Affaire CDG-CGI, encore une histoire de gouvernance!

Dans toutes les affaires judiciaires de dilapidation de deniers publics, il ressort clairement que le mode de gouvernance adopté par les institutions publiques facilite les abus et l’opacité des transactions. Aujourd’hui, c'est la CGI-CDG qui alimente la chronique…

Affaire CDG-CGI, encore une histoire de gouvernance!

Le 17 octobre 2014 à 10h55

Modifié 17 octobre 2014 à 10h55

Dans toutes les affaires judiciaires de dilapidation de deniers publics, il ressort clairement que le mode de gouvernance adopté par les institutions publiques facilite les abus et l’opacité des transactions. Aujourd’hui, c'est la CGI-CDG qui alimente la chronique…

La CGI et la CDG font la Une de l’actualité. Pourtant, la vraie question n’est pas de savoir si les 23 responsables auditionnés sont coupables ou pas ni de quoi. Ou ce que le juge d’instruction va conclure. La question de fond, celle qui a du sens, ne relève pas de fait divers ou de péripétie judiciaire mais de gouvernance.

Car si l'affaire est devant la Justice, ce n'est pas parce qu'un acquéreur mécontent ou floué a déposé un recours judiciaire. Ni parce que le ministère des Finances a effecué son travail d'inspection. C'est uniquement parce que des citoyens se sont plaints au Roi.

CGI et CDG sont au sommet d’une constellation de sociétés censées être des pépites. Un groupe qui est le plus puissant financièrement du pays. De par les enjeux, la géographie du capital, la nature des nominations, le choix des investissements, les sommes engagées, les choix stratégiques et leur importance dans le pays, de par tout cela, une question se pose, une seule: comment peut-on en arriver là?

Car voilà des citoyens marocains qui transmettent au Roi Mohammed VI des doléances concernant la livraison d’un programme immobilier (Badis) à Al Hoceima. Quatre enquêtes parallèles déclenchées puis le dossier atterrit en Justice. Les suspicions concernent des dilapidations de biens publics, voire à certains échelons des falsifications ou de l’usage de faux.

Comment un groupe censé être un exemple peut-il en arriver là dans ses procédures, ses audits, la qualité de ses produits, sa gouvernance? Bien entendu, la procédure actuelle en justice respecte la présomption d’innocence. Rien n’indique à ce stade qu’il y a eu autre chose que des dysfonctionnements. Mais les dysfonctionnements sont réels, indéniables et posent problème.

Une entreprise réputée “intouchable“

Depuis quelques années, notamment depuis l’audition de Anas Alami, DG de l’entreprise par les parlementaires de la commission des finances, en mars 2013, puis en mai 2014 devant la chambre des conseillers, la constitution d’une commission d’enquête était demandée par des élus.

«Nous n’avons pas pu la constituer en raison de l’absence d’une texte juridique régissant le sujet. La loi n’est publiée au Bulletin officiel que depuis un mois», nous explique à ce propos Abdellah Bouano, président du groupe parlementaire du PJD au sein de la Chambre des Représentants.

«Je vous avouerai que le dossier de la CDG a été soulevé au sein des groupes de la majorité. Mais comme le processus judiciaire a commencé, nous ajournons notre décision», ajoute-t-il. Et de confier également: «il est probable que nous consignerons ce dossier dans l’agenda annuel de la commission de contrôle des deniers publics».

Depuis plus de 50 ans, la CDG est considérée comme une entreprise «politique». La vieille dame a toujours été appelée à la rescousse quant le financement venait à manquer, notamment en accompagnement de politiques publiques dans lesquelles secteur privé est interpellé mais n’assure pas.

L’an passé, des informations non recoupées annonçaient que Driss Jettou, le patron de la cour des comptes et ses équipes se pencheraient sur les comptes de la CDG. Les conclusions seraient publiées dans le rapport de cette instance publié pour le compte de l’année 2013.

En 2009, le rapport de la cour des comptes avait déjà épinglé la CDG au sujet du projet Hay Ryad, à travers la société d’aménagement Ryad, la SAR. La société créée en 1983, a vu ses prérogatives s’élargir en 2003, avec sa désignation comme maître d’ouvrage de l’opération «Guiche Oudaya»,  la présidence du conseil d’administration revenant au Directeur général de la CDG.

