Abdallah-Najib Refaïf

Journaliste culturel, chroniqueur et auteur.

L’info qu’il vous faut

Le 12 janvier 2024 à 13h15

Modifié 12 janvier 2024 à 13h15

Est-il vraiment important de nos jours de chercher à s’informer alors que les infos viennent à nous sans même qu’on le demande ? Autant de question auxquelles des experts essaient de donner des réponses plus ou moins convaincantes.

"On connait le monde sans pousser la porte/On voit le ciel sans regarder par la fenêtre/Plus on va loin, moins on apprend". Ces préceptes sont attribués à Lao Tseu, philosophe chinois du 6e siècle avant J.C, considéré comme le fondateur du taoïsme, un courant spirituel de la Chine ancienne. Pris comme ça, au premier degré, on pourrait comprendre qu’il n’est point besoin de sortir de chez soi pour savoir ce qui se passe dehors, dans la rue ou à travers le monde. Au contraire même, plus on s’éloigne de chez soi, moins on en sait sur les choses de l’extérieur.

Mais le problème aujourd’hui –ce qui ne fut pas le cas du temps de Lao Tseu fort heureusement pour lui—, c’est que ce sont les choses du monde qui viennent jusqu’à nous, dans notre demeure et entre nos quatre murs. Le monde devient alors, comme a dit quelqu’un à propos de l’universel : "ma chambre, moins les murs." En effet, il suffit d’ouvrir la radio pour écouter les infos, ou scroller sur son portable où défile un peu de tout et surtout le pire, pour sombrer dans une sorte de déprime informationnelle que l’on s’inflige sans répit. Qu’est-ce qui pousse alors les gens à se laisser ainsi submerger, comme si c’était une obligation absolue, par ce trop-plein d’infos, de notifications, de messages partagés par des connaissances, des amis qui vous "veulent du bien", d’alertes et autres actualités aussi anxiogènes que circulaires et redondantes ? Est-il vraiment important de nos jours de chercher à s’informer alors que les infos viennent à nous sans même qu’on le demande ? Autant de question auxquelles des experts essaient de donner des réponses plus ou moins convaincantes. Certains d’entre eux conseillent de réduire cette charge informationnelle, de la rationaliser et de cesser de chercher l’exhaustivité et prétendre savoir tout, sur tout ce qui se passe et en temps réel. Quelques techniques et pistes sont alors conseillées comme autant de remèdes contre ce qu’on appelle désormais la fatigue informationnelle. Voire.

Après cette introduction pesante et quelque peu alarmiste, il est bon de rappeler qu’il n’y a pas que les infos anxiogènes dans tout qui nous submerge chaque matin. Il en est de bien douces, ou en tout cas de moins nocives et parfois des plus inspirantes. L’auteur de ces lignes qui tente de s’informer avec parcimonie, sans pour autant sacrifier à la diète médiatique, en consomme parfois et non sans délectation. Ce sont souvent ce qu’on appelle les infos de proximité, celles que les journalistes confirmés snobent et que, jadis dans les rédactions, l’on confiait au petit stagiaire corvéable, au rédacteur débutant ou paresseux et, la plupart du temps, au lointain correspondant régional. Bref, c’est l’info que l’on méprise, que l’on maltraite et que l’on remise dans les pages appelées étrangement : "rubrique des chiens écrasés".

Ce matin-là, c’est d’un autre animal qu’il va s’agir. En effet, alors qu’il n’y en avait que pour la grève des enseignants, l’impact de la sècheresse sur l’économie nationale, l’affaire de l’"Escobar du Sahara", le massacre à Gaza, les attaques russes en Ukraine, le tremblement au japon et autres catastrophes humaines et naturelles, voilà qu’on peut lire cette simple info sur l’interdiction de nourrir les pigeons de la place Mohammed V à Casablanca. Cette décision prise par le Conseil de la ville a, nous informe-t-on, "soulevé un tollé général et fait réagir de nombreux internautes". En fait, des panneaux ont été installés autour de la célèbre l’esplanade annonçant l’interdiction de nourrir ces volatiles sans autre explication. Ceux qui contestent cette décision mettent en avant la valeur ajoutée au charme de la place et à son attractivité touristique. Les édiles de la ville, diront (s’ils veulent bien informer la population) que la présence en grand nombre de ces oiseaux et la quantité impressionnante de fiente acide qu’ils engendrent provoquent de grands dégâts sur les monuments et les toitures. L’info recueillie ce matin ne creuse pas le sujet. Pas le temps. Pas la peine. Pas besoin. Interdiction et c’est tout. Tollé sur la toile. L’info qu’il vous faut.

Pourtant, un sujet sur un gentille volatil aussi symbolique, chassé d’une place aussi historique, ne mérite-t-elle pas un traitement, disons, moins hystérique ? Non, il a été plutôt laconique. Pourtant, il y aurait tant et tant de choses à dire à propos des pigeons et de leur histoire qui remonte à la nuit des temps, puisque, selon les experts, l’ancêtre du pigeon, pigeon des roches, s’est développé il y a 25 millions d’années. De plus, c’est le pigeon, semble-t-il, qui est venu vers l’homme et non le contraire. C’est quand même bon à savoir, non ? De plus, précisent les historiens : "Après avoir découvert les capacités extraordinaires du pigeon, l’homme ne tarde pas à les rassembler dans des pigeonniers pour son usage personnelle." On devine d’ici l’usage qu’ils ont font : c’est soit le manger, soit le faire voyager, car le pigeon avait en effet servi d’abord de messager bien avant avant l’invention des PTT et, plus tard, des réseaux sociaux. Enfin, ce n'est pas la seule qualité de cet oiseau, ami de l’Homme, qui avait inspiré de nombreux petits poèmes tendres ou élégiaques et, son cousin la colombe, a été choisi comme symbole de la paix.

Le grand poète arabe du 11e siècle Ibn Hazm, n’a-t-il pas donné ce beau titre "Le collier de la colombe" ( Tawk al hamama) à l’un des plus grand et anciens traités philosophiques sur l’amour, s’appuyant sur des histoires vraies tout en analysant le quotidien de la société arabo-islamiques du temps de l’Andalousie heureuse ? Bien après, au 17e siècle, le fabuliste Jean de la Fontaine, a écrit cette belle et longue fable devenu célèbre : "Les deux pigeons", fable qu’on dit autobiographique et délivrant une morale sur l’altérité et ce qu’il faut chercher chez l’autre et non dans le voyage. "Deux Pigeons s’aimaient d’amour tendre/ l’un d’eux s’ennuyant au logis/ Fut assez fou pour entreprendre/Un voyage en lointain Pays."

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