Abdallah-Najib Refaïf

Journaliste culturel, chroniqueur et auteur.

Sans mobile apparent

Le 16 février 2024 à 11h51

Modifié 16 février 2024 à 11h51

Plus qu’un outil de communication, devenu indispensable, le téléphone portable est en passe de faire partie de nos organes vitaux. Pourquoi la perte, l’oubli ou l’endommagement du portable deviennent insupportables et plongent certains usagers dans le désarroi ? Chronique d’humeur sur quelques faits et méfaits autour de cet outil.

Il n’est pas rare de rencontrer dans la rue, des passants et des passantes, passant leur chemin en pestant, parlant et gesticulant tous seuls. C’est aussi le cas sur une terrasse de café, au marché, au milieu de la foule ou au coin d’une rue déserte.

Oreillettes enfoncées dans les oreilles, ils sourient, grimacent ou s’esclaffent sans prêter attention aux autres et sans la peur du ridicule. Mais, il faut le dire aussi, sans que les autres s’en étonnent ou s’en plaignent, puisque nombre d’entre eux en font de même. Absents aux autres, ils sont tous en compagnie ou en contact avec des interlocuteurs tout aussi absents.

Hier encore, c’est-à-dire avant l’invention et la propagation du téléphone mobile, on aurait enfermé la moitié de cette population dans un asile psychiatrique. On enfermait les gens pour moins que ça. Aujourd’hui, c’est l’individu quittant son domicile sans son portable qui passe pour un hurluberlu. Un être irresponsable. "Quoi ? Tu as oublié ton téléphone à la maison ? Et tu ne vas pas retourner le chercher ? Mais c’est de la folie, comment tu vas faire ?" Faire quoi ? Personne n’est capable de répondre exactement à cette dernière question tant les réponses divergent et divisent. Mais il est une autre question qui reste également sans réponse, du moins pour ceux qui sont nés avant l’avènement de ce "device" dont le fil invisible nous attache, comme dirait le philosophe, "au piquet de l’instant" Un piquet qui, à la fois, nous immobilise et nous mobilise devant un flux constant de notifications, messages et appels, le tout entretenant un sentiment d’angoisse et d’urgence. Et que dire lorsque le téléphone est perdu, volé ou endommagé ?

Lors d’un saut rapide en médina (pour changer un écran de téléphone égratigné) dans l’antre de ces réparateurs-sauveurs qui bidouillent ces engins avec la dextérité et la science d’un ingénieur informaticien ou d’un geek surdoué de Silicon Valley, il y a eu cette rencontre fortuite et fort instructive avec un couple au bord de la crise de nerfs. Une crise sans… mobile apparent ? Presque, mais pas tout à fait. En fait, leurs deux smartphones tombant en panne, l’homme comme son épouse, se sentaient perdus, dévastés. Plus que de l’anxiété, on décelait sur leur visage un sentiment de désarroi que le réparateur, calme et fort de son savoir-faire, n’a fait qu’accentuer lorsqu’il leur a fait savoir que la réparation allait prendre du temps. Combien de temps, s’inquiétèrent en chœur et la dame qui n’en pouvait plus et l’homme dont le visage se crispa ? Pas moins de deux heures ? Ouili ! Ouili ! Ce n’est pas possible, et comment on va faire en attendant ? Un peu comme se demandait le chanteur dans une vielle chanson du temps jadis : "Et maintenant, que vais-je faire, de tout ce temps qui me reste à vivre ?"

En effet, que faire lorsqu’on s’est laissé enfermer, pieds et poings liés dans cette forteresse technologique et que le portable est devenu un nouvel organe vital ou un second cerveau dont on ne peut se passer sans risquer l’amnésie et la perte de son humanité ? Autant de questions qui restent sans réponses, car ce nouveau cerveau n’est pas fait pour en donner, ou en imaginer, mais pour emmagasiner des données, celles-là mêmes qu’on lui a confiées, que sa propre "mémoire" a enregistrées et que les voilà en miettes entre les mains d’un réparateur intuitif, formé à la diable ou sur le tas, qui les sauvera, ou pas, dans deux heures, ou plus…

Il y a plus d’une semaine, alors que nous chroniquions sur une journée sans journal, une journée particulière est passé inaperçue : la Journée mondiale sans téléphone portable, le 6 février. Elle n’a pas été, cette fois-ci, décrétée notamment par l’ONU, comme toutes ces journées mondiales de sensibilisation qui dépassent, en nombre, les 365 jours que compte le calendrier de l’année, au point où l’on ne sait plus comment les caser. C’est donc un écrivain français peu connu, Phil Marso, qui a été, dès 2001, l’instigateur de la "journée sans portable". Peu suivie depuis, et pour cause, elle a été curieusement étendue jusqu’au 8 du même mois, mais sans plus de succès. Son promoteur, auteur d’un roman policier au titre amusant et provocateur, "Tueur de portable sans mobile apparent", précise que le but de cette initiative est justement de provoquer une réflexion, voire des débats sur cet outil de communication.

Combien d’utilisateurs de smartphones ont pu relever le défi, posé leur téléphone et participé à un débat, même à bas débit, sur la question ? Encore une question qui n’a pas de réponse parce que la réponse est dans la question et cette dernière dans le smartphone. Tout le monde donne sa langue au chat ? Et à propos de chat, pour info et plus si affinités, sa journée mondiale, lancée par le Fonds international pour la protection des animaux et la défense des droits des félins, c’est bien le 8 août.

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