Enseignant-chercheur en Systems Thinking et directeur de l’Euromed Polytechnic School -Université Euromed de Fès
Le rôle de la culture organisationnelle dans l’accompagnement du changement
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Le 7 novembre 2023 à 17h03
Modifié 7 novembre 2023 à 17h03Les leaders peuvent faire évoluer la culture de leur organisation afin de mieux traduire la stratégie définie en comportement réel et renforcer les priorités de changement.
La culture est souvent décrite comme "la façon avec laquelle nous réalisons les choses", soit une sorte de reflet passif de normes et de comportements hérités. Il est ainsi subtil de considérer la culture comme le système nerveux d’une organisation.
En biologie, le système nerveux central est la voie par laquelle les pensées de notre cerveau sont traduites en actions par nos muscles visant à représenter la manière d’interagir avec le monde extérieur.
Dans les organisations, cela renvoie au fait de considérer la culture comme un mécanisme de transmission par lequel une entreprise communique sa stratégie envisagée aux premières lignes et reçoit des feedbacks pour estimer si la stratégie élaborée est à même d’atteindre les résultats escomptés.
Cette métaphore du système nerveux éclaire les facteurs qui sous-tendent deux des raisons les plus fréquemment invoquées pour expliquer l’échec d’une entreprise : "Nous avions une excellente stratégie, mais nous n’avons pas pu l’exécuter" (échec) ou encore "Nos dirigeants se sont entourés de personnes qui avaient peur de leur dire comment allait réellement l’entreprise" (manque de retours et d’informations importantes du terrain). Ces deux exemples illustrent l’incapacité de créer un mécanisme de transmission efficace de la pensée à l’action et vice-versa.
Une démarche stratégique ayant trait à la culture et à son rôle implique un effort actif pour créer l’environnement et l’infrastructure nécessaires afin de promouvoir le flux d’informations requis pour le déploiement de la stratégie et son exécution ; le développement et l’exécution d’une stratégie étant des éléments complémentaires d’une action délibérée.
Les outils employés peuvent inclure des réunions ouvertes donnant libre cours à de véritables débats, des visites de sites clients, des analyses post-mortem de transactions perdues, des enquêtes sur l’engagement des employés et de nombreux autres mécanismes qui facilitent la remontée d’informations précieuses sur ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. Ces modus operandi nourrissent une culture de conscience contextuelle et d’adaptabilité qui permet à l’entreprise de mieux performer dans son environnement actuel et de se préparer à muer, en vue d’un succès durable à venir.
En effet, il existe certains aspects de la culture qui sont universellement souhaitables et d’autres dont la valeur dépend davantage du contexte.
Quatre facteurs clés contribuent à une culture d’entreprise positive : respect, leadership, rémunération/avantages sociaux et sécurité de l’emploi.
Toutefois, lorsqu’un changement organisationnel est requis, il nécessite d’ajouter, aux facteurs sus-listés, d’autres dépendant du contexte.
L’importance de l’adaptation contextuelle doit traduire le besoin d’évolution, puis identifier les caractéristiques d’une culture efficace afin d’opérationnaliser la priorité de changement retenue.
- Identifier la priorité de changement de l’organisation
L’une des responsabilités les plus importantes - mais souvent négligées - des RH est d’analyser les aspects de la culture d’entreprise qui permettraient à l’organisation de bien performer dans son environnement actuel et ceux qui entraveraient sa capacité à le faire, avec la rapidité que nécessite le contexte.
L’étape faîtière de ce processus consiste à réfléchir au(x) type(s) de changement que l’entreprise, l’unité ou l’équipe devrait tenter de réaliser.
Pour cela, trois approches existent afin d’effectuer de tels changements :
- Type 1 - Renforcer l’impact des mesures adoptées : affiner et approfondir les actions impactantes au regard des stakeholders, visant à une différenciation pérenne par rapport à la concurrence.
- Type 2 - Réimaginer l’activité : actualiser les approches, les canaux et les outils utilisés pour poursuivre la stratégie actuelle.
