Bus à Casablanca: Comment Alsa gère la phase de transition

EXCLUSIF. Le nouveau délégataire, Alsa, a repris le transport par bus à Casablanca en catastrophe le 4 octobre dernier après la mise sous séquestre de Mdina Bus par les autorités. Alberto Perez, directeur général d'Alsa Maroc apporte des éclairages sur cette phase critique et ses ambitions futures.

Bus à Casablanca: Comment Alsa gère la phase de transition

Le 22 octobre 2019 à 17h31

Modifié 11 avril 2021 à 2h43

EXCLUSIF. Le nouveau délégataire, Alsa, a repris le transport par bus à Casablanca en catastrophe le 4 octobre dernier après la mise sous séquestre de Mdina Bus par les autorités. Alberto Perez, directeur général d'Alsa Maroc apporte des éclairages sur cette phase critique et ses ambitions futures.

"Alsa Al Baida". C'est le nom du nouveau délégataire du transport public par autobus dans la capitale économique. Filiale du groupe Alsa Maroc, cette entité a été créée pour répondre à l'appel d'offres lancé par les autorités pour désigner un nouvel opérateur en reprenant ce service public après la fin du contrat avec M'dina Bus. 

Sauf que l'heureux adjudicataire du marché pour une durée de 10 ans extensible de 5 ans, dont le contrat est toujours en cours de signature, a repris en main depuis le 4 octobre dernier ce service public stratégique suite à la mise sous séquestre de M'dina Bus. Un contrat spécifique a été signé pour l'occasion. Il prend fin le 31 octobre avec l'entrée en vigueur du nouveau contrat de gestion déléguée.

Quinze jours plus tard, comment s'en sort Alsa, par ailleurs présente dans d'autres villes marocaines, au niveau de la plus grande ville du Maroc?

"Nous avons repris le service dans une situation très critique, sans moyens et sans le temps pour nous préparer", nous confie Alberto Perez, directeur général d'Alsa Maroc rencontré au siège de M'dina Bus à Maârif pour sa première sortie médiatique sur le sujet.

"Nous avons repris le transport public par bus dans d’autres villes et chaque ville est différente et a une problématique différente. A Casablanca, nous avons trouvé des équipes qualifiées, une certaine organisation dans la société, mais nous avons également trouvé des véhicules en très mauvais état", ajoute-t-il.

Ce dernier explique qu'Alsa a réussi à maintenir une flotte de "240 bus qui circulent quotidiennement". "Il faut rappeler qu’il y a quelques années, il y avait un parc de 550 bus en service. C’est à dire que nous sommes actuellement en dessous de la moitié de la flotte initiale alors que les besoins en matière de transport ont fortement augmenté". 

"Il y avait un manque d’investissement. D’un côté, l’ancien délégataire n’a pas acheté le parc qu’il fallait, mais aussi vu les problèmes financiers de l’opérateur, les entretiens des véhicules n’ont pas été effectués depuis longtemps. Malgré un personnel qualifié, la société n’avait pas les moyens pour réussir sa mission à cause de l’état des véhicules", confie à Médias24 Alberto Perez.

400 bus d’occasion avant fin 2019

En effet, le parc de M’dina bus a subi au fil des ans une dégradation notable impactant la qualité du service.  

La pression sur Alsa est donc énorme. A quoi donc les Casablancais devront-ils s’attendre ? "Pour être sincère, notre objectif dans le court terme est de freiner la dégradation du service public et de le stabiliser tout en essayant d’accélérer l’entrée en service des nouveaux bus inclus dans le nouveau contrat", répond sans détour le patron d'Alsa. "Nous sommes en train d'étudier la possibilité d’importer des bus en admission temporaire. Nous avons déjà identifié quelque 400 bus qu’on pourrait recevoir au Maroc avant la fin de cette année. Cela nous permettra de sauver ces quelques mois qui nous séparent de la réception des 700 bus neufs", révèle-t-il.

Ces bus n’appartiennent pas à la flotte de Alsa. "Dans le réseau de Alsa, nous n’avons pas de flotte disponible dans l’immédiat. Quand on a des bus qui sortent d’un contrat on les vend, on ne les garde pas et on ne les accumule pas. Il a fallu, alors, aller sur le marché pour les chercher en location. Nous avons cherché partout parce qu’on est conscient de l'importance critique de cet élément. Nous avons trouvé des bus en Norvège, en Suède, en Espagne, en Italie, en Hollande, en Pologne… C’est une opération très compliquée, car vous trouvez 15 bus par là, 20 par ci", explique notre interlocuteur.

