L'incubateur Impact Lab s'internationalise et livre sa vision de l'écosystème des startups

L’incubateur marocain de startups Impact Lab s’internationalise, avec l’ouverture de sa première filiale en Tunisie, jalon inaugural d’une stratégie 2019 qui vise à créer des relais de croissance au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Comment se déploiera cette stratégie et quels sont ses objectifs ? Quel est le modèle économique de cet incubateur et comment sont financées les startups ? Pourquoi les startups marocaines peinent-elles à décoller ? Les explications des fondateurs d’Impact Lab.

L'incubateur Impact Lab s'internationalise et livre sa vision de l'écosystème des startups

Le 31 janvier 2019 à 13h54

Modifié 31 janvier 2019 à 13h54

L’incubateur marocain de startups Impact Lab s’internationalise, avec l’ouverture de sa première filiale en Tunisie, jalon inaugural d’une stratégie 2019 qui vise à créer des relais de croissance au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Comment se déploiera cette stratégie et quels sont ses objectifs ? Quel est le modèle économique de cet incubateur et comment sont financées les startups ? Pourquoi les startups marocaines peinent-elles à décoller ? Les explications des fondateurs d’Impact Lab.

C’est une montée en puissance que compte effectuer Impact Lab en 2019. Après avoir accompagné une soixantaine de startups depuis sa création en 2014 – ainsi que des entreprises et établissements publics en matière d’innovation ouverte, cet incubateur 100% marocain franchit un nouveau palier en 2019 avec l’ouverture de sa première filiale en Tunisie.

« L’implantation en Tunisie est la première étape de notre expansion régionale, qui ouvre aussi d’intéressantes perspectives de croissance aux startups que nous accompagnons. C’est également une nécessité. Car plusieurs de nos partenaires sont des multinationales ou des bailleurs de fonds internationaux, qui développent des stratégies régionales à l’échelle Mena, Afrique de l’Ouest,… et non par pays, en raison de la modestie des marchés. Il devient donc nécessaire d’adopter la même approche afin d’être en mesure de continuer à les accompagner», explique Leyth Zniber, co-fondateur d’Impact Lab. Cette nouvelle filiale tunisienne bénéficie notamment de l’accompagnement financier de Triple Jump, un fonds souverain hollandais.

Pourquoi choisir la Tunisie pour cette première incursion en dehors des frontières marocaines ? « Il y existe une belle dynamique au sein des startups. Et il faut aussi saluer le fait que, malgré leurs difficultés politiques, le gouvernement tunisien a adopté un ambitieux Start-Up Act. Ce que nous n’avons pas encore été en mesure de faire au Maroc», répond Leyth Zniber.

Boot Camp à Bouznika le 14 février

Si la filiale tunisienne constitue la première implantation physique d’Impact Lab à l’étranger, l’incubateur marocain a été très actif en Afrique subsaharienne en 2018. Notamment via un programme d’innovation ouverte pour le compte de la BCP.

« Ce programme a permis d’identifier des enjeux business au sein de la banque, auxquels l’innovation peut répondre. C’est ainsi qu'un appel à candidatures a été lancé en 2018. 1200 candidatures ont été reçues, avec des startups originaires à 90% d’Afrique, mais aussi d’Inde et de Corée du Sud», précise Salma Kabbaj, co-fondatrice d’Impact Lab.

Dans quelques semaines, précisément le 14 février, une vingtaine de startups identifiées via ce processus se réuniront dans un boot camp de 3 jours à Bouznika, afin de sélectionner les six meilleures. Les lauréats pourront alors mettre en oeuvre leurs solutions innovantes pour la Banque Populaire, dans le cadre d’un partenariat qui permettra à ces startups de grandir au sein du réseau de la BCP.

« Ces startups seront accompagnées par Impact Lab durant une phase initiale de 3 mois, durée au cours de laquelle les solutions technologiques seront testées au sein de la banque. Si l’essai s’avère concluant, le partenariat entre la BCP et la start-up peut prendre des formes diverses, allant de la simple prestation de service à l’investissement dans le capital de la start-up », souligne Salma Kabbaj.

Les ambitions africaines d’Impact Lab se déclinent également sous la forme d’une tournée en Afrique subsaharienne, au cours du 2è semestre 2019, avec pour objectif la création d’un réseau panafricain d’incubateurs de startups au Kenya, Sénégal, Afrique du Sud, Rwanda,… « Nous souhaitons nouer des partenariats locaux, tester et adapter différents modèles, tout en capitalisant sur la présence de grandes entreprises marocaines en Afrique subsaharienne. Cela permettra également d’offrir des perspectives de croissance aux startups marocaines, car la taille du marché national ne peut lui assurer les niveaux de croissance attendus par les investisseurs. D’un autre côté, la création du réseau panafricain vise aussi à offrir aux startups africaines ces mêmes relais de croissance au Maroc» explique Salma Kabbaj.

Un business model qui se heurte à la taille du marché

Sur la soixantaine de startups accompagnées par Impact Lab depuis sa création en 2014 (une vingtaine chaque année), 70% sont toujours actives à ce jour. Avec un programme d’accompagnement complet, ces startups bénéficient également de subventions et de prêts d’honneur.

