Mahmoud Mohieldin

Vice-président principal de la BM en charge de l’Agenda 2030 pour le développement, des relations avec l'ONU

Dilip Ratha

Directeur de l’unité migration et transferts de fonds à la Banque Mondiale

Les obligations-diaspora

Le 31 juillet 2014 à 10h45

Modifié 31 juillet 2014 à 10h45

Les objectifs prévus à l’ordre du jour post-2015 du développement ne peuvent être atteints sans des programmes forts et des financements appropriés. L’assistance officielle au développement se monte à environ 130 MM de dollars par an.

Même si les investissements étrangers directs et les investissements de portfolio peuvent aider les économies pauvres, des ressources additionnelles doivent être trouvées pour le développement.

 

WASHINGTON, DC – L’une des ressources sous-exploitées est le financement en provenance de la diaspora – c’est-à-dire, les versements et l’épargne des nationaux qui travaillent à l’étranger et renvoyés à destination de la famille et des amis. Le défi est donc de canaliser efficacement ces revenus.   

Il y a plus de 230 millions de migrants internationaux dans le monde, ce qui représente plus que la population du cinquième pays le plus peuplé au monde, le Brésil. Leurs revenus, estimés à 2.600 milliards de dollars, dépassent le PIB de la Grande Bretagne, la sixième économie mondiale. Pour une grande part, ils sont taxés ou dépensés dans les pays d’accueil. Mais si l’on prend un taux d’épargne à 20% (proche du taux moyen dans les pays en développement), cela signifie une épargne totale annuelle de la diaspora de plus de 500 milliards de dollars.

En 2013, les migrants en provenance des pays en développement ont renvoyé chez eux près de 404 milliards de dollars (sans compter l’ensemble des montants non enregistrés arrivant par les canaux informels). L’Inde a reçu 70 milliards de dollars, plus que la valeur de ses exportations de services liés aux technologies de l’information. Les transferts vers l’Egypte ont dépassé les sommes perçues grâce au canal de Suez par le pays. Et les revenus des expatriés représentent plus d’un tiers du revenu national du Tadjikistan.

Ces flux sont généralement plus importants dans les petites économies pauvres et constituent souvent la principale bouée de sauvetage dans les pays fragiles ou affectés par des conflits. Les transferts sont aussi les premiers à arriver en périodes de difficultés économiques et à la suite de désastres naturels. Ils sont généralement plus réguliers que les flux de capitaux privés ; ils n’ont enregistré qu’une baisse de 5% lors de la récente crise financière globale, et ont rapidement retrouvé leurs niveaux d’avant la crise.

Lorsque cet argent retourne dans le pays d’origine de l’expatrié, il en est fait bon usage. Les transferts ont permis de diminuer la pauvreté au Bengladesh et au Népal. Les enfants des familles concernées connaissent un taux d’abandon des études plus faible au Salvador tandis qu’ils bénéficient d’un meilleur accès à des tuteurs privés au Sri Lanka. L’argent finance les soins de santé, la résidence, et les entreprises. Ceux qui empruntent par micro-financement peuvent même utiliser leurs reçus de transferts comme preuve de leur historique de

crédit.  

Réduire les charges imputées aux transferts importants

Cependant, en dépit de l’intérêt évident de ces transferts dans le soutien des objectifs de développement, il ne faut pas oublier que ce sont des fonds privés et qu’ils ne devraient pas être considérés comme un substitut à l’aide officielle. Plusieurs gouvernements ont tenté, sans succès, d’affecter ces transferts à des usages "productifs" spécifiques, surtout dans les pays caractérisés par un environnement défavorable aux investissements. De même, l’imposition des transferts peut frapper les pauvres de manière disproportionnée et faire basculer ces fonds vers des canaux clandestins. Inversement, créer un climat favorable aux investissements peut contribuer à augmenter la part des transferts dans les entreprises.

En effet, réduire les charges imputées aux transferts importants – qui sont actuellement globalement de l’ordre de 8% – s’est avéré efficace pour encourager les transferts et augmenter l’épargne des expatriés. Le G20 envisage de réduire ces coûts à 5% dans cinq ans ; un objectif plus agressif de 1% d’ici 2030 devrait – et doit – être établi.

Les technologies bancaires mobiles peuvent y contribuer. Tout comme une plus grande concurrence dans les marchés, ce qui a déjà permis de réduire les frais dans les principaux corridors de transferts comme ceux qui lient les EAU à l’Inde et aux Philippines, et les Etats-Unis à Mexico. Certaines banques et entreprises offrent maintenant des services de transferts sans frais pour attirer les clients. Les gouvernements pourraient aussi assouplir la réglementation concernant les transactions pour les petits transferts d’argent. Et les partenariats exclusifs entre les systèmes postaux nationaux et les sociétés de transferts devraient aussi être abolis.

Une autre manière de mieux utiliser l’épargne de la diaspora serait de créer de nouveaux "instruments financiers diaspora". Une valeur nominale réduite (disons par exemple de 1.000 dollars), avec un taux d’intérêt de 3 ou 4% pourrait être intéressant pour les travailleurs migrants dont le rendement des dépôts détenus par les banques de leur pays d’accueil est faible. Le taux d’intérêt d’une obligation-diaspora avec une échéance de cinq ans serait inférieur à celui d’une obligation souveraine vendue à des investisseurs institutionnels étrangers, dans la mesure où les investisseurs issus de la diaspora considèreraient que le niveau de risque dans leur pays d’origine serait moindre. Les obligations seraient aussi plus stables que les dépôts en devises étrangères des non-résidents dans les pays en développement, et l’enregistrement de ces obligations auprès des autorités appropriées dans la plupart des pays hôtes les rendrait raisonnablement sûres.

Mais les obligations-diaspora ne constitueront pas un instrument viable à moins d’être liées à des projets de développement dans les pays dont la confiance dans leur gouvernement est suffisante. Ces obligations devraient être disponibles à tous les investisseurs, et pas uniquement aux migrants épargnants, et devraient être largement distribuées, et non préservées dans les livres de quelques banques d’investissement. De cette façon, de larges sommes pourraient être mobilisées pour les projets de développement à un taux d’intérêt faible et stable, sans pour autant décourager les travailleurs migrants de continuer d’épargner.

Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats

© Project Syndicate 1995–2014


 

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