L’essentiel pour Alsa a été d’avoir une flotte en bon état de circulation pour pouvoir gérer la phase de transition.

Ces 400 bus seront financés par la ville pour un montant d'environ 120 MDH.

Ce sont des bus qui vont avoir entre 9 et 12 ans d’âge. Alors que les bus qui ont été amenés par la RATP sont des bus qui avaient 15 ans en 2004.  Ils en ont 30 ans aujourd’hui. D’autres véhicules ont été achetés vers 2006, ils ont 13 ans mais ils sont dans un état déplorable, à en croire notre interlocuteur qui avoue que s’il avait le choix il ne ferait circuler aucun des bus actuels. Ce dernier nous confie également que l’entreprise a pour objectif de retirer totalement l’ancienne flotte dés qu’elle aura suffisamment de véhicules pour la remplacer.

"L’âge des véhicules n’est pas la question. Nous avons à Marrakech des bus qui ont 20 ans et plus de 4 millions de Km au compteur et qui sortent chaque matin. Oui ils ne sont plus modernes, ni beaux mais ils sont opérationnels et en parfait état. Car tout l’enjeu est dans l’entretien", commente-t-il.

Quoi qu’il en soit, les 400 bus seront réceptionnés entre novembre et décembre 2019. "Le 1er novembre, commence le nouveau contrat avec une période de transition où on va faire de notre mieux pour garantir un service acceptable".

Une fois la période de transition terminée, ces 400 bus seront retirés du service. Le patron d’Alsa préfère la franchise. "Il ne faut pas s’attendre à une grande amélioration du service cette année, mais Alsa donne rendez-vous aux Casablancais en septembre 2020 avec l’entrée en service des premiers bus neufs et la fin de la période de transition".

La période de transition démarre le 1er novembre 2019. A cette date, le nouveau contrat entre en vigueur par le biais duquel Alsa Al Baida prendra possession des lieux et des différents équipements nécessaires à l’exploitation du service public dans le cadre des biens de retour. Les différentes infrastructures (locaux, entrepôts…) n’appartiennent pas à M’dina bus, ils appartiennent à la commune qui les a transférés à l’opérateur au début du contrat, mais à la fin de ce dernier, la commune récupère ses biens et les transfère à l’opérateur suivant…

Un inventaire des biens de reprise et de retour est en cours. "Il y aura des biens que nous refuserons, d’autres que nous reprendrons et qui seront inscrits dans l’inventaire du contrat qui sera révisé chaque année avec l’autorité", confie notre interlocuteur.

Dès le 1er novembre, Alsa pourra s’approprier ces biens et y imprimer sa marque.

A quoi s’attendre après septembre 2020?

Si Alsa insiste sur la date de septembre 2020, c’est qu'à partir de cette date elle commencera la réception des 700 nouveaux bus, co-financés par la commune, et dotés des dernières technologies en matière de confort et de sécurité. Après avoir passé la commande, il faut attendre minimum 8 mois avant d’espérer les premières livraisons.

En plus des bus neufs, quels sont les autres engagements de Alsa Al Baida ? "Acquisition de 350 bus neufs, réalisation des travaux dans les entrepôts et dans le siège, création de 5 agences commerciales, mise en place d’un système billettique intégré avec le tram, élaboration d’une application pour la vente des tickets,…", énumère la patron d’Alsa.

Et à la question de savoir si le contrat contient des garde-fous pour que chaque partie respecte ses engagements et éviter de répéter le même scénario qu’avec M’dina bus, Perez répond : "Nous n’avons jamais les moyens de nous protéger contre quelqu’un qui n’a pas la volonté de respecter ses engagements même avec les cautions et toutes les autres clauses contractuelles possibles… Je pense que le plus important des deux côtés c’est qu’il y ait de la confiance."

"Alsa ne discute pas ses engagements. C’est la sixième ville dans laquelle nous opérons au Maroc. Nous avons toujours dépassé nos engagements que ce soit en termes d’investissement ou d’autres. On ne présente notre offre que si nous sommes certains de pouvoir réaliser toutes nos promesses", rétorque-t-il.

