Automobile: le Maroc épargné par les relocalisations annoncées par Macron

Le plan de rapatriement de la production automobile annoncé, mardi 26 mai, par le Président français a épargné les segments des véhicules diesel et essence. Renault et PSA n’auront donc pas à relocaliser la production de leurs usines de Tanger et de Kénitra. Une très bonne nouvelle pour l’économie marocaine.

Automobile: le Maroc épargné par les relocalisations annoncées par Macron

Le 27 mai 2020 à 15h02

Modifié 11 avril 2021 à 2h46

Le plan de rapatriement de la production automobile annoncé, mardi 26 mai, par le Président français a épargné les segments des véhicules diesel et essence. Renault et PSA n’auront donc pas à relocaliser la production de leurs usines de Tanger et de Kénitra. Une très bonne nouvelle pour l’économie marocaine.

Le Président français Emmanuel Macron a annoncé hier son plan de relance pour l’industrie automobile. Ce plan était très attendu par les industriels français, mis à terre par la crise du Covid-19, mais aussi par les décideurs et industriels marocains.

Depuis l’éclatement de cette crise sanitaire et économique, la montée des discours souverainistes en France est devenue un sujet d’inquiétude pour le Maroc, où certains analystes et économistes craignaient le lancement d’un mouvement de relocalisation vers l’Hexagone qui pourrait menacer l’industrie automobile marocaine.

Devenue en un temps record le premier pourvoyeur de devises pour le pays, cette industrie est d’autant plus très concentrée sur les opérateurs français : Renault et PSA notamment.

Prononcé hier soir, depuis l’usine d’un équipementier français, le discours de Macron a finalement levé toutes ces craintes. Le Président français a parlé certes de relocalisations, comme attendu, mais son plan n’aura a priori aucun impact sur l’industrie déjà établie au Maroc.

Seuls les véhicules électriques et hybrides sont concernés

Globalement, son plan consiste en un soutien de 8 milliards d’euros dont bénéficieront aussi bien les acheteurs que les constructeurs.

Les aides accordées aux producteurs, Renault et PSA à leur tête, sont bien sûr conditionnées. En contrepartie du soutien public, ils s’engagent à maintenir la production sur les sites français et à rapatrier la production des véhicules à forte valeur ajoutée sur le territoire. Macron a ciblé tout particulièrement et de manière exclusive la production de voitures électriques et hybrides, et n’a pas dit un mot sur les véhicules thermiques.

Son ambition: faire de la France "la première nation productrice de véhicules propres en Europe", avec un objectif de production de plus d'un million de ce type de voitures d'ici 2025.

Pour bénéficier des aides massives proposées par l’Etat, PSA, Renault et les autres acteurs du secteur sont donc invités à lancer une nouvelle vague d’investissements dans les segments de la voiture propre et de rapatrier, chemin faisant, la production de ces véhicules sur le territoire français.

Des opportunités de sourcing pour le Maroc

Au Maroc, ces annonces lèvent toutes les craintes exprimées sur le risque de rapatriement des activités de Renault Tanger et de la nouvelle usine de PSA à Kénitra. Les deux usines produisent essentiellement des véhicules thermiques (diesel et essence) et ne sont donc pas concernées par ce deal passé entre les autorités françaises et les constructeurs.

Un grand ouf de soulagement pour cette industrie, devenue stratégique pour le pays. "Je ne veux pas utiliser le mot ouf de soulagement, car je n’ai jamais été inquiet", réagit Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, contacté par Médias24.

MHE nous confie avoir suivi en direct les annonces de Macron et tenu, dans la soirée, une séance de travail avec les professionnels du secteur. "Le travail a déjà commencé hier soir. Le plan annoncé par Macron, nous y voyons des opportunités importantes. Car l’investissement massif dans les véhicules électriques et hybrides en France nous ouvre des opportunités. Leur sourcing ne se fera plus en Asie et le Maroc peut devenir une plateforme d’approvisionnement pour les constructeurs français", explique-t-il.

Le ministre a dès le début de la crise tenu cette ligne optimiste dans son discours et ses sorties médiatiques. Pour lui, la crise du Covid-19 a montré que la dépendance totale de l’Asie était dangereuse, et que le Maroc pouvait se positionner en alternative sérieuse pour les industriels européens.

Le plan d’investissement massif et le virage écologique annoncés hier par Macron dans l’industrie automobile le confortent dans son pari. "Je ne peux y voir que des opportunités. Avec le positionnement du Maroc, sa compétitivité, mais aussi sa capacité à respecter les règles environnementales qui deviennent un critère décisif pour les constructeurs, nous sommes bien partis pour capter de nouveaux investissements dans ces segments du futur", nous explique-t-il.

