Légisatives. Pour comprendre la polémique sur le seuil

Au Maroc, les scrutins s’appuient sur un seuil minimal de représentation fixé à 6 %. En fonction de leur poids, les partis veulent l’augmenter, le baisser, voire le supprimer. Explications et desiderata de ce sujet qui alimentera les débats et les polémiques dans les prochaines semaines. 

Légisatives. Pour comprendre la polémique sur le seuil

Le 26 février 2016 à 17h33

Modifié 26 février 2016 à 17h33

Au Maroc, les scrutins s’appuient sur un seuil minimal de représentation fixé à 6 %. En fonction de leur poids, les partis veulent l’augmenter, le baisser, voire le supprimer. Explications et desiderata de ce sujet qui alimentera les débats et les polémiques dans les prochaines semaines. 

A la veille du scrutin législatif de 2011, la majorité parlementaire de l'époque avait adopté les lois organiques 27-11 et 59-11, relatives à l’organisation des élections législatives et celles des collectivités territoriales.

Instauré en 2011, le scrutin de liste proportionnel au plus fort répartit les sièges électoraux à pourvoir au prorata des voix obtenues par les listes partisanes jusqu’à leur entière attribution.

L’article 84 de la 1e et 24 pour la 2e ont instauré un seuil de représentation minimal de 6% dans les circonscriptions, afin d’éviter une balkanisation politique et la constitution d’un Parlement hétéroclite.

A quoi sert le seuil de représentation?

Joint par Médias 24, Tarik Zaïr, professeur de droit public, est revenu sur son utilité concrète et sur les motivations et les arguments des acteurs politiques pour le faire évoluer.

«Pour équilibrer le jeu politique, le précédent législateur a introduit ce seuil au niveau des circonscriptions. Il a cependant surtout encouragé la représentation des grands partis, alors qu’un seuil national aurait permis de favoriser les petites formations politiques. Dans les faits, ce seuil a permis d’éviter une Chambre basse envahie par des partis minuscules, dont l’avènement aurait empêché des tractations fluides pour la constitution d’une coalition gouvernementale».

Ce taux a été appliqué aux législatives de 2011 et aux élections locales et régionales de septembre 2015. A l’approche du scrutin d’octobre 2016, l’unanimité n’est plus de mise entre les partis de la majorité et de l’opposition, dont plusieurs souhaitent changer son niveau, voire le supprimer.

Lors des récentes consultations entre le chef du gouvernement et les partis sur les lois électorales (découpage, listes électorales, quotas femmes et jeunes), chacun d’entre eux a défendu ses intérêts.

Que veulent les partis?

Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS, nous a déclaré que son parti réclamait depuis plusieurs années un seuil de représentation à 3%.

«Fondamentalement, nous n’en avons pas besoin, car les scores de nos candidats dépassent largement les 6% lors des scrutins. C’est une question de principe pour défendre le pluralisme politique, nous estimons que les petits partis notamment de la gauche doivent être intégrés au Parlement».

Tout comme son collègue du gouvernement, Lahcen Haddad, en charge des précédentes élections du 4 septembre du Mouvement populaire, nous a affirmé que son parti penche pour un seuil de 3%.

«Pour le MP, un taux de 6% voire plus ou moins ne fait aucune différence, car les candidats doivent obtenir bien plus que 10% pour être en mesure de gagner. Notre préférence concerne l’introduction d’un seuil de 3% au niveau national et pas aux seules circonscriptions».

D’autres grands partis comme le PJD qui militait dans l’opposition pour un seuil de 8%, se déclare actuellement pour son maintien à 6%. L’Istiqlal s’est récemment prononcé pour que le niveau passe à 10%. Ces deux importants partis veulent éviter de voir apparaître une multitude de petits partis et surtout les priver d'une concurrence au sein de la Chambre des représentants.

Dans une interview accordée à notre rédaction, Habib El Malki, numéro 2 de l’USFP, déclarait que son parti réclamait dans un mémorandum la suppression du seuil de représentation.

L’USFP, qui avait voté pour son adoption en 2011 s’était rendu compte qu’il excluait les petits partis et ne participait pas au pluralisme politique ni à la démocratie représentative. Driss Lachgar s’est récemment ému du fait que ce seuil avait fait perdre pas moins de 10 sièges à son parti aux derniers scrutins.