Pour ce qui est de la rémunération, le nouveau contrat permettra à Alsa de générer plus de 1 milliard d'euros de chiffres d'affaires, soit près de 11 MMDH. Le modèle adopté est presque le même que celui appliqué au tramway. Alsa Al Baida sera rémunéré en fonction d'une marge précisée dans le contrat et se confinera à son rôle d'exploitant. 

La recette journalière ira, quant à elle, dans les caisse de Casa transport. Sommairement, Alsa calcule son coût d’exploitation auquel elle applique sa marge et facture par la suite à la SDL. Une fois les comptes faits entre la recette et les coûts du service, si le service est bénéficiaire Casa transport rémunère Alsa Al Baida et garde le reste des bénéfices. Sinon, elle devra compenser les pertes de ses caisses.

Cela dit, selon les prévisions réalisées, le service sera bénéficiaire mais certes pas au démarrage. Et ces bénéfices profiteront à la ville.

En plus, il y a un système d’intéressement (bonus/malus) pour encourager l’opérateur à avoir de plus en plus d’usagers. Alsa Al Baida a un engagement sur un nombre de voyageurs à atteindre. Si cet objectif est dépassé, il y a un système de partage des recettes pour la partie supplémentaire.

L’intégration bus-tram actée

A partir de septembre 2020, les Casablancais auront enfin droit à l’intermodalité entre le tramway et le bus. Pour rappel, c’est un système par le biais duquel l’usager paie un ticket pour un trajet pour lequel il empruntera à la fois le bus et le tramway.

Et vu que la recette sera gérée par Casa transport comme c’est le cas pour Casa tramway, le problème de la compensation qui s’est posé par le passé est réglé.

Dans cette configuration, la question de la fixation des prix revient exclusivement à l’autorité de la ville.

Il reste à savoir si à l’entrée en vigueur du nouveau contrat, les autres opérateurs de bus qui opèrent sur certaines lignes continueront à exercer. Pour rappel, M’dina bus reprochait à la ville son laxisme vis-à-vis d’eux.

"Je vous rappelle que même 700 bus pour Casablanca, c’est peu. Donc commencer à exiger que ces sociétés arrêtent leur activité ou pas… c’est un non-sujet pour nous. Et les taxis ? on va exiger qu’ils s’arrêtent aussi ? Je ne pense pas que cela soit le fond du problème…", répond Alfredo Perez.

En effet, les spécialistes avancent que Casablanca a besoin d’au moins 1.300 bus. Et ce n’est pas le DG d’Alsa qui dira le contraire.  "Je vous donne un exemple. Madrid, une ville avec plus ou moins la même population que Casablanca, dispose d’un réseau de métro des plus puissants du monde, une compagnie publique qui opère seulement au centre ville avec 1.700 bus, il y a toutes les lignes périphériques gérées par des sociétés privées qui comptent 1.000 bus, et le tram. Cela pour dire que même les 1.300 bus que vous évoquez ne sont pas suffisants. Mais il y a beaucoup de choses à faire avant d’augmenter le nombre de bus", explique-t-il.

"Il faut d’abord travailler sur la réhabilitation de l’image du transport par bus pour que les gens qui ont des voitures l’envisagent comme une alternative, donc un transport sécurisé, propre, de qualité et garanti en terme de temps de voyage. On en est loin… Il faut regagner la confiance des gens. Ce n’est qu’à partir de là qu’on peut parler de 1.300 bus et plus", ajoute-t-il en assurant qu’ils sont conscients de la nécessité d’investir dans d’autres véhicules à l’avenir.

Le vandalisme, l'affaire des autorités

Il y a aussi le sujet du vandalisme. "Le vandalisme, par contre, pose d’autres contraintes pas seulement en termes de coût. Quand une vitre est cassée, il faut immobiliser le bus et le réparer et cela impacte la qualité du service", explique le patron d’Alsa qui espère que ce genre d’actes sera éliminé.

"Le degré de vandalisme des bus renseigne sur la puissance de l’autorité locale. C’est devenu un indicateur. A Rabat, l’autorité a été très ferme dès le début au point que des personnes ont été mises en prison pour actes de vandalisme. Depuis le 21 aout, date de notre démarrage à Rabat, on a eu 2 vitres cassées, dans d’autres villes nous en avons 50 par semaine avec beaucoup moins de bus", explique-t-il.

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