400 associations amazigh s'insurgent contre le PJD

Depuis une semaine, le mouvement amazigh est en effervescence. La cause? La tenue, samedi 26 avril à Rabat, du premier meeting public d’une nouvelle association amazighe créée dans le giron… du PJD.

400 associations amazigh s'insurgent contre le PJD

Le 4 mai 2014 à 7h56

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Depuis une semaine, le mouvement amazigh est en effervescence. La cause? La tenue, samedi 26 avril à Rabat, du premier meeting public d’une nouvelle association amazighe créée dans le giron… du PJD.

Mais pourquoi le mouvement amazigh serait-il intolérant? Est-il censé avoir un monopole sur la question amazigh? En fait, derrière cette querelle politique de façade, il y a un enjeu important: le choc de deux conceptions, l’affrontement entre deux projets de société.

Le mouvement amazigh se considère comme le dépositaire de l’histoire du “peuple originel“ et milite pour l’Etat de droit et la citoyenneté. La laïcité fait partie des valeurs qu’il défend. Il considère que tout le peuple marocain est amazigh.

Le PJD pour sa part, accuse ce mouvement de fomenter la division du Maroc; il estime qu’il y a une majorité silencieuse amazighe profondément attachée à l’islam et à l’arabité. Il met en avant l’unité du Maroc, comme si l’amazighité menaçait l’unité nationale.

L’affaire commence le 2 février dernier. Le site du Mouvement pour l’unicité et la réforme (Attawhid wal islah), met alors en ligne une petite info qui passe inaperçue. Il s’agit de la naissance d’une association destinée à “servir la cause amazigh“, appelée Ligue marocaine de l’amazighité [ou Ligue marocaine amazighe].

L’assemblée constitutive a eu lieu ce jour-là après une année de préparation et la participation “de représentants de toutes les composantes du tissu amazigh“. Un bureau est constitué et des statuts adoptés, ainsi qu’une plateforme, une sorte de charte.

Celle-ci se donne comme objectif de “rendre justice à l’amazighité, promouvoir la culture amazigh et cela avec une approche islamique et nationale, dans le cadre du référentiel islamique et dans la complémentarité avec les autres composantes de l’identité nationale“.

Lorsque l’on se rappelle que le MUR est le bras idéologique du PJD, les choses prennent une tournure politique évidente.

Samedi 26 avril, la Ligue tient son premier meeting public (voir l’affiche ci-dessus)… en présence de deux ministres PJD et pas n’importe lesquels : Abdallah Baha le tout puissant ministre d’Etat confident et alter ego de Abdelilah Benkirane et Lhabib Choubani, ministre de la société civile.

Les choses sont dites.

Mais les deux ministres vont enfoncer le clou.

Abdallah Baha qui est cité avec son titre de ministre d’Etat dans le communiqué final, accuse “certaines parties d’instrumentaliser la question amazigh pour diviser le peuple marocain et de présenter des données historiques et culturelles fausses“. Il rejette l’existence d’une quelconque “relation conflictuelle entre l’amazighité d’un côté, l’arabité et l’islam de l’autre“. Il accuse les mêmes parties, sans les nommer, mais tout le monde a compris, “de présenter les amazigh en tant que peuple originel, comme s’il s’agissait de Peaux-Rouges, et donc comme une minorité au sein du peuple marocain“. Lhabib Choubani parlera d’une majorité silencieuse qui n’est pas représentée par “ces parties“.

Les différents orateurs veulent promouvoir l’histoire amazigh, la culture, le patrimoine, les us et coutumes. Bref, une vision que l’on peut qualifier, au meilleur des cas, de muséographique ou de folklorique.

L'un des principaux arguments agités par le PJD est celui d'un extrémisme amazigh et laïc. C'est exactement l'argument utilisé en Orient par les islamistes et les crypto-islamistes contre tous ceux qui prônent la laïcité, la citoyenneté et la séparation entre la politique et la religion.

