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Idées: Comment devient-on terroriste?

Le 18 août 2013 à 8h34

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Certains individus sont-ils prédisposés à intégrer une organisation terroriste ? La problématique posée par l'urgence de la lutte anti-terroriste et le rôle prépondérant des réseaux sociaux pousse à l'interrogation sur les raisons de la radicalisation, mais surtout sur le processus lui-même.  

Lutter contre le terrorisme est devenu l'une des priorités des systèmes de défense étatique. Outre les factions indépendantistes locales, ce sont aujourd'hui essentiellement les organisations terroristes islamistes qui menacent la sécurité de la plupart des pays.

Pour comprendre le phénomène de radicalisation, plusieurs études ont tenté de percer le secret de l'adhésion et du recrutement des terroristes. Scott Helstein, directeur des recherches pour le centre de lutte anti-terroriste de l'académie militaire américaine West Point, explique dans une étude parue en septembre 2012 les différentes étapes du processus de radicalisation des djihadistes.

Sensibilisation, intérêt, acceptation et mise en oeuvre

Selon Helstein, le futur terroriste doit d'abord prendre connaissance de l'idéologie radicale. L'exposition aux idées radicales a déjà été établie comme étape initiale de la radicalisation par le docteur John Horgan, directeur du centre international d'étude du terrorisme de l'université de Pennsylvanie. Il s'est notamment intéressé à la déradicalisation dans le conflit en Irlande du Nord  en déterminant une série de facteurs qui prédisposent un individu à commettre des actes terroristes (vulnérabilité émotionnelle, insatisfaction des activités courantes, sens de la victimisation, croyance en la moralité d'un engagement violent, croyance en de possibles récompenses et connections sociales à travers la violence faite à autrui). Mais surtout, Horgan adopte une approche processuelle du comportement radicaliste, reprise et développée par la suite par Helstein.

Ainsi, la deuxième étape de la radicalisation est celle où l'individu ayant pris connaissance de l'idéologie commence à développer un intérêt pour la doctrine. Helstein entend par intérêt une attirance beaucoup plus grande que la simple recherche de connaissances ou la curiosité intellectuelle, et lui donne une connotation normative qui touche au système de croyances individuelles. La troisième étape est celle où l'individu accepte les croyances et normes extrémistes. Là encore, il faut distinguer les radicaux violents des autres, car ceux-ci sont plus disposés à franchir la quatrième étape, celle du passage à l'acte de violence.

 


Comment Al-Qaïda recrute et entraîne par BFMTV

Al Qaida illustre le processus de radicalisation. Harold Hyman, journaliste et spécialiste des relations internationales, explique sur le plateau de BFM TV les méthodes d'enrôlement pratiquées par l'organisation islamiste. Le recrutement débute par une prise de contact avec des individus susceptibles de recevoir l'idéologie dans les quartiers pauvres et universités des pays musulmans (phases 1 et 2), qui seront formés par la suite au cours de stages d'entraînement au Pakistan ou en Afghanistan (phase 3 et 4).

 

 

Un schéma semblable est observé dans d'autres organisations terroristes. En 1995, cinq attaques au gas sarin sont perpétrées dans le métro de Tokyo par les membres de la secte japonaise Aum Shinrikyo, faisant 12 morts et plus de 5500 blessés. Le processus de radicalisation au sein de Aum Shinrikyo est caractéristique, et transparait via la propre évolution de la secte. Née en 1984 d'un atelier de yoga transformé par son gourou en une organisation bouddhiste (reconnue par le 14e Dalaï Lama), Aum Shinrikyo s'est très vite essaimée au Japon et en Russie, recrutant essentiellement parmi les cadres diplômés des universités. Son organisation calquée sur le système gouvernemental en place va très vite imposer le poa, un concept qui légitime le meurtre s'il empêche la victime de commettre un acte néfaste pour son karma.

 

Dans des formations plus localisées, le recrutement est facilité par un contexte géopolitique stratégique. Formé en 1970 par un professeur de philosophie, le Sentier Lumineux est né dans une petite université péruvienne d'Ayacucho, réouverte après cinquante ans d'inactivité et dont la plupart des étudiants ont adhéré aux idées marxistes-léninistes défendues par le camarade Gonzalo, professeur devenu leader. Impliqué dans la guerilla qui fit plus de 70 000 victimes dans les années 1980 au Pérou, le Sentier Lumineux comptait des milliers d'adeptes et de membres, tous issus de la région d'Ayacucho.

La proximité a toujours joué en faveur des organisations terroristes, qui n'hésitent pas à faire usage de l'isolement pour accélérer le processus de radicalisation. Dans son ouvrage “les nouveaux terroristes”, Mathieu Guidère décrit le passage de l'isolement à l'action. L'usage d'images violentes diffusées en continu et à huis clos avant le passage à l'acte a pour effet de dédiaboliser la violence.

