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La tragédie des Balkans de la Syrie

Le 24 septembre 2013 à 9h30

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Les doctrines pacifistes peuvent envisager la question autrement, mais la combinaison de la diplomatie avec la menace de la force militaire est une tactique extrêmement efficace, comme nous venons de le voir en Syrie.  

BERLIN - C'est la crédibilité de la menace d'intervention militaire des États-Unis qui a apparemment poussé le président syrien Bachar el-Assad à conclure un accord négocié par ses alliés, par la Russie et moins directement par l'Iran. Assad semble maintenant préparé à abandonner ses armes chimiques s'il peut en contrepartie rester au pouvoir. Mais qu'adviendra-t-il de la crédibilité de l'Amérique et de celle de l'Occident si cet accord tombe en pièces ?

L'accord conclu par les États-Unis et la Russie a déclenché un soulagement partagé par la plupart des capitales occidentales, où des dirigeants politiques ne sont tout simplement pas disposés à une intervention militaire, même si le gouvernement syrien tue ses propres citoyens avec des gaz toxiques (sur ce point, l'accord équivaut à un aveu d'Assad). Après une décennie de guerre en Afghanistan et en Irak, l'Occident préférerait ne pas se déplacer : ni les États-Unis ni le Royaume-Uni, ni la plupart des autres membres de l'Otan, ne veulent s'empêtrer dans un autre conflit du Moyen-Orient qui ne peut pas être gagné.

Car il n'y a que de mauvaises options pour les États-Unis en Syrie. L'intervention militaire n'a aucun point final évident et risque seulement d'aggraver le chaos. Mais rester en dehors produira presque le même résultat et ébranlera grandement la crédibilité des  États-Unis dans une région marquée par la crise et aura de graves conséquences. En outre, le déploiement d'armes chimiques invite à l'escalade.

Beaucoup de gens en Occident voient la guerre civile en Syrie comme un prolongement de la violence sectaire en Irak. Mais la Syrie n'est pas l'Irak. Le président des États-Unis ne cherche pas un prétexte pour commencer une guerre. Les armes chimiques d'Assad ne sont pas un prétexte de façade. L'escalade de violence en Syrie souligne les risques qu'entraîne l'inaction.

Naturellement personne ne nie les dangers liés à une intervention militaire : l'expansion régionale du conflit, la mort de nombreux autres innocents et le renforcement des forces extrémistes parmi les rebelles, pour n'en citer que quelques-uns. Mais tout ceci s'est déjà produit et continuera à se produire, surtout sans intervention militaire américaine. La guerre civile va encore s'intensifier, parce qu'elle fait partie d'une plus large rivalité pour la suprématie entre l'Iran et ses alliés chiites, et l'Arabie Saoudite, la Turquie et les autres pays sunnites.

Si les États-Unis n'avaient pas répondu à l'utilisation d'armes chimiques par le régime d'Assad, le monde entier se serait demandé ce que vaut une garantie des États-Unis quand on peut franchir sans conséquences la «ligne rouge» d'un président américain. À Jérusalem, à Téhéran et dans d'autres capitales du Moyen-Orient, comme dans la péninsule coréenne et dans d'autres points névralgiques du monde, les conséquences seraient (et sont probablement déjà) terribles.

Dès le début du conflit syrien, il a manqué une stratégie aux États-Unis et à leurs alliés européens. Est-ce que leur but est de mettre fin à la guerre civile ou de provoquer un changement de régime ? Et qui ou quoi doit remplacer Assad ? Ou bien l'Occident aspire-t-il à un compromis avec la Russie et avec l'Iran qui laisserait le régime d'Assad en place ? Ce dernier objectif déplacerait l'axe politique des États-Unis vers le Moyen-Orient, avec des conséquences stratégiques de grande envergure, car un tel compromis pourrait seulement être atteint aux dépens des alliés sunnites des États-Unis.

Même si la Russie et l'Iran ont des ordres du jour distincts quant à leur soutien en faveur d'Assad, les intérêts des deux pays sont inextricablement liés à au maintien du régime, mais pas nécessairement à la survie politique d'Assad. Pour la Russie, le changement de régime de la Syrie (son dernier avant-poste militaire dans la région) serait une nouvelle défaite amère. Pour l'Iran, cela signifierait la perte de son plus important allié dans monde arabe et un isolement encore plus profond.

Ainsi contrairement à la temporisation de l'Occident, la stratégie des alliés d'Assad est bien définie : une victoire militaire pour le régime, soutenue par les approvisionnements suffisants en armes et dans le cas de l'Iran, des troupes libanaises d'occupation du Hezbollah sur le terrain.

Obama a commis une erreur fatidique quand, pour des raisons de politique nationale, il a décidé de demander au congrès des États-Unis d'accepter une frappe militaire punitive limitée. Une défaite face au Congrès, entièrement prévisible, aurait signifié un désastre de politique étrangère. Et bien que l'initiative diplomatique russe (fondée sur une proposition commune avec l'Iran) ait évité ce désastre, tout a un prix.

Ce prix n'est pas nécessairement un gain de prestige pour le Kremlin. Le risque véritable qu'implique l'accord des États-Unis avec la Russie est ailleurs.

Ce n'est pas la faiblesse ou l'abandon qui ont poussé Obama à miser de si forts enjeux. S'il réussit - si les armes chimiques en Syrie sont détruites, si une conférence de paix met fin à la guerre civile, si un gouvernement transitoire prend le pouvoir et que les États-Unis et l'Iran entament des négociations sur le programme nucléaire iranien et sur la stabilité régionale du Moyen-Orient - il méritera alors vraiment son prix de Nobel de la Paix.

Cependant si Obama échoue, la Syrie ne sera pas un nouvel Irak, mais plus probablement une répétition de la calamité bosniaque. Pendant des années, la guerre en Bosnie-Herzégovine s'est intensifiée, parallèlement à un «processus diplomatique» marqué par une série de promesses non tenues, qui ont abouti au massacre de milliers de civils à Srebrenica, censés bénéficier de la protection des Nations Unies. En fin de compte, l'intervention a été nécessaire de toute façon.

Les États-Unis et leurs alliés européens sont-ils préparés à un scénario dans lequel l'accord avec la Russie avorte et où les armes chimiques syriennes ne sont pas détruites sous un contrôle international?

Voilà la question morale et politique décisive de l'Occident. Si le moment arrive, il vaudra mieux qu'à cet instant l'Occident ait trouvé une réponse.

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