Disposant du label Innov’Invest, Impact Lab accorde à chaque start-up une subvention de 200.000 DH au-delà de la période test de 3 mois. Impact Lab peut aussi débloquer des prêts d’honneur à hauteur de 500.000 DH – provenant de la Caisse centrale de garantie (CCG). Quand la start-up démontre la viabilité de son business-model, elle est alors accompagnée pour la levée de capitaux auprès de fonds d’investissement, nationaux et étrangers. Sauf que « la levée de fonds n’est pas systématique, on pousse plutôt nos startups à générer de la croissance, du chiffre d’affaires… et réserver les levées de fonds pour des étapes clé de leur développement, comme une expansion à l'international. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, il est quasi-impossible de lever des fonds sur la base d’une simple idée, fusse-t-elle bonne. Cette période est révolue, même dans la Silicon Valley», souligne Leyth Zniber.

Ceci pour les startups. Mais quid du financement d’un incubateur, structures qui ont souvent des difficultés à atteindre leur équilibre financier y compris à l’étranger ? Selon les fondateurs d’Impact Lab, leur incubateur est l’un des rares à jouir d’une autonomie financière : « Nous sommes rémunérés par les entreprises et les établissements publics que nous accompagnons en matière d'innovation. Impact Lab prend également une participation de3 à 5% dans le capital de chaque start-up accompagnée. Sur ce dernier point, nous n’avons pas encore pu les monétiser, pour la simple raison que le marché marocain du venture capital ne permet pas pour l'instant une liquidité de nos participations».

Pour une spécialisation de l’innovation au Maroc

En dehors de la taille du marché, quelles sont les autres facteurs qui limitent la croissance des startups marocaines ? «Sur le plan fiscal, beaucoup de choses peuvent être faites. A titre de comparaison, les entreprises ayant le statut CFC bénéficient d’avantages fiscaux qui favorisent leur croissance et le recrutement de talents. Alors qu’une start-up paye ses impôts sans bénéficier de régime particulier. L’unique mesure fiscale instaurée par la LF 2018, quoique positive, a d’ailleurs eu un impact minime sur l’écosystème des startups », estime Leyth Zniber.

Son associée, Salma Kabbaj, milite plutôt pour une spécialisation de l’innovation au Maroc, compte tenu du retard accusé dans de nombreux domaines: «créer par exemple un hub d’innovation dans la fintech ne serait d’aucun apport pour le Maroc. En revanche, il existe de réelles niches d’innovation que le Maroc peut exploiter grâce à son expertise, y compris au niveau régional. L’agriculture offre de belles opportunités en ce sens, en matière d’agro-technologie, d’agriculture durable,… Le Maroc dispose de tous les atouts nécessaires à l'élaboration d'une stratégie nationale qui peut favoriser l’émergence de startups agricoles, et positionner le Maroc en tant que hub continental d’innovation en agriculture ».

Les fondateurs d’Impact Lab appellent notamment à l’ouverture des laboratoires de recherche aux startups, aussi bien ceux du public que du privé. « Le Maroc dispose de très bons laboratoires, notamment en agriculture au sein de l’INRA. Sauf que ces labos sont utilisés en dessous de leurs capacités. Alors que beaucoup d’entrepreneurs sont freinés par l’impossibilité de tester leurs idées ou de pousser leurs recherches. L’Etat n’aurait même pas à investir massivement puisque les infrastructures et l’équipement sont déjà disponibles. Il faut juste une réelle volonté et un cadre règlementaire et fiscal adéquat ».

D’autres secteurs présentent d’intéressantes perspectives de croissance pour les startups marocaines, y compris à l’international: l’éducation – incluant la formation continue des adultes, le smart tourisme, l’énergie,… Ce dernier secteur est très porteur pour le Maroc, spécialement dans son volet dédié à l’efficacité énergétique selon Leyth Zniber, qui regrette également « la déperdition de valeur au lendemain de la COP 22, qui a connu une formidable dynamique des startups. Sauf qu’encore une fois, le Maroc n’a pas su capitaliser sur cet élan… ».

Les erreurs à ne pas commettre…

L’écosystème des startups est également pénalisé par des contraintes endogènes, inhérentes à l’approche même adoptée par les entrepreneurs. Les fondateurs d’Impact Lab en listent principalement trois:

-Une idée seule ne vaut rien, c’est la capacité à l’exécuter qui fait toute la différence. « Malheureusement, on rencontre souvent des personnes qui trouvent normal de demander un financement, alors qu’ils n’ont même pas commencé à démontrer la viabilité économique de leur projet », souligne Leyth Zniber.

-La 2è erreur la plus fréquente consiste à développer son projet dans son coin, sans prendre en compte les besoins et la réalité du marché. Même si l’idée de base s’avère très bonne.

-Le 3è facteur limitant l’essor des startups marocaines est assez étonnant mais aussi fréquent, à en croire les dirigeants d’Impact Lab : « dès qu’une start-up commence à dégager de belles perspectives, c’est souvent la guerre ouverte entre les co-fondateurs, chacun dépréciant l’apport de l’autre partie… ».

Pour les entrepreneurs qui souhaitent monter leur start-up, Leyth Zniber préconise l’approche suivante: « allez sur le terrain pour constater la réalité du problème que vous essayez de résoudre, ainsi que la pertinence de la solution que vous proposez. Tant que ceci n’est pas fait, on n’est pas entrepreneur, juste un rêveur… ».

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