 

 

La première réaction viendra dès le lendemain par Ahmed Assid. Dans un entretien accordé au portail Menara, le dirigeant du mouvement amazigh répond en plusieurs points :

- cette Ligue n’est pas une structure civile indépendante, comme c’est le cas pour le mouvement amazigh. Il s’agit d’un organisme inféodé au parti de la Justice et du Développement (PJD).

- Dans sa confrontation avec les modernistes et les démocrates, le PJD se considère comme unique représentant de l'authenticité et accuse les autres d'être influencés par l'Occident.
Or, "l’idéologie du PJD n'est pas une idéologie marocaine authentique, elle prend son inspiration de courants idéologiques étrangers comme celui des frères Musulmans en Egypte et le wahhabisme saoudien".

-Le PJD veut encore une fois "s’approprier les acquis du mouvement amazigh".

- Le PJD considère que le discours amazigh, dans son approche fondamentale, représente un défi pour ce parti, en raison notamment de la nature laïque de ce discours.

 

Ce samedi 3 mai, c’est un long communiqué que le mouvement amazigh publie au nom de 400 associations.

Le texte rappelle, exemples à l’appui, la manière dont le PJD s’est toujours opposé aux revendications du mouvement amazigh, avant de les accepter une fois acquises: graphie tifinagh (qualifiée d'alphabet païen, voire de chinois), enseignement de l'amazigh, officialisation de la langue. Surtout, le PJD n’a rien fait pour l’officialisation de la langue amazigh.

Ahmed Assid a raison de défendre et de promouvoir la citoyenneté. Il a le droit de défendre la laïcité. Mais pourquoi dans la singularité amazigh? C'est cette frontière qui est parfois floue et qui donne des munitions à ses détracteurs.

Ci-dessous, le texte intégral du communiqué des associations amazighes.

 

Communiqué des coordinations et des associations amazighes contre les manœuvres du PJD*

Le mouvement amazighe suit depuis le début et avec une grande attention, les agissements politiques des partis de l’actuelle coalition gouvernementale avec à sa tête le Parti de justice et du développement, le PJD.

Ce parti qui s’est toujours opposé à la reconnaissance de l’amazighité du Maroc et à son officialisation, tente aujourd’hui après un premier échec, de gommer les différents acquis qui ont été réalisés grâce aux sacrifices des militants amazighes depuis des décennies. Il essaie  encore par ses agissements de faire passer son projet sociétal en contradiction avec l’Etat de droit et de la citoyenneté que défend le mouvement amazighe.

Le gouvernement qu’il préside n’a rien réalisé jusqu’à présent pour la langue et la culture amazighes durant son mandat, bloquant et ignorant tous les projets relatifs à la mise en œuvre et à la concrétisation du statut officiel de la langue amazighe.

Bien plus, le parti politique du PJD a réitéré son mépris contre nos revendications légitimes de la mise en œuvre de l’officialisation de la langue amazighe en bloquant la loi organique relative à la langue amazighe et en proposant un projet de loi  pour la protection de la langue arabe (sans consulter les autres partis du gouvernement).

La langue arabe étant une langue officielle du pays depuis l’indépendance et une langue internationale, alors que la langue amazighe en subissant tout un processus de marginalisation depuis des décennies est classée aujourd’hui parmi les langues en danger, il va de soi que cette situation urgente exige qu’elle soit parmi les priorités fondamentales du  gouvernement.

Parmi les dernières «innovations» du PJD, c’est qu’il essaie d’enfanter une société civile parallèle et propre à lui-même, en créant ses présumées «associations amazighes» nourries de ses propres militants du parti et dont l’objectif majeur est tout d’abord de modifier le discours amazighe démocratique et moderne pour le mettre au service des objectifs de l’islam politique importé et par la suite, de faire passer ses prétendues «associations amazighes» pour une partie de la société civile alors qu’elles ne sont que dessatellites du parti.