Une série de dysfonctionnements est relevée par les enquêteurs de la cour des comptes. Les manquements ont trait au mode de fonctionnement du conseil d’administration. On peut lire dans le document que «Le conseil d'administration s'est limité, dans ses résolutions à «conseiller» le recours à la procédure d'appel d'offres pour la vente des terrains collectifs conformément à l'objet de la société. Dans la plupart des cas, cette résolution n'a pas été respectée par la Société d'Aménagement Ryad».

Ce n’est pas tout. Il est également reproché au conseil d’administration de ne pas avoir «veillé à la mise en place pour le cas des attributions des lots individuels, d'une commission et de critères d'attribution formalisés assurant la transparence et l'équité nécessaire à cette opération».

Autre manquement. «Le conseil d'administration a entériné dans son PV du 30 septembre 1987 la vente des terrains pour centres commerciaux à 500 DH/m2 indépendamment du calcul de la superficie du plancher. Aucune mise à jour de ce prix n'a été effectuée. La sous-valorisation des prix des lots appelés «commerciaux» a généré un manque à gagner qui se chiffre à 3.199.000 DH. A rappeler qu'un seul cas a fait l'objet de vente aux enchères publiques (Secteur 11, 1Ha17are17ca, terrain Asswak Essalam)».

Et les enquêteurs de conclure: «Les mesures coercitives dont dispose la société, les moyens dissuasifs pour contrer les attraits spéculatifs des ventes des lots collectifs ainsi que les précautions d'usage garantissant la gestion du projet n'ont pas fait l'objet de suivi rigoureux de la part du conseil d'administration. Le conseil d'administration qui est un organe de conception et de direction doit s'acquitter de ses pleins pouvoirs afin d'assurer la bonne marche de l'établissement». 

Si ces constats ont été effectués sous le mandat de Mustapha Bakkoury, rien ne prouve que ce mode de gouvernance ne se soit pas perpétué. D’autant plus, que ce dernier malgré les nombreuses convocations émanant des parlementaires pour l’auditionner, n’avait jamais daigné y répondre.

La CDG traîne d’ailleurs d’autres casseroles remontant à cette époque. Par exemple, la dépréciation des titres du Club Med qui a fait perdre 1 milliard de DH au groupe marocain. Perte identique également dans l’aventure des nanotechnologies avec l’investissement de Nemotek.

Alors, si aujourd’hui, c’est à travers la CGI que la CDG fait l’actualité juridique, «cela ne fait qu’attirer notre attention vers les autres filiales du groupe…», commente Abdellah Bouano dans une déclaration à Médias 24.

Rappelons que la galaxie CGD, filiales comprises, est scrutée depuis des années notamment par le groupe parlementaire du PJD. A maintes reprises, le mode de gouvernance de l’institution a fait l’objet d’interrogations, notamment par Abdellah Bouano, relayé ensuite par Mohamed Daidaa, président du groupe de la FDT au sein de la chambre des conseillers.

Dans l’une des ses déclarations à Médias24, Abdellah Bouano a indiqué : «nous considérons que la CDG est régie par d’autres influences que le centre de décision. Nous suivons l’institution depuis une dizaine d’années. A part les grands dossiers comme celui du Club Med, d’autres volets sont gérés d’une manière qui nous interpelle».

Il s’agit en substance des questions que les parlementaires avaient soumises à Anas Alami au cours de leurs deux rencontres citées ci dessus. Tout d’abord, il a été interrogé sur les suites données aux conclusions du rapport de la cour des comptes 2099 sur les recommandations émises au sujet de la SAR, de la RCAR et de la SCR.

Ensuite, le débat a porté sur le portefeuille des entreprises du groupe: quels en sont les critères de création?

La politique d’évaluation du risque notamment dans son volet prudentiel a également été évoquée, et dans son corollaire les méthodes adoptées pour la conservation des fonds propres. Au même titre, les parlementaires ont soulevé la question de la politique de rémunération des dépôts.

Par ailleurs, ont été mises sur le tapis les pertes enregistrées par l’institution en prenant pour illustration le Club Med, les stations Lixus, Mazagan ou encore celle de Saaidia. Il s’agissait de connaître les raisons ayant poussé la CDG à y investir. En matière de masse salariale, les critères de la grille des salaires et de leurs attributions ont aussi suscité l’intérêt des députés.

En somme, il s’agit de toutes les interrogations qui touchent à la gouvernance au sein des grandes institutions publiques. Du cas de la CNSS à celui de l’ONDA…


 

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