Entretien. L'AMMC explique comment sont déterminées les sanctions à l'encontre des intervenants du marché
Hicham Cherradi, Directeur Enquêtes et Contrôles à l'AMMC, explique à LeBoursier comment les sanctions prononcées par l'AMMC sont déterminées. Il précise par ailleurs que les sanctions pécuniaires sont plafonnées à 200.000 dirhams mais qu'elles peuvent dépasser ce plafond dans certains cas.
Les récentes sanctions prononcées par l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) à l’encontre de 4 opérateurs du marché financier ont remis en avant la question du respect des règles de fonctionnement par les professionnels mais surtout le degré de protection de l’épargne investie sur le marché des capitaux, d'autant plus que les sanctions infligées auxdits opérateurs sont considérées comme insignifiantes vis-à-vis des manquements constatés.
Quelles sont donc les bases juridiques des sanctions de l'AMMC? Existe-il un barème qui détermine les montants des sanctions pécuniaires? Comment répondre aux détracteurs de ces sanctions?
Le point avec Hicham Cherradi, Directeur Enquêtes et Contrôles à l'AMMC.
LeBoursier: Quel est le cadre légal et les textes juridiques sur lesquels sont basées les sanctions de l’AMMC ?
- Hicham Cherradi: L’arsenal juridique encadrant les manquements et les sanctions disciplinaires et pécuniaires prononcées par l’AMMC repose sur trois piliers.
Le premier pilier, qui pose le tronc commun, est constitué par la loi n°43-12 relative à l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), notamment la section III relative aux sanctions disciplinaires et pécuniaires prononcées par la Présidente de l’AMMC (articles 8 à 12), et le règlement général de l’AMMC pris par arrêté du Ministre des finances et publié au bulletin officiel en mai 2017, qui décrit la procédure de sanction (articles 49 à 61).
Le deuxième pilier est constitué par les lois spécifiques encadrant les différentes activités exercées sur le marché de capitaux. Il s’agit notamment des lois qui régissent l’appel public à l’épargne, la Bourse des valeurs, les sociétés de bourse, les OPCVM, les OPCC, le Dépositaire central, etc.
Le troisième pilier est constitué par la circulaire de l’AMMC qui précise les règles de pratique professionnelle, les règles déontologiques et les modalités techniques ou pratiques d’application des dispositions législatives et réglementaires.
- Quelle est la procédure qui permet d'aboutir à ces sanctions ?
-Il existe plusieurs éléments déclencheurs d’une procédure de sanction. L'ouverture de cette procédure peut survenir suite à un contrôle sur pièces, un contrôle sur place, une enquête ou une plainte.
Il est à noter que quel que soit l’élément déclencheur, l’ouverture d’une procédure de sanction donne lieu à la saisine du Collège des sanctions institué par les dispositions de l’article 14 de la loi n°43-12 précitée en tant qu’organe de l’AMMC, et qui est présidé par un magistrat en plus de deux membres choisis pour leur intégrité et leur compétence dans les domaines juridique et financier.
Les modalités de fonctionnement du Collège des sanctions ainsi que ses missions sont précisées par les dispositions des articles 19 et 20 de la loi n°43-12 précitée, tandis que le règlement général de l’AMMC détaille la procédure de sanction à travers ses deux grandes phases que sont la saisine du Collège des sanctions par la Présidente de l’AMMC (articles 49 et 50), et l’instruction des dossiers par le Collège des sanctions (articles 51 à 58) jusqu’à la clôture de l’instruction (articles 59 à 61).
Il y a lieu de de souligner dans ce cadre, que la procédure de sanction est soutenue par des principes forts qui permettent à la personne mise en cause d’assurer sa défense, notamment le principe du contradictoire et la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix.
Enfin, à l’issue de l’instruction des dossiers, le Collège des sanctions propose à la Présidente de l’AMMC une sanction disciplinaire ou la transmission du dossier à la justice pour les faits susceptibles de constituer une infraction pénale.
La Présidente de l’AMMC prononce, selon l’avis conforme du Collège des sanctions, les sanctions disciplinaires et pécuniaires.
- Comment les sanctions pécuniaires sont-elles déterminées? Y a-t-il justement un barème prévu par les textes juridiques dans ce sens?
-Le montant des sanctions pécuniaires est encadré par les dispositions de l’article 8 de la loi n°43-12 relative à l’AMMC, qui fixe un plafond de 200.000,00 dirhams à l’encontre de toute personne ou organisme ayant commis des manquements aux règles déontologiques ou de pratiques professionnelles prévues par la circulaire de l’AMMC. Si des profits sont réalisés, le montant de la sanction pécuniaire peut atteindre le quintuple du montant desdits profits.
Aussi, le montant est calculé en fonction d’un certain nombre de critères tels que la gravité des faits, la récurrence du manquement ou la récidive. En outre, les dispositions de l’article 10 de la loi précitée prévoient une pénalité de retard dont le montant ne peut excéder 5.000 DH par jour, à tout retard de diffusion d’information au public ou de transmission de document ou information à l’AMMC.
- Les sanctions pécuniaires prononcées sont souvent jugées dérisoires notamment par rapport à la taille des opérateurs qui ont en font l'objet; surtout que les manquement de ceux-ci menacent dans certains cas la sécurité de l'épargne des investisseurs et/ou trahissent leur confiance. Que répondez-vous à cela?
-L’impact d’une sanction doit être appréhendé de manière plus globale et ne pas se limiter au seul montant de la sanction pécuniaire et ce, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, quelle que soit la décision de sanction, cette dernière est rendue publique et peut donc avoir un impact sur la notoriété de l’intervenant. Ensuite, la sanction pécuniaire peut être accompagnée d’une sanction disciplinaire qui peut s’avérer dissuasive puisqu’elle peut aller dans certains cas jusqu’au retrait total ou partiel de l’agrément.
Enfin, une décision de sanction est le résultat d’un long processus comme je l'ai déjà décrit, et qui donne lieu in fine à un plan d’action et des actions correctives par l’intervenant pour qu’il exerce ses activités dans des conditions sécurisées, contribuant ainsi à mieux protéger l’épargne des investisseurs.
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