcèlement.

Le cyberharcèlement a été aggravé par le confinement

Le 3 juin 2020 à 17h53

Modifié 10 avril 2021 à 22h39

Le confinement, avec le ralentissement des activités professionnelles et l’enseignement à distance plus ou moins suivi, a été favorable à une hausse du temps passé en ligne, favorisant une augmentation du cyberharcèlement.

Le domicile conjugal n’a pas le monopole des violences faites aux femmes pendant ce confinement. La Toile est aussi un espace propice au cyberharcèlement, plus encore en cette période où la seule fenêtre sur l’extérieur se limite aux réseaux sociaux et messageries instantanées.

Depuis le 20 mars, date de l’entrée en vigueur du confinement, l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté, qui a participé en décembre dernier à la rédaction d’une étude sur les violences numériques faites aux femmes, dit avoir reçu une quarantaine de demandes d’aide pour des faits de cyberharcèlement émanant de femmes originaires de Casablanca, Rabat, Oujda, Fès, Mohammedia... Un chiffre qui, ramené aux 700 appels que l’association a reçus depuis le début du confinement pour des faits de violences, semble minime, mais pour sa présidente Bouchra Abdou, il est très probablement en deçà de la réalité.

Le ralentissement des activités professionnelles et l’enseignement à distance plus ou moins suivi ''a créé un vide chez de nombreux jeunes'', estime Bouchra Abdou. ''Ils sont donc beaucoup plus enclins à se retrouver sur les réseaux sociaux, Instagram notamment. C’est un contexte favorable à une hausse du harcèlement en ligne, bien plus qu’en temps normal'', avance-t-elle. Pêle-mêle, le cyberharcèlement se traduit par des photos de jeunes femmes hackées et diffusées contre leur gré sur Facebook ; des vidéos pornographiques qui saturent leur messagerie WhatsApp ; des appels incessants d’hommes qu’elles ne connaissent pas et qui composent au hasard des numéros, dans l’espoir qu’une jeune femme décroche au bout du fil ; des insultes lorsqu’ils essuient un refus…

''Les mineures se retrouvent coincées''

''Avec une prévalence de 14%, près de 1.5 million de femmes sont victimes de violence électronique au moyen de courriels, d’appels téléphoniques, de SMS, etc.'', indiquait le Haut-commissariat au Plan (HCP) dans une enquête menée entre février et juillet 2019.

Comme Bouchra Abdou, Stéphanie Willman-Bordat, cofondatrice de l’association Mobilising for Rights Associates (MRA), estime que ce chiffre est sous-estimé, plus encore en cette période de confinement. ''La trentaine d’associations qui composent notre réseau associatif dans tout le Maroc a interrogé des jeunes femmes de 13 à 17 ans dans le cadre d’une étude à paraître sur les violences faites aux femmes pendant le confinement. La quasi-totalité ont fait état d’une hausse du harcèlement en ligne. Elles ont même été étonnées d’être sondées sur cette question tant cela leur semblait évident'', nous dit Stéphanie Willman-Bordat.

A la liste énumérée par Bouchra Abdou, Stéphanie Willman-Bordat ajoute la création de faux comptes pour diffuser des photos intimes entre camarades de classe et la publication de commentaires diffamatoires pour ternir des réputations. ''Lorsqu’il s’agit de jeunes femmes mineures, ces violences ne sont jamais signalées à la police ; pas même à leur famille. La seule solution pour elles, c’est de fermer leurs comptes.''

Un constat que partage Me Zahia Ammoumou, avocate proche de l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté. ''Les mineures ne peuvent pas déposer plainte elles-mêmes ; ce sont les parents qui doivent le faire. Or il leur est évidemment impossible de dire qu’elles ont envoyé des photos d’elles dans des positions suggestives. Ces jeunes femmes se retrouvent coincées alors qu’elles sont souvent les premières victimes du harcèlement en ligne en raison d’une familiarité prononcée avec les nouvelles technologies'', déplore Me Zahia Ammoumou.

Une loi mal ficelée qui ne définit pas le travail de la police

Pour les femmes majeures, déposer plainte n’est pas une mince affaire quand bien même la loi 103-13 du 22 février 2018 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes punit le harcèlement en ligne. ''Est coupable de harcèlement sexuel et est puni d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 2.000 à 10.000 dirhams ou de l’une de ces peines, quiconque persiste à harceler autrui dans les cas suivants : 1. Dans les espaces publics ou autres, par des agissements, des paroles, des gestes à caractère sexuel ou à des fins sexuelles ; 2. Par des messages écrits, téléphonique ou électroniques, des enregistrements ou des images à caractère sexuel ou à des fins sexuelles'', énonce l’article 503-1-1.

Dans la pratique, les difficultés s’accumulent car la loi est mal ficelée, estime Stéphanie Willman-Bordat : ''Lorsqu’une femme cherche à obtenir l’identité du harceleur auprès des opérateurs téléphoniques, ces derniers répondent qu’ils ne peuvent la lui communiquer que sur ordre du procureur, au motif que ces données sont privées. Et lorsqu’elle se rend au commissariat, la police lui explique que c’est à elle de rapporter la preuve de l’identité du harceleur. Mais ça c’est le travail de la police et la loi ne le dit pas. C’est tout le problème des violences faites aux femmes : ce sont toujours à elles de prouver qu’elles sont victimes.''

''Les profils créés sur les réseaux sociaux peuvent ne pas refléter la véritable identité du harceleur. Si l’adresse IP ne permet pas d’identifier la personne ou qu’il y a ambiguïté sur le titulaire de cette adresse, l’enquête judiciaire est bloquée'', explique de son côté Me Ahmad Hussein, avocat au barreau de Casablanca, spécialisé dans le droit du numérique et des technologies de l’information et de la communication (TIC). ''Les harceleurs se sentent parfaitement libres d’aller jusqu’au bout ; ils savent que la personne aura plus honte de dénoncer ces faits publiquement devant un policier ou un procureur que de se soumettre à un quelconque chantage, y compris sexuel'', ajoute-t-il. ''Il faut que les opérateurs bougent avec nous'', conclut Bouchra Abdou.

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