Après avoir étudié les différentes méthodes de désinformation adoptées par ce parti, et surtout les déclarations des deux ministres Abdellah Baha et Lahbib Choubani lors de l’annonce de la création de la soi-disant «ligue marocaine de Tamazight»,simple annexe de leur parti, où ils accusent sans fondement sans aucune référence, ni argument plausible,  les composantes du  mouvement amazighe d’«extrémistes amazighes», nous réaffirmons au peuple marocain ainsi qu’à l’opinion publique internationale ce qui suit :

- le mouvement amazighe est un mouvement civil indépendant des partis politiques et de l’Etat. Il porte et défend un discours moderniste démocratique visant l’instauration des fondements d’un Etat de droit et de consolidation de la démocratie par ses valeurs universelles et ses principes authentiques tels qu’ils sont hérités de nos ancêtres amazighes, eux qui ont toujours adopté – au niveau de leur organisation locale et leurs lois internes- des règles d’égalité, de rationalité et de solidarité. Le document du mouvement amazighe et ses références en sont les témoins et expriment clairement cette réalité.

- La déformation des positions du mouvement amazighe par des accusations irresponsables et infondées vise en réalité à mieux voiler le véritable extrémisme qui commence à miner la société marocaine par le biais des influences étrangères, et vise aussi à cacher l’échec du gouvernement actuel quant à la résolution des différents problèmes de la société marocaine et aux réponses à ses exigences.

- La gestion du dossier amazighe ne peut se faire que dans le cadre des acquis réalisés grâce au militantisme du mouvement amazighe et le soutien de ses alliés politiques et civils démocrates, et ce dans le cadre de la «réconciliation nationale» et la rupture avec la discrimination. Toute tentative de nous ramener en arrière en utilisant ces  soi-disant «associations amazighes», annexes du parti du PJD, avec leur orientation religieuse extrémiste, sera une atteinte à la stabilité et à la cohésion sociale et la responsabilité sera assumée par le parti islamique.

- L’actuel gouvernement présidé par le PJD n’a encore pris aucune initiative jusqu’à présent afin que la loi organique concernant la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe puisse voir le jour,  et dans le cadre du principe stipulé par la nouvelle constitution, de lier la responsabilité à la reddition des comptes, nous considérons ainsi que le gouvernement avec toutes ses composantes,  n’a pas tenu ses promesses exprimées dans la déclaration gouvernementale et qu’il doit assumer ses responsabilités.

Il est à signaler aussi que les formes de marginalisation et de discrimination ne concernent pas uniquement le côté relatif aux droits linguistiques et culturels amazighes, mais qu’elles s’étendent également à la marginalisation économique et sociale de régions entières dont la population souffre de pauvreté et d’exclusion totale. Ces mêmes régions sont victimes de pillages de leurs terres et de leurs ressources naturelles,  sans aucun respect de lois sauf celles héritées de la colonisation française.

- Le gouvernement et à sa tête le PJD est en train de falsifier toute une série de notions de la vie politique démocratique, à savoir le principe de «partenariat» et  l’approche participative.

Le  PJD à travers son ministre chargé de la relation avec le parlement et la société civile, tente de créer une pseudo société civile pour ses propres objectifs et ses intérêts partisans. Ce parti vise ainsi l’exclusion de la véritable société civile indépendante avec toutes ses principales composantes qui ont, depuis des décennies, contribué d’une manière effective et avec des grands sacrifices à la promotion d’un Maroc moderne.

C’est pour cela que nous invitons toutes les composantes de la société civile démocratique et moderne à être vigilantes et à se mobiliser pour freiner le plan de domination de ce parti. Nous mettons également en garde les responsables de ce gouvernement contre-tentative prévoyant de saboter l’ensemble des acquis accumulés par le mouvement amazighe indépendant et démocrate depuis de longues décennies.
 

*Selon ses initiateurs, ce communiqué a été signé par près de 300 associations amazigh et une centaine d'autres ont donné un accord oral pour le signer, soit un total de 400 signataires.

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