A l’instar de Derb Ghallef impacté par l’arrêt de la contrebande de Sebta, l’activité de Derb Omar commence à souffrir des fermetures provisoires des usines chinoises et de l’arrêt total des livraisons.

Des voyages remplacés par des bons de commande par mail

C’est le cas d’un gros importateur de jouets, très inquiet, qui nous déclare que les problèmes de ruptures de stocks commencent à se faire sentir de plus en plus sérieusement.

« Sachant que tout le monde a peur du coronavirus, plus aucun commerçant ne se rend chez les fournisseurs chinois pour découvrir les nouveaux produits et passer commande.

« Si les voyages ne sont pas interdits, ils préfèrent désormais travailler par mail. Idem pour les commerçants chinois installés au Maroc qui font de l’intermédiation avec leurs homologues marocains.

Des usines qui ne répondent plus aux ordres de commande

« De plus, il y a des dysfonctionnements au niveau des usines avec des employés chinois au chômage technique et des restrictions administratives dans les douanes qui empêchent les importations.

« Seules les usines qui travaillent avec des grandes marques (Apple, Nike …) ont moins de problèmes et arrivent à activer les dossiers d’importation mais ce n’est pas le cas des petits clients comme les commerçants importateurs de Derb Omar.

« Ainsi, nous avons remarqué que quand nous envoyons un mail de commande à nos fournisseurs, le délai de réponse qui était de 48 heures maximum est désormais de 10 voire 20 jours. Comme toutes les usines chinoises sont interconnectées, si l’une d’elles est à l’arrêt, toute la chaîne se grippe.

« Comme les marchandises doivent souvent traverser plusieurs régions chinoises et que certaines routes sont fermées, pour cause de quarantaine, il y a donc des problèmes de circulation qui affectent le processus de production et de livraison », nous conte le grossiste qui préfère rester anonyme.

Les produits commandés et destinés à être vendus en été, toujours pas livrés

Interrogé sur les articles bientôt en rupture, le commerçant évoque sa spécialité à savoir les jouets.

« En dehors des jouets, les produits textiles commencent également à manquer chez certains commerçants. En fait, ce sont surtout les produits d’été qui devaient être livrés dans les prochains mois.

« Les grossistes avaient l’habitude d’être livrés en février ou en mars pour pouvoir commercialiser leurs produits durant l’été. C’est le cas des articles de plage (serviettes …), des produits de décoration ou des cadeaux destinés aux mariages qui ont souvent lieu en été, des ustensiles de cuisine (couteaux …), du matériel de barbecue nécessaire à la fête de l'Aïd Al Adha et tous les produits estivaux.

« Auparavant, le délai rapide entre le bon de commande et l’arrivée au port était de 2 mois mais aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. Ainsi, les importateurs qui travaillaient en groupage n’arrivent plus à remplir un container avec 3 ou 4 exportateurs chinois. En effet, il suffit qu’un seul manque à l’appel pour que le container soit bloqué et ne parte pas avant qu’il ne soit rempli », explique notre grossiste qui craint que la situation s’éternise sans remède rapide au coronavirus.

Des étalages qui seront vides dans 2 mois

« Si la situation ne s’améliore pas dans les 2 prochains mois, beaucoup d’articles vont commencer à manquer et la saison estivale sera compromise pour ceux qui ne trouveront pas d’alternative.

« Ainsi, si les livraisons ne reprennent pas d’ici mai au maximum, nous allons perdre un chiffre d’affaires conséquent. Idem pour les produits vendus en automne ou en hiver.

« Concrètement, sans retour de mes fournisseurs d’ici mars, je n’aurai rien à vendre pour les mois de juin, juillet et août.

 « Contrairement au passé, le coronavirus touche toutes les grandes villes chinoises alors que les virus précédents se situaient plutôt dans les campagnes loin des centres de production et d’exportation », conclut le commerçant qui se dit davantage touché par cette épidémie que par la crise économique mise en avant par d’autres commerçants de Derb Omar.

Des stocks suffisants qui n’ont pas été écoulés à cause de la crise

C’est au contraire le cas du détaillant Khalid Lazrak qui déclare ne pas être touché par des ruptures de stocks.

 « Dans mon secteur (tissus d'ameublement), nous commerçons toujours grâce aux grands stocks cumulés.

« En fait, si certains commerçants n’ont pas encore connu de problèmes de rupture de stocks, c’est parce que les marchés ont été inondés par des marchandises qui n’ont pas trouvé d’acquéreurs.

 « En effet, depuis plusieurs mois, Derb Omar vit un véritable marasme économique qui nous empêche d’écouler nos produits et donc de liquider notre stock initial », explique Lazrak qui se dit plus touché par l’absence de clients que par une rupture de stock due au coronavirus.

Interrogé sur le temps qu’il faudra avant de commencer à s’inquiéter, Lazrak plutôt optimiste affirme que si les délais de livraison devaient s’éterniser, les commerçants pourront trouver des solutions intermédiaires pour renouveler leur stock en se fournissant auprès des producteurs locaux.

La contrebande a plus d’impact que le coronavirus

« Hormis la crise économique, ce qui affecte le plus les commerçants de Derb Omar est, selon moi, les importations sauvages de Chine qui viennent du port mauritanien de Nouhadibou.

« En effet, de nombreux tissus d’ameublement arrivent dans ce port avant d’être acheminés illégalement via le poste frontière de Guergarat.

« Sachant que ces marchandises passent sans payer les taxes, c’est une concurrence déloyale et insupportable pour les commerçants qui importent les mêmes produits mais en payant les frais de douane au port de Casablanca », conclut le commerçant en précisant que le vrai problème d’actualité est lié à la crise économique et à la concurrence déloyale d’articles de contrebande non imposés.