Geert Wilders n’est pas Donald Trump

Le 13 mars 2017 à 16h10

Modifié 10 avril 2021 à 4h50

Le Parti pour la Liberté, le parti islamophobe fondé par le lance-flammes Geert Wilders, qui aime à se comparer au président américain Donald Trump, sortira très probablement vainqueur des législatives prévues le 15 mars prochain aux Pays-Bas. Cependant, il se heurtera au refus des autres partis politiques néerlandais de former avec lui la prochaine coalition gouvernementale. 

Le résultat de ces législatives ne sera pas sans influencer symboliquement les prochaines élections prévues France et en Allemagne. Wilders donnera le ton pour renforcer le triomphe populiste de Nigel Farage et Donald Trump. Si nombreux sont ceux à s’étonner de cette évolution, d’autres évidemment s’y attendaient.

Cette évolution était prévisible. Ces deux dernières décennies, nous avons en effet été témoins d’un accroissement considérable des violentes critiques à l‘égard des musulmans et des migrants, accusés de tous les maux: criminalité, instabilité économique (même si un grand nombre d’entre eux sont arrivés aux Pays-Bas dans les années 60).

Je dois reconnaître que mon intérêt pour la question est loin d’être dû au hasard et que j’en fais même partie: je suis arrivé dans les années 80 aux Pays-Bas en provenance du Maroc. 

C’est comme si vous étiez un soupirant qui fait tout pour plaire à une femme mais dont les pieds laids ne peuvent la charmer. Il peut certes couvrir ses pieds, faire comme s’ils n’existaient pas, mais ses pieds font quand même partie intégrante de sa personne. Ses "pieds" dérangeants, son patrymone musulman, ne sont pas quelque chose dont il peut se débarrasser à l’aide d’une intervention chirurgicale ou qui peut être adapté, mais cela ne signifie pas non plus qu’il n’est pas, et avec lui, d’autres, loyal et fidèle aux Pays-Bas.

À l’époque où nous étions, Wilders et moi, membres du Parlement de La Haye, je n’ai jamais pensé un seul instant qu’il pouvait être à même de s’en prendre à un groupe de la population en raison de sa religion. Il voulait même se rendre en vacances au Maroc, m’avait-il confié à l’époque. 

C’est là que le bât blesse: la campagne de Wilders met tout le monde dans le même sac et salit quiconque est porteur d’une “odeur d’islam”. Regardez mon nom: Oussama Cherribi, un nom clairement islamique! Regardez la couleur de ma peau, de mes yeux, les photos de ma mère et de mes amis! Je me suis à maintes reprises prononcé contre l’islam radical, contre les imans radicaux, et j’ai plaidé en faveur d’un islam néerlandais, comme le montrent mes antécédents au Parlement de La Haye. 

Geert Wilders est-il la bonne réponse aux défis qui se jouent aux Pays-Bas, notamment le déficit démocratique de l’UE, ou bien le “problème des musulmans et des Marocains”?

Les Pays-Bas sont l’un des six fondateurs de la Communauté européenne et ont été à l’origine de la zone euro (le Néerlandais Wim Duisenberg fut le premier président de la Banque centrale européenne). Les Pays-Bas ont réussi à faire passer l’axe Berlin-Paris par le Traité de Maastricht.

Quand un petit pays peut être grand

L’UE constitue une réussite pour les Pays-Bas. L’aura des Pays-Bas est grande en Europe et dans le monde, mais ce softpower est en train d’éroder à cause de Wilders.

Les Néerlandais sont voyageurs et un grand nombre d’entre eux possèdent une résidence secondaire dans un pays européen. Les Néerlandais n’aiment pas quitter l’UE.  Il n’y a donc qu’une issue: améliorer l’UE, mais certainement pas la supprimer.
L’Amérique de Trump ne peut pas être le modèle de civilisation pour nos enfants.

Oussama Cherribi est professeur de sociologie à l'Université d’Emory à Atlanta, en Géorgie (Etats-Unis), a été membre du Parlement aux Pays-Bas. Il a écrit: "Fridays of Rage, the House of War: Al Jazeera, The Arab Spring and Political Islam"  Oxford University Press,2017 et "In the House of War: Dutch Islam Observed"  Oxford University Press, 2013.

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