Pr Abdelwahed Idrissi: «La rareté du foncier n’est qu’un simulacre»

La problématique du foncier a toujours été un handicap au bon essor de la filière de la pierre. Point de vue d’Abdelwahed Elidrissi, professeur à l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme (INAU) et spécialiste de la question du foncier.  

Pr Abdelwahed Idrissi: «La rareté du foncier n’est qu’un simulacre»

Le 22 août 2013 à 13h07

Modifié 27 avril 2021 à 22h21

La problématique du foncier a toujours été un handicap au bon essor de la filière de la pierre. Point de vue d’Abdelwahed Elidrissi, professeur à l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme (INAU) et spécialiste de la question du foncier.  

Vous réfutez l'idée qui avance une certaine rareté du foncier. Quels sont vos arguments?

Abdelwahed Elidrissi : Il serait plus juste de parler de difficulté à mobiliser le foncier existant.

Dans l’absolu, la rareté du foncier n’est qu’un simulacre. C’est un jeu qui passe par le gel des terrains. L’objectif est de réduire l’offre et aviver la pression sur le foncier notamment urbain et périurbain, pour en faire un bien sacré. La multiplicité des intervenants : spéculateurs, lotisseurs, entrepreneurs, planificateurs, gestionnaires ne fait que renchérir davantage les prix.

Mais au-delà même de l’offre et de la demande, d’autres facteurs agissent sur les incertitudes qui marquent le foncier. Les enjeux politiques, la conjoncture économique, la situation et l’usage du sol, les équipements et la voirie… sont à citer en exemple.  

Dans ces conditions, comment l'Etat peut-il arriver à concilier entre les intérêts privés et une bonne politique foncière?

Il faut savoir que la gestion de la propriété foncière ne débouche guère sur un assentiment global, en dépit d’une démocratisation du processus de prise de décision.

A titre d’illustration, étendre ou rétrécir un périmètre d’aménagement d’une ville, prévoir une cimenterie ou un tout autre équipement structurant ne peuvent être l’expression d’une vision parfaitement partagée par tous les acteurs.

Pour l’Etat, toute action sur le foncier représente un instrument d’intervention, de gestion et de régulation. C’est un mode d’exercice de pouvoir, de domination et de contrôle social. Le pouvoir économique convoite, quant à lui, la propriété foncière, notamment urbaine, en tant que support de développement économique dans l’attente d’une rentabilité financière.

Les autres acteurs sont soit faibles soit absents. La société civile ne peut prétendre être érigée au rang de pouvoir social. Et les générations futures sont reléguées au dernier plan comme acteurs absents à toute délibération qui porte sur le sort du sol.

Autant dire que cela illustre l’hégémonie des intérêts privés et la domination du pouvoir économique flatté par le politique. Il revient alors à l’Etat de jouer le rôle de régulateur et d’estomper cette rupture d’équilibre.

De quelle manière ?

L’effort doit porter sur la capacité des pouvoirs publics à arbitrer entre le court terme et le long terme, entre d’une part les impératifs du développement économique et l’obligation de faire face aux risques sociaux, d’autre part.

Cette équation est difficile à résoudre, dans la mesure où elle associe des intervenants dont les intérêts sont conflictuels. Dans ce schéma, la règle de la solidarité des propriétaires fonciers dans la réalisation de la voirie, des équipements et des espaces verts est capitale.

Le code de l’urbanisme, aujourd’hui en gestation, réglera-t-il ces problèmes ?

L’ambition du projet de code de l’urbanisme semble immodérée puisqu’il adopte une large extension du concept de l’utilité publique. Il confère à l’Etat le droit de s’approprier le sol nécessaire à la concrétisation de projets d’envergure.

Il s’agit, certes, d’un outil juridique et technique qui pourrait aider à la mobilisation du sol ainsi qu’à la régulation du marché foncier. Toutefois, de telles mesures élargies pourraient constituer une source d’inquiétude en l’absence de garanties contre toute pratique administrative abusive.

Cela nous ramène à parler des dysfonctionnements inhérents à la gestion du foncier au Maroc. Où se situent-ils exactement?

On peut citer l’injustice foncière générée par les documents d’urbanisme et l’incapacité des pouvoirs publics à libérer des espaces réservés aux équipements publics par ces plans. Dans certains cas, on peut même mettre en évidence la concurrence déloyale entre le secteur public et le secteur privé.

En sus, il est clair que la parcellisation excessive, notamment dans les zones périurbaines et côtières et l’enclavement du rivage de la mer à cause de l’émiettement du parcellaire sont des problèmes qui ne cessent de s’amplifier.

On peut souligner, également, l’amenuisement de la surface agricole utile (SAU), surtout autour des villes accusant des dynamiques urbaines, sachant que 55% des exploitations agricoles totalisent moins de 5 ha au vu de la hausse des prix qui avive la vente desdites exploitations.

Ces dysfonctionnements ne sont pas exhaustifs. Nous pouvons évoquer d’autres problèmes liés à la chose foncière tels les statuts fonciers, la propriété en indivision, le morcellement…

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