Halib Beladi, c’est le nouveau programme d’ampleur mené auprès de 10.000 petits producteurs pour restructurer le tissu productif aujourd’hui atomisé et faire émerger des hubs laitiers dans 3 régions du Maroc.

A travers une mise à niveau et une formation des éleveurs et des centres de collecte, ce programme doit permettre d’augmenter le rendement des cheptels, avec une possibilité de triplement de la production.

Continuité du plan pilote Qualilait financé par le fonds Danone pour l’Ecosystème, ce programme se donne également une dimension sociale et environnementale, en visant le renforcement et la pérennité des revenus des producteurs, et la meilleure maîtrise des impacts environnementaux liés à l’élevage et la collecte. 

Alors que la filière laitière pèse 8% dans le PIB, couvre la moitié de la consommation laitière et emploie 460.000 personnes, le tissu productif est aujourd’hui dominé par des petits éleveurs - moins de 5 vaches - dont le cheptel présente de faible rendement.

Or, les opérateurs du secteur sont en recherche de gains de production pour parvenir aux objectifs du Plan Maroc Vert.

Centrale Laitière, premier opérateur laitier depuis 70 ans avec 700 millions de litres produits par an, soit la moitié du lait industriel, mise aujourd’hui sur le potentiel productif de ses petits éleveurs, pour atteindre sa cible productive d’ici 2020. Une mise à niveau utile, mais aussi tardive.

Un programme sur 5 ans pour lespetits éleveurs et les centres de collecte

La mission que se donne ce programme est la sécurisation de la production des petits éleveurs et le renforcement de leurs capacités et de leurs revenus.

Pour ce faire, le programme vise l’autonomie des coopératives et l’adoption de meilleures pratiques d’élevage rentables et durables par les petits éleveurs. A travers la mise à niveau du tissu productif, et le passage d’une structure atomisée de petits éleveurs à une production durable centrée autour d’un hub laitier - le centre de collecte - le programme Halib Beladi se donne l’ambition de modifier en profondeur le modèle de collecte actuel.

L’objectif est de toucher 10.000 petits éleveurs - cheptel de 3 à 5 vaches sur une ferme de 0,5 hectare - et 77 centres de collectes, ce qui représente une production laitière de 86 millions de litres par an. Le programme ne dit pas quels éleveurs et coopératives seront éligibles.

Le programme, financé par la GIZ et le fonds français de l’environnement mondial, a un coût estimé de 7 M$. Il s’inscrit dans le cadre de la stratégie du Plan Maroc Vert qui accompagne la filière pour doubler sa production laitière d’ici 2020 et atteindre 4,4 milliards de litres, soit l’auto-suffisance en lait.

Le programme sera échelonné sur 5 ans autour de 3 régions: le Chaouia cette année, puis le Gharb et le Doukkala l’année suivante.

L’ambition est de partager ce modèle de collecte avec l’interprofession et de le dupliquer à l’échelle nationale.

Des cibles de production qualitatives et quantitatives

Halib Bladi s’inscrit dans une démarche à la fois qualitative et quantitative. L’aspect qualitatif de ce programme c’est la mise à niveau des éleveurs et le changement de business model de la collecte de lait. Le programme doit permettre aux éleveurs d’augmenter leur rendement par l’adoption de pratiques plus qualitatives mais aussi plus intensives, en passant notamment d’une alimentation rationnée du bétail au breuvage à volonté.  Le centre de collecte doit jouer un rôle actif en formant les éleveurs et en les suivant dans la conduite de leur élevage. Le programme vise à les responsabiliser sur l’exigence de qualité et d’hygiène.

Si le programme n’affiche pas de cibles de production chiffrées, Centrale Laitière prévoit tout de même d’augmenter sa production de 200 millions de litres par an entre 2015 et 2020.

Pour les producteurs, Centrale Laitière parle d’un potentiel de triplement des rendements. Plus raisonnablement, le programme pilote Qualilait donne un ordre d’idée des gains possibles pour les éleveurs.

