La crise économique du Covid-19, un gouffre financier pour l’Etat

Les aides monétaires aux travailleurs à l’arrêt vont consommer le gros des ressources du Fonds Covid-19. Les recettes de l’Etat vont fondre à cause de l’arrêt de l’activité économique. Laisser filer l'endettement est inévitable.

La crise économique du Covid-19, un gouffre financier pour l’Etat

Le 20 avril 2020 à 16h15

Modifié 11 avril 2021 à 2h45

Les aides monétaires aux travailleurs à l’arrêt vont consommer le gros des ressources du Fonds Covid-19. Les recettes de l’Etat vont fondre à cause de l’arrêt de l’activité économique. Laisser filer l'endettement est inévitable.

La crise économique et sanitaire liée à la propagation du Coronavirus sera très coûteuse non seulement pour le secteur privé mais aussi pour l’Etat.

Celui-ci a réagi rapidement en adoptant un ensemble de mesures de soutien à l’économie, en plus du dispositif sanitaire mis en place. La plus importante est l’octroi d’aides monétaires directes aux travailleurs déclarés et non déclarés en arrêt temporaire d’activité.

Ces aides sont octroyées à partir du Fonds dédié à la gestion des effets du Covid-19 créé sur instructions royales.

Hormis la contribution de l’Etat, du Fonds Hassan II et du versement de l’amende affligée par l’ANRT à Maroc Telecom, ce fonds est alimenté par les dons des entreprises privés, des établissements et entreprises publiques, des fonctionnaires, de plusieurs professions, d’hommes d’affaires et des personnes physiques en général.

Il est difficile de dire avec précision combien d’argent a été collecté. Le ministère des Finances annonce des ressources à fin mars de 17 milliards de DH. Mais les annonces et promesses portent sur plus de 35 milliards de DH en comptant le dernier don annoncé d’IAM (1,5 MMDH) et sans tenir compte des dons non chiffrés (1 mois de salaire…) et en nature.

Une somme colossale mais qui malheureusement va s’épuiser rapidement sachant que le Maroc a prolongé l’état d’urgence sanitaire pour un mois supplémentaire et donc l’arrêt d’activité va se poursuivre.

Au moins 6 milliards de DH pour les salariés déclarés à la CNSS

Il y a d’une part l’indemnité en faveur des salariés déclarés à la CNSS en arrêt temporaire d’activité. Rien qu’au titre du mois de mars, pour lequel une indemnité de 1.000 DH a été décidée, près de 810.000 salariés ont été déclarés, soit un coût d’environ 810 MDH.

Nous avons expliqué dans un précédent article qu’il y a eu sur-déclaration de la part d’entreprises dont les employés sont toujours en activité, et qu’avec l’exonération de l’IR du complément d’indemnité que les employeurs peuvent verser à leurs salariés, les fausses déclarations vont exploser au cours des mois d’avril à juin, devant l’incapacité de l’Etat de contrôler, compte tenu de la situation exceptionnelle que l’on vit.

Rien qu’en reconduisant le même nombre de salariés déclarés à la CNSS au titre du mois de mars pour les mois d’avril à juin (2.000 DH par mois), le montant global de l’indemnité qui sera servie à partir du Fonds Covid-19 s’élèverait à 5,7 milliards de DH (du 15 mars au 30 juin inclus).

Sauf que le nombre d’employés déclarés risque d’augmenter de moitié, voire de doubler à partir de fin avril. Dans ces deux hypothèses, le coût global de l’indemnité s’élèverait respectivement à plus de 8 milliards de DH et plus de 10 milliards de DH.

Au moins 16 milliards de DH pour les travailleurs informels et non déclarés

Mais la facture la plus salée sera celle de l’aide aux travailleurs de l’informel et non déclarés. Dans une déclaration à l’AFP, le ministre des Finances avait donné le chiffre de 4 millions de ménages qui seront soutenus. Et dans une déclaration à une chaine de télévision nationale, il avait affirmé avoir reçu des millions de demandes des détenteurs des cartes Ramed valides à fin 2019, sans préciser le nombre exact.

En ajoutant les travailleurs non bénéficiaires du Ramed dont l’opération d’inscription a démarré le 10 avril pour prendre fin le 16, le nombre des ménages qui recevront l’aide monétaire pourrait au moins doubler.

Sans s’aventurer avec des estimations peu précises, nous retiendrons uniquement le chiffre de 4 millions de ménages avancé par le ministre des Finances au démarrage de l’opération d’inscription.

