Après Corpus Christi en 1997 et 1998 et L’Apocalypse en 2008, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, accompagnés de 26 des plus grands spécialistes du Coran, se replongent dans la lecture des textes religieux.

Jérôme Prieur a partagé les enseignements qu’il tire de son travail avec L'Obs. "Il se trouve que dans le Coran, la figure de Jésus est importante", explique le co-réalisateur dans une vidéo du média français. "Jésus est le dernier prophète avant Mohammed. Il est né d’une vierge, comme dans le christianisme. Il est engendré par le souffle de Dieu. Jésus ne meurt pas ou meurt en apparence."

Sur la présence du Christ dans le Coran, il précise: "Quelques versets de la sourate 4 du Coran qui est très longue évoquent la crucifixion de Jésus (ndlr: Sourate 3 Verset 157 ‘Ils ne l’ont ni tué ni crucifié; mais ce n’était qu’un faux semblant’; Sourate 3 Verset 171 ‘Le Messie Jésus, fils de Marie n’est qu’un messager d’Allah’). En examinant tous ces termes, on a exploré un continent, celui de l’arrière-plan biblique, judaïque, judéo-chrétien du Coran."

L'islam, le christianisme et le judaïsme

"On a tendance à penser que l’Arabie est un désert au milieu de nulle part. Elle est certes un désert mais ce dernier est pris en tenaille entre la Syrie chrétienne, l’Ethiopie chrétienne et le Yémen qui dans les décennies avant Mohammed se trouvait entre le christianisme et le judaïsme."

"Donc, il y a tout un environnement qui est juif ou chrétien ou judéo-chrétien autour de Mohammed et dont on a les échos, les traces dans des allusions, des références. On retrouve des figures et des thèmes bibliques à l’intérieur même du Coran."

Le réalisateur contextualise.

Selon lui, les textes témoignent d’échanges entre les peuples: "Les marchandises circulent, avec les caravanes. Mais les idées circulent aussi, de même que les thèmes, les réflexions. On va déceler dans le Coran l’héritage de pratiques religieuses qui viennent du judaïsme, et de textes qui viennent des milieux propres au christianisme oriental ou propres au judaïsme ou au judéo-christianisme."

"Ces christianismes se sentent voire sont marginalisés parce qu’ils sont considérés comme hérétiques par la grande Eglise qui règne à Byzance ou à Rome. Mohammed cite Jésus comme s’il avait besoin de ce maillon intermédiaire pour asseoir son autorité."

Pourquoi l'Histoire se répète

Le documentaire, d'après le réalisateur, aide à mettre en perspective l’actualité, à travers les conflits religieux. "Bien qu’on s’intéresse à ce qui s’est passé il y a des centaines d’années, on est toujours rattrapé par l’actualité. C’est comme si celle-ci naît du monothéisme, des querelles religieuses, des conflits parfois très violents entre les religions. Comme si elle trouve son origine dans ces textes."

"Le Coran montre qu’il est très important de donner à comprendre au plus grand nombre que le Coran n’est pas un livre venu d’un tout autre monde. Le Coran participe, même s’il n’est pas réductible à cela, au mouvement intellectuel, théologique, spéculatif qui agite le monothéisme depuis très longtemps."

"On trouve dans le Coran un dialogue ou une dispute avec les juifs comme avec les chrétiens." C’est la même histoire du monothéisme. Histoire déchirée, histoire violente parfois, mais la même histoire qui se joue." 

"Et dès lors qu’on examine les textes avec l’avantage de pouvoir rencontrer quelques uns des meilleurs chercheurs au monde, dès lors qu’on lit les textes sans préjugés religieux pour ou contre le Coran, on sort du catéchisme laïc comme religieux. On se retrouve dans une force de vérité et une force de questionnement des textes qui sont importantes pour nous tous aujourd’hui. Il nous paraît essentiel de mettre de l’Histoire, de la raison, du temps dans des conflits qui se ressemblent perpétuellement." 

Nos lecteurs qui visionneront ces documentaires se feront leur propre opinion.