Au sein de ces organisations, le lien social est un élément d'autant plus essentiel qu'il permet à la jeune recrue d'intégrer un système organisé, une fratrie qui partage ses convictions et ses valeurs ; il est également un vecteur de reconnaissance sociale pour les recruteurs. Plus généralement, les organisations terroristes privilégient la promiscuité sociale, bien qu'elles fassent désormais davantage usage des outils technologiques en ligne pour étendre leur champ d'influence.

Cyberjihad, ou la révolution virtuelle

Depuis quelques années, l'accessibilité de l'outil informatique a profité aux terroristes autant qu'aux internautes. Seul outil permettant une diffusion universelle du message idéologique, internet a révolutionné le rapport recruteur/recrue. Pour Scott Helstein de West Point, la “facebookisation” d'internet a eu pour conséquence de déformer le lien social au sein des groupes terroristes.

Mais il ne s'agit pas là d'une rupture du lien social, tout au contraire. Les vidéos invitant au djihad se multiplient sur la toile, et les sites dédiés  deviennent les façades de mouvances jusque-là limitées par la distance et les moyens de communication.

Lors d'une conférence RSA, Mikko Hypponen, expert finnois en sécurité informatique, explique que les organisations terroristes sont des internautes comme les autres, qui utilisent internet pour communiquer, recruter et faire la propagande de leur idéologie.

Ils disposent de leurs propres sites, leurs propres forums de discussion dont l'accès est ouvert à tous. Hypponen cite l'exemple des attentats de Mumbaï en 2008, perpétrés grâce à l'usage de Google Maps et de téléphones satellitaires. Le succès d'internet a même mené à la création de magazines qui dictent les modes de vie adaptés à l'idéologie. Le plus célèbre, Inspire, est rédigé en anglais et financé par Al Qaida. Il est destiné aux nouveaux convertis anglophones qui se trouveraient freinés par les barrières linguistiques.

Deux difficultés se posent avec l'usage répandu d'internet. D'une part, il devient de plus en plus difficile de surveiller les groupes terroristes, d'intercepter leurs communications, ou d'établir l'étendue de leurs réseaux. D'autre part, la banalisation des messages violents et la dématérialisation du rapport social contribue à augmenter le nombre de loups solitaires, ces terroristes d'autant plus dangereux que, s'ils sont adeptes d'une certaine idéologie, ils agissent généralement seuls.

Le cas des loups solitaires

L'histoire contemporaine est marquée par de nombreuses attaques terroristes perpétrées par des loups solitaires. En 1994, Baruch Goldstein, un médecin israélo-américain tue 29 palestiniens musulmans en prière et en blesse 125 autres, avant d'être rattrapé et lynché à mort (vidéo ci-dessus). Ce natif de Brooklyn, issu d'une famille juive orthodoxe était un sympathisant actif du sionisme religieux. Le massacre du tombeau des Patriarches est à l'image d'une escalade de la violence, mais cette-fois ci exécutée individuellement.

 

En 1999, David Copeland, jeune néo-nazi anglais affilié au National Socialist Movement commet une série d'attentants pendant trois semaines en utilisant des bombes à fragmentations, faisant trois morts et 129 blessés (vidéo ci-dessus). S'il admet durant ses interrogatoires défendre des idées néo-nazis, il a toujours nié avoir des complices, et affirme avoir agi seul.

En fait, quelles que soient les croyances et l'idéologie, le comportement des loups solitaires est toujours le même : un passage à l'acte d'une extrême violence et sans instructions. Même les causes les plus nobles peuvent être détournées par des loups solitaires. Le 6 mai 2002, Pim Fortuyn, homme politique néerlandais, est assassiné par Volkert Van Der Graaf, un écologiste radical et militant de la cause animale.

Plus récemment, les attentats perpétrés en Norvège par Anders Breivik ou à Toulouse par Mohamed Merah sont également à ranger parmi les cas de loups solitaires, puisque les deux hommes ont agi seuls, bien qu'influencés par des idéologies fortes (stade 3 de la radicalisation).

Si l'on analyse les loups solitaires du point de vue adopté par Helstein, alors il semble que leur comportement diffère au moment de leur passage de l'acceptation à la mise en oeuvre. L'exemple de Mohamed Merah est plus parlant : le jeune homme a effectué de nombreux voyages en Algérie et au Tadjikistan. Cependant, avant de prendre la route, Mohamed Merah avait été recalé au concours d'accès à la Légion Etrangère. Un évènement qui pour beaucoup a provoqué en lui un sentiment de rejet et l'a poussé à chercher d'autres moyens de combattre. Le djihad ici est perçu comme une solution de rechange. Faute de pouvoir porter les armes en France, il a choisi de porter celles qui défendent son idéologie. Or la question est de savoir si le djihad n'attire que des personnes ayant au préalable une sensibilité à la violence. C'est le cas de beaucoup de loups solitaires, et beaucoup de djihadistes enrôlés dans des organisations, bien que celles-ci maîtrisent l'art de faire de la violence un acte salutaire.

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