En 8 mois, l’adoption de nouvelles pratiques leur a permis d’augmenter de 25% leur production et de 12% de leurs revenus. En effet, et c’est là où le bât blesse, les gains productifs se font aussi à coût de revient plus élevé.

Comment tripler les rendements des éleveurs?

Les rendements des génisses sont en effet aujourd’hui très bas - autour de 2.000 litres par génisse par an - et pourrait être multipliés par trois avec des pratiques d’élevage adéquates.

Le premier levier intervient au niveau des éleveurs, en les accompagnant par la formation, le financement d’équipements, de génisses et de fourrages, et l’adoption de meilleure conduite d’élevage.

Le deuxième levier d’intervention est au niveau des coopératives qui doivent devenir des hubs de compétences d’encadrement.

Le programme Halib Beladi ambitionne ainsi de mener plusieurs actions de formation, d’équipements et de mise à niveau technique des éleveurs et centre de collectes.

-Tous les éleveurs participant au programme bénéficieront d’un programme de formation sur 663 jours sur les thèmes de l’alimentation, la reproduction, la santé et la gestion des exploitations.

L’idée est que les pratiques d’élevage actuelles des petits éleveurs ne sont pas optimales. En adoptant par exemple le breuvage à volonté, et en passant à une alimentation plus riche, les éleveurs pourraient obtenir des gains de productivité subséquents.

-1.000 éleveurs bénéficieront d’un accompagnement de proximité et d’équipements.

-77 centres de collecte seront mis à niveau; avec la formation des adhérents de la collecte aux problématiques de qualité et d’hygiène et de conduite des élevages, la recherche d’efficience énergétique avec l’installation en panneau solaires, l’installation de micro-scan pour évaluer la qualité du lait, la mise en place de service d’insémination artificielle gratuit.

-13 techniciens seront recrutés pour entraîner les éleveurs et 10 techniciens pour les centres de collecte.

Plus concrètement, le programme Halib Bladi cible les coûts des éleveurs et des centres de collecte.

Le premier poste de coût des éleveurs réside dans le fourrage, lequel représente autour de 85% des coûts de revient. L’idée est d’abaisser ce taux à 60%.

Comment? D’abord en proposant des financements attractifs pour l’achat de fourrage de bonne qualité, avec des crédits à 0% et des prix de gros. Ensuite, en soutenant les producteurs d’une coopérative à produire leur propre fourrage, en finançant leurs semences. En produisant leur besoin alimentaire, les prix du fourrage peuvent ainsi être abaissés de 1,10 DH à 0,6 DH le kilo.

Un moyen de déjouer l’informel?

L’enjeu du secteur informel est posé au niveau de l’interprofession qui tente de lui faire barrage. Le programme Halib Bladi est conçu comme une réponse aux éleveurs tentés de se tourner vers l’informel.

Les collecteurs de l’informel offrent certes des prix au litre plus intéressants – au mieux 5 DH le litre, contre 4 DH par les agrégateurs officiels - mais sans exigence de qualité et sans garantie de continuité pour le producteur. En effet, en période de haute lactation, les prix du marché noir deviennent très volatiles et peuvent être inférieurs au coût de revient.

Pour le directeur des achats de lait à Centrale Laitière, Adil Benkirane, le programme d’accompagnement des éleveurs présente des incitations à sortir de l’informel. En s’orientation vers la qualité, il assure une garantie de pérennité de leur production.

Le programme de prix offert par les agrégateurs est en effet plus stable et incitatif. Les prix de haute et basse lactation sont fixes. De plus, Centrale Laitière propose 4 classes de prix en fonction de la qualité du lait. Enfin le programme Halib Bladi offre des opportunités de réduction des coûts de revient et permet aux éleveurs d’inscrire leur production dans la pérennité.

Le secteur de l’informel représente aujourd’hui à peu près le tiers de la production laitière.