Habib El Malki avait assuré que le PAM soutenait la position de l’USFP et qu’il était le seul autre parti marocain à militer pour la suppression totale de ce seuil de représentation.

En réponse au rapprochement PAM-USFP sur cette question, Mohammed Amajhour, député du PJD, nous a affirmé que «modifier le point du seuil de 6%, c’est ouvrir la porte à la balkanisation du champ politique». Selon lui, la volonté de ces 2 partis de supprimer ce seuil s’expliquerait par leur crainte de voir leur score s’effondrer au futur scrutin législatif.

Selon Tarik Zair, le relèvement du niveau du seuil de représentation dans les circonscriptions n’influencera pas beaucoup la représentativité et les résultats des élections.

«Du fait que la moyenne du nombre de sièges par circonscription est comprise entre 3 et 5, il faut pour gagner décrocher au moins 10%, voire 20% des bulletins de vote. Le relèvement de 6 à 10% réclamé par le parti de l’Istiqlal n’aurait donc pas de gros impact. Si on avait des circonscriptions avec une représentation plus large, par exemple 20 sièges à pourvoir, les choses seraient différentes.

«Le Maroc a fait le choix de la proportionnelle au plus fort reste pour sauver les candidats les plus forts qui restent. Le seuil de 6% a surtout une influence pour le parti arrivé premier en termes de voix. Le 1er d’une liste qui a décroché un siège verra son surplus de voix profiter au second de sa liste. Les grands partis veulent conserver ce système, qui leur profite électoralement, tout en permettant de limiter le jeu à 7 ou 8 formations politiques».

Les petits partis pensent que la suppression ou le rabaissement du seuil leur permettra de faire leur entrée au Parlement en octobre 2016. En réalité, cela compliquera la Constitution d'une coalition gouvernementale, surtout que le mode de scrutin empêche de connaître à l’avance les partenaires.

«Avec le scrutin de liste proportionnelle au plus fort reste à un seul tour, ce n’est qu’après la proclamation des résultats que les vraies alliances peuvent se constituer. C’est pourquoi certains réclament un scrutin uninominal à deux tours, qui dégage au 1er tour 2 ou 3 finalistes et qui permet au 2e tour de préparer de vraies alliances partisanes et pas circonstancielles.

«La question du seuil est purement politique, car chaque parti analyse la situation selon ses intérêts. C’est pourquoi la préparation des lois électorales est toujours sujette à divergences et dissidences.»

Illustration arithmétique du plus fort reste

Exemple d’une circonscription de 500.000 habitants, dont 200.000 ont voté pour les 4 listes qui doivent pourvoir 5 sièges.

La liste A a obtenu 100.000 voix, soit 50% des voix. La liste B, 60.000 voix, soit 30% des suffrages, la C 30.000 voix, soit 15% et la liste D 5%, soit 10.000 voix. La dernière liste est exclue, car elle n’a pas atteint  les 6% requis par le seuil.

Le quotient électoral qui permet de répartir les sièges est égal à l’addition des voix des listes qui ont atteint le seuil légal divisé par le nombre de sièges (ici, 5 ièges). (100.000 +60.000+ 30.000)/5= 38.000 voix par siège.

La liste A obtient dans une 1re étape deux sièges, avec son réservoir de 100.000 voix (2 x 38.000). La liste B, un siège avec ses 60.000 voix. La liste C n’aura pas encore de siège, avec ses 30.000, car il lui en faut 38.000 voix au premier tour.

Au cours de la 2e étape, les deux sièges restants à pourvoir seront attribués en fonction de la règle du plus fort reste de voix.

C’est la liste C (à qui il reste 30.000 voix) et la liste A (reste de 24.000 voix) qui décrocheront les 2 sièges, car c’est à eux qu’il reste le plus de voix. Dans le détail, le reste des trois listes est:

-Liste A: 100.000 – (2x38.000)= 24.000 voix

-Liste B : 60.000 – 38.000 = 22.000 voix

-N’ayant rien décroché au départ, il reste 30.000 voix à la liste C.

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