- Type 3 - Repenser l’orientation : réinventer le modèle de l’entreprise pour offrir les niveaux de pertinence et de distinction nécessaires à une structure économiquement viable.
Sur la base de leur compréhension de la forme de changement souhaitée, les RH peuvent identifier les mécanismes permettant d’atteindre les résultats ciblés, les collaborateurs les mieux placés pour jouer le rôle d’agent de changement (personnel chargé d’inculquer de nouveaux éléments dans la culture organisationnelle) et ceux dont la tâche est de porter les nouvelles facettes culturelles, démontrant comment ces éléments peuvent être intégrés aux dimensions héritées de la culture existante.
Nous examinons, ci-dessous, chacun des types de changement identifiés en amont, ainsi que les outils et actions qui leur sont adaptés.
- Changement de type 1
Le principal défi lié au changement de type 1 consiste à déterminer comment combiner l’orientation entrepreneuriale, axée sur la croissance autour de la culture existante, avec le partage des connaissances et les processus reproductibles nécessaires pour soutenir l’expansion dans plusieurs nouveaux segments, tout en étant capable de gérer les différentes étapes de développement caractérisant chacune des catégories visées.
Deux principaux facteurs guidant ce changement passent par la révision des messages de l’upper manager lors des réunions générales de l’entreprise et par les ajustements des programmes d’incitation en faveur des dirigeants, managers et collaborateurs.
Dans les deux cas, l’accent mis sur la seule croissance doit être remplacé par une vision alliant croissance, efficacité et rentabilité gérables. L’upper manager assume le rôle de principal agent de changement en se focalisant sur des cas vécus qui célèbrent les coûts évités et l’ampleur de l’efficacité atteinte et pas seulement les revenus engrangés.
Parallèlement, des collaborateurs spécifiques doivent avoir été identifiés comme porteurs de la culture en devenir, du fait qu’ils aient déjà démontré des comportements de partage des connaissances, de mentorat et de délégation efficace que sont trois aspects clés de la nouvelle culture. Ces personnes doivent se voir confier des responsabilités accrues et des promotions en guise de signes visibles de reconnaissance pour souligner les comportements que l’entreprise valorise désormais.
Ces actions sont alors en mesure d’ouvrir la voie à des changements organisationnels auxquels la culture précédente aurait résisté en raison d’une bureaucratisation empiétant sur l’autonomie des actions individuelles. Simultanément, la centralisation de certains services tels que le marketing, le développement, les finances et le recrutement reste de mise et est perçue comme un moyen permettant aux entreprises de se développer plus rapidement.
- Changement de type 2
Réimaginer l’activité peut être une position appropriée lorsqu’il s’agit d’innover dans les approches et outils utilisés pour poursuivre la stratégie existante ou lorsqu’une entreprise est confrontée à divers segments, certains matures, d’autres en devenir et une troisième classe en croissance rapide ; les tensions culturelles devenant sérieuses, alors que chaque catégorie défend les mérites de son approche en matière de risque, d’innovation, de clients et de personnel.
Plusieurs initiatives organisationnelles doivent donc être développées pour épouser le changement. Parmi elles, l’on souligne l’élargissement des valeurs de l’entreprise pour célébrer des cas concluants faisant office de modèles à considérer et pour inclure des éléments tels que la rapidité et le degré d’innovation.
Des programmes de développement du leadership sont également à mettre en place pour former les managers aux compétences essentielles de chaque nouveau secteur d’activité et identifier les agents de changement susceptibles d’instiller les comportements souhaités, aux côtés de processus renouvelés en matière de planification des talents en vue d’identifier les rôles ayant le plus grand impact stratégique sur chaque activité majeure ou groupe d’activités, ainsi que les compétences requises pour remplir ces rôles.
Cela est de nature à permettre aux dirigeants de saisir quels candidats internes sont réellement qualifiés pour les postes visés et où ils devaient rechercher des talents externes pour remplir des rôles critiques et soutenir la nouvelle culture.