Avec une aide moyenne retenue de 1.000 DH par mois (elle varie de 800 à 1.200 DH en fonction de la taille du ménage), le coût s’élèverait à 16 milliards de DH sur la période mars-juin.

En étant donc optimiste, on peut donc dire que l’essentiel des ressources annoncées du Fonds Covid-19 (entre 22 et 26 milliards de DH) seront consommées en l’espace de 4 mois. Ce qu’il faut savoir c’est que le Fonds sert également à financer les dépenses exceptionnelles des ministères de la Santé et de l’Intérieur pour gérer la crise.

Pour les plus pessimistes, le Fonds risque d'épuiser ses ressources actuelles au plus tard vers la mi-mai.

Quelle solution si cela arrive, et surtout si la situation épidémiologique ne s’améliore pas d’ici juin ? Faire de nouveaux appels aux dons ? Puiser dans le budget général de l’Etat ?

Le budget de l'Etat sous haute pression

Il faut savoir que le budget est déjà sous pression et le sera davantage au cours des prochains mois.

Déjà, l’Etat va contribuer à hauteur de 10 milliards de DH au Fonds Covid-19, une dépense exceptionnelle qui n’était pas prise en compte. Les salaires des fonctionnaires seront maintenus, les dépenses dans les secteurs prioritaires comme la santé publique et la sécurité seront renforcés et les dépenses inévitables et investissements stratégiques seront maintenus (eau, électricité, cohésion sociale…).

En face, les recettes de l’Etat, surtout fiscales, vont fondre à cause de l’arrêt de l’activité économique.

Jusqu’à fin mars 2020, la situation des finances publiques était à l’équilibre. Mais l’impact se fera sentir à partir d’avril et s’aggraver d’ici juin, notamment sur les principaux impôts d’Etat (IR, IS, TVA) :

- Avec 810.000 salariés déclarés à la CNSS en arrêt d’activité rien que sur les 15 jours du mois de mars - un nombre risque de doubler en avril, les recettes de l’IR vont fortement chuter. Certes, la moitié des salariés déclarés à la CNSS ne paient pas d’IR car percevant le salaire minimum. Mais les autres catégories de salariés sont également concernées par l’arrêt d’activité. Ceci sans parler de l’IR professionnel qui va s’effriter, de l’IR foncier…

- 134.000 entreprises ont déclaré des salariés en arrêt d’activité, et ce chiffre risque d’augmenter fortement au cours des prochains mois. Du coup, les recettes de l’IS seront fortement affectées. Plusieurs secteurs d’activité sont complètement à l’arrêt. Les déclarations d'IS du mois de juin apporteront la mauvaise surprise à l’Etat.

- Avec le ralentissement de la consommation des ménages au strict minimum et l’arrêt des investissements, les recettes de la TVA vont accuser le coup, que ce soit la TVA intérieure ou à l’importation. Les recettes douanières seront également touchées.

L’Etat se retrouvera donc entre le marteau et l’enclume. D’un côté, il est obligé d’instaurer et de prolonger le confinement pour maitriser l’épidémie, et donc de soutenir financièrement les ménages pour le faire respecter. De l’autre, l’arrêt de l’activité économique qui découle du confinement le privera de recettes fiscales précieuses.

L’Etat ne pourra donc s’en sortir sans recourir à l’endettement. Les 31 milliards de DH tirés de la LPL du FMI ne sont pas censés financer le déficit budgétaire mais uniquement renforcer les réserves en devises du pays. Le Trésor sera donc obligé de lever de l’argent sur le marché financier international, solliciter ses principaux partenaires parmi les pays et institutions internationales (UE, BAD, Banque Mondiale…), et s’endetter également sur le marché intérieur.

Plusieurs personnalités appellent d’ailleurs le gouvernement à oublier l’orthodoxie budgétaire qui a été abandonnée par les pays les plus libéraux, et à laisser filer l’endettement pour soutenir la demande dans un premier temps, puis l’offre et la demande pour l’après-crise. 

Mais il ne fait aucun doute qu'après la solidarité, on va nous demander des sacrifices. Des administrations réfléchissent déjà aux moyens de mobiliser de nouvelles ressources auxquels les contribuables n'échapperont pas...

>>Lire aussi : Comment redémarrer l’économie : voici ce que propose le député Omar Balafrej

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