Même son de cloche chez les professionnels marocains. Président de l’Amica, Mohamed Lacham nous exprime aussi sa satisfaction des annonces faites par le Président français, qui ont épargné la relocalisation de la production des voitures thermiques: "On a poussé un ouf de soulagement, en effet. L’industrie déjà établie ne sera pas touchée. Elle a au contraire de l’avenir, puisque le diesel et l’essence continueront de se vendre en Afrique, dans les pays émergents et même en Europe où la transition vers la voiture propre prendra certainement du temps", nous dit-il.

Mais il exprime en parallèle une petite inquiétude par rapport à une partie de la production de PSA à Kénitra. "L’essentiel est certes épargné. Mais il y a une partie de la production chez PSA qui peut être menacée", précise-t-il, faisant référence à la Citroën AMI, ce petit véhicule 100% électrique qui sort des chaînes de l’usine de Kénitra et présenté au marché le 27 février 2020, quelques jours avant l’éclatement de la crise mondiale du Covid-19.  

PSA: "Aucune décision n’est prise pour l’instant

Moulay Hafid Elamay est conscient également de cette menace. Mais tient à la relativiser. "La production de ce véhicule électrique n’est pas significative. C’est à peine 5% du volume de production de l’usine de Kénitra", explique-t-il.

Pour lui, le fait que l’usine de Kénitra soit capable de produire des véhicules électriques est plutôt un atout. "L’usine est polyvalente. Elle a été conçue dès le départ pour faire du thermique et de l’électrique. Je pense que les choses vont se calmer dans les deux prochaines années, et le souci de la compétitivité reprendra le dessus. L’usine sera alors prête pour produire ce type de véhicules", ajoute-t-il.

Communicante du groupe PSA en France, Karine Douet nous confirme qu’aucune décision n’a été prise pour l’instant concernant le modèle AMI, produit au Maroc.

Pour elle, l’usine de Kenitra produit essentiellement du thermique, destiné pour la grande majorité aux marchés de la région Afrique et Moyen-Orient, avec une petite partie de la production qui cible les marchés européens. "Donc par rapport aux discussions sur la relocalisation, je vous confirme qu’aucune décision n’a été prise concernant l’usine marocaine. Y compris pour la production des véhicules électriques et hybrides de PSA, dont l’essentiel se fait aujourd’hui en France", précise-t-elle.

En résumé, la production marocaine sera sauvegardée. Aucune relocalisation n’est à l’ordre du jour. Et même si PSA décide de rapatrier la production de la Citroën AMI, cela n’aura pas un grand impact sur le chiffre d’affaires du secteur.

Repositionner l’industrie marocaine sur l’automobile du futur

Ce virage pris par la France qui sera certainement suivie par d’autres pays européens et occidentaux, pose en tout cas un nouveau challenge pour le Maroc et questionne son modèle actuel basé sur la production de véhicules thermiques.

Même si le Maroc mise dans ses exportations sur les marchés émergents, l’Afrique et le Moyen-Orient, qui continueront d’acheter du diesel et de l’essence pour encore de longues années, ces régions-là ne tarderont pas à suivre la tendance mondiale.

Ce qui fait dire au président de l’Amica que "le Maroc doit se préparer dès aujourd’hui au changement du marché et au basculement vers l’électrique et l’hybride".

Moulay Hafid Elalamy ne dit pas autre chose, mais précise que le Maroc a déjà anticipé la tendance.

Son ministère était, on s’en rappelle, déjà en discussion avec le producteur chinois BYD, spécialiste des voitures électriques, pour une implantation au Maroc. Un protocole d’accord a même été signé en ce sens en décembre 2017. "Un projet qui n’est plus d’actualité", nous informe le ministre, "à cause d’un changement de stratégie de l’industriel chinois qui a décidé de se concentrer pour l’instant sur son marché local".

Mais malgré ce "capotage", la transformation de l’industrie automobile marocaine est déjà en marche, nous dit-il. "Les travaux sont déjà lancés pour positionner le Maroc sur ce nouveau marché. On est actuellement en discussion avec plusieurs industriels du secteur, notamment des fabricants de batteries électriques. 50% du véhicule électrique, c’est la batterie. Le reste, c’est des composants classiques que nous fabriquons déjà pour l’essentiel. Je vous annonce donc qu’on travaille d’ores et déjà sur des usines de batteries électriques", confie-t-il. 

Lire aussi: Le Maire reparle de relocalisations, Renault et PSA "restent impliqués" au Maroc

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