- Changement de type 3
Le changement de type 3 induit la mise en application d’une nouvelle stratégie nécessitant une redéfinition complète. Certaines normes comportementales comme l’aversion au risque, la quasi-concentration sur le court terme, la réticence à assumer des responsabilités supplémentaires, ce que l’on retrouve dans de nombreuses structures, doivent être réinitialisées. Cela passe en général par le recrutement d’une nouvelle équipe de direction prête à établir le type de culture requis pour soutenir la nouvelle stratégie et identifier les "traits tribaux", soit l’ensemble de valeurs et des compétences qui encourageraient de nouveaux comportements, notamment curieux, entreprenants et courageux, rivalisant avec passion et faisant preuve de leadership.
En somme, les catalyseurs culturels varient en fonction du type de changement qu’une organisation tente de réaliser.
Le tableau 1, ci-dessous, résume la manière avec laquelle le type de changement nécessaire éclaire un ensemble cohérent d’actions culturelles à entreprendre.
PERIMETRE DE L’IMPACT CULTUREL | RENFORCER L’IMPACT DES MESURES ADOPTEES | REIMAGINER L’ACTIVITE | REPENSER L’ORIENTATION |
Définition de l’objectif stratégique | Affiner et doubler les sources d’avantages existants | Adapter l’approche pour offrir une plus grande valeur | Identifier une nouvelle base pour un modèle économique viable |
Mode de communication | Réaffirmer les croyances existantes ; encourager la cohérence | Faire évoluer les croyances fondamentales ; encourager l'expérimentation | Revisiter les convictions fondamentales ; encourager de nouvelles façons de penser |
Mesures de performance et risque | Renforcer la position actuelle sur le marché ; minimiser les risques | Expérimenter autour du noyau de l’activité ; être sélectif en termes de tolérance au risque | Réinventer ; itérer rapidement ; avoir une tolérance au risque élevée |
Modifications de la structure organisationnelle | Affiner pour maximiser l’efficacité et minimiser les perturbations | Réaligner pour prendre en charge les nouveaux produits et les priorités des clients | Restructurer pour se concentrer sur les domaines où un avantage durable peut être obtenu |
Priorité à l’acquisition de talents | Approfondir l’expertise | Elargir l’expertise | Redéfinir l’expertise |
Apprentissage et développement | Se concentrer sur les compétences nécessaires pour converger vers l’excellence opérationnelle | Investir dans le leadership et les compétences techniques recherchées | Investir à l’échelle de l’entreprise dans le changement culturel |
Récompenses et reconnaissance | Encourager les initiatives/résultats en matière de croissance et d’efficacité | Encourager les initiatives en matière de refonte des activités majeures ou groupes d’activités | Encourager les initiatives disruptives/à forte rupture technologique |
Tableau 1 : Contextualisation des cultures organisationnelles
En conclusion, la culture organisationnelle demeure le moteur de toute stratégie et sous-stratégie, qu’elles soient à l’échelle de l’entreprise ou de ses divisions. Elle facilite ou inhibe la rapidité et la fiabilité avec lesquelles les informations circulent au sein d’une organisation, déterminant dans quelle mesure l’entreprise comprend et réagit promptement et efficacement à son environnement.
Les structures entrepreneuriales restent en ce sens le fruit d’efforts humains collaboratifs, nécessitant la mobilisation de compétences et de convictions partagées des individus qui les composent. La culture est, quant à elle, le système nerveux qui favorise la cohésion d’ensemble et structure le design de la stratégie et son exécution dans un tout rationnel.
Si certains aspects d’une culture saine peuvent être universels (respect des individus, leadership, sécurité de l’emploi, récompenses équitables pour le travail effectué), une gestion culturelle efficace est également contextuelle, impliquant l’introduction délibérée d’éléments qui permettent à l’entreprise d’évoluer de façon solide et durable au travers de l’une des trois approches dépeintes dans cet article.
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