Les trois possibilités du monde arabe

Le 28 avril 2014 à 12h12

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Au début du Printemps arabe en 2011, l’objectif premier devait être la promotion du pluralisme et de la démocratie. Ces causes avaient été négligées lors de la première prise de conscience du monde arabe, dans son combat contre le colonialisme du XXe siècle.

Mais après trois années de lutte, le processus ne fait que commencer. Le deuxième Printemps arabe va-t-il enfin atteindre ses objectifs ?

 

AMMAN –  La réponse dépend des trois modèles que les pays arabes sont susceptibles d'utiliser pour guider leur transition : un modèle inclusif à long terme qui vise le consensus ; une approche où le vainqueur rafle toute la mise, en excluant de larges pans de la population ; ou une approche qui ne recule dans rien, centrée sur la survie du régime. Ces modèles reflètent les grandes différences entre les circonstances actuelles des pays arabes et entre leurs perspectives d'avenir.

 

Tunisie, Maroc et Yemen, des exemples de réussite

Le meilleur exemple du modèle inclusif est celui de la Tunisie, où les anciens opposants ont formé un gouvernement de coalition, sans ingérence militaire. Bien sûr, ce processus n'a pas été facile. Mais après une lutte âpre, les Tunisiens ont reconnu que la coopération était la seule façon d'avancer.

En février, la Tunisie a adopté la constitution la plus progressiste de tout le monde arabe, qui établit l'égalité entre hommes et femmes, prévoit l'alternance pacifique du gouvernement et reconnaît le droit des citoyens à être sans conviction religieuse, ce qui représente une démarche sans précédent dans la région, soutenue à la fois par des islamistes et forces laïques. L'expérience de la Tunisie incarne l'attachement au pluralisme et à la démocratie, à l'origine du second Printemps arabe.

Heureusement la Tunisie n'est pas la seule à suivre cette voie. Le Yémen et le Maroc ont entrepris un processus politique relativement ouvert, grâce auquel le Yémen poursuit un dialogue national. Le Maroc forme de son côté un gouvernement de coalition.

Le réveil de l'Égypte, un rêve lointain

Mais ce modèle n'a pas réussi à prendre dans plusieurs autres pays. Cela est particulièrement vrai de l'Égypte, qui a poursuivi la deuxième approche de type exclusif face à tous les autres partis, où chacun croit détenir le monopole de la vérité et pouvoir ignorer ou réprimer ses opposants. Les islamistes d'Égypte, dirigés par les Frères musulmans, ont adopté cette philosophie pendant qu'ils étaient au pouvoir. Les forces laïques qui les ont renversés par le coup d'État militaire de juillet dernier sont en train d'adopter la même approche.

En bref, la politique égyptienne est devenue non jeu à somme nulle : et la somme de ce jeu a été vraiment nulle. Le pays reste en proie à des menaces de sécurité, au chaos économique et à l'instabilité politique : des problèmes d'une telle ampleur qu'aucun camp ne peut les résoudre à lui seul. Si les dirigeants des deux côtés ne commencent pas à collaborer, le réveil de l'Égypte restera un rêve lointain, où les citoyens ordinaires subiront les conséquences sociales et économiques.

Syrie : printemps arabe et guerre civile

Mais c'est la troisième approche, illustrée par la Syrie, qui est la plus destructrice. Le régime du président Bachar el-Assad ne reculera devant rien pour remporter une partie qui est devenue une question de survie pour le régime. Pendant ce temps, l'opposition reste fragmentée, ce qui laisse un vide sécuritaire que les groupes radicaux (constitués en grande partie de combattants étrangers) ont exploité. Le résultat a été une terrible guerre civile, qui a déjà donné lieu à au moins 150.000 morts et qui a contraint des millions de gens à fuir, sans qu'on puisse entrevoir une fin à ce conflit.

Les différences marquées entre ces trois modèles et leurs résultats sont éloquentes : l'inclusion est la seule voie vers la stabilité. Avec la bonne approche, tous les pays peuvent parvenir à bâtir un avenir meilleur.

Politique de pluralisme et d'intégration

Bien sûr, la voie empruntée par le deuxième Printemps arabe ne s'est pas entièrement définie par des frontières nationales. Des tabous de longue date ont été assouplis dans le monde arabe. Plus précisément, les deux forces qui ont longtemps dominé la scène politique (les laïcs, souvent militaires ou soutenus par des militaires et l'opposition religieuse) ont perdu leur statut inattaquable. Aujourd'hui, ils sont de plus en plus soumis à la critique qui caractérise les systèmes démocratiques. Dans de nombreux pays arabes, il est encore acceptable d'être libéral.

Mais alors que les systèmes sociaux rigides qui ont longtemps empêché tout progrès ont cessé de fonctionner dans de nombreux pays arabes au cours des trois dernières années, et que le libéralisme devient une vision du monde plus acceptable, les expériences de l'Égypte et de la Syrie démontrent que les objectifs du deuxième Printemps arabe ne sont pas universellement partagés. D'anciennes rivalités, des préoccupations idéologiques et des habitudes improductives continuent de bloquer les efforts pour trouver des solutions réelles aux problèmes socio-économiques.

Les sociétés arabes méritent mieux. La Tunisie a montré qu'elles peuvent y parvenir, à condition d'adopter une politique de pluralisme et d'intégration.

© Project Syndicate 1995–2014
 

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