Othmane Benmoussa

Enseignant-chercheur en Systems Thinking et directeur de l’Euromed Polytechnic School -Université Euromed de Fès

De l’accompagnement des robots collaboratifs dans la gestion de la performance en entreprise

Le 2 août 2023 à 15h25

Modifié 2 août 2023 à 15h25

Les performances individuelles au sein des organisations peuvent être appréciées avec davantage de précision lorsque des robots travaillent de concert avec les collaborateurs.

La révolution robotique bat son plein !

La dernière décennie a connu une croissance spectaculaire de l’adoption des robots dans un nombre croissant d’industries et cette tendance ne montre aucun signe de fléchissement. Dans une récente enquête de McKinsey auprès d’entreprises à l’échelle mondiale, 88% des personnes interrogées ont déclaré qu’elles prévoient d’investir dans la robotique pour leur entreprise. Différentes recherches ont, quant à elles, révélé une transformation tout aussi importante, sinon plus : l’adoption de bots améliore la capacité des entreprises à reconnaître et récompenser les bonnes performances des employés.

Au sein de chaque organisation, les dirigeants sont confrontés à une question fondamentale : comment tirer le meilleur parti de ses employés ?

L’une des méthodes les plus courantes consiste à offrir des récompenses monétaires − généralement des bonus périodiques − liées à la performance. Cette pratique est basée sur l’idée qu’une meilleure performance devrait être plus fortement récompensée. Toutefois, cette approche est rarement simple à mettre en œuvre car elle nécessite que ladite performance soit suffisamment bien mesurée pour être évaluée efficacement. Ceci est difficile à accomplir pour la plupart des rôles et encore plus pour les employés à un niveau individuel en raison de diverses interactions de nature systémique.

En effet, étant donné qu’une grande partie du travail est effectuée en équipe et que les gestionnaires ne peuvent pas surveiller l’activité spécifique de chaque employé ou mesurer avec précision les performances individuelles, de nombreuses organisations choisissent de verser des primes basées sur les performances de l’équipe ou de l’entreprise plutôt que sur les prouesses de chacun afin d’essayer d’éviter des pratiques d’opportunisme et de tire-au-flanc classiques telles que mises en évidence par Williamson au travers de ses recherches en matière d’asymétrie d’information et de coûts de transaction (A.A. Alchian and H. Demsetz, “Production, Information Costs, and Economic Organization,” The American Economic Review 62, 5 (December 1972) : 777-795; and O.E. Williamson, “Comparative Economic Organization : The Analysis of Discrete Structural Alternatives,” Administrative Science Quarterly 36, 2 (June 1991) : 269-296).

  1. Mesurer la performance humaine quand les collègues sont des robots

Quel est le lien entre les robots et le management de la performance ?

Divers travaux de recherche empirique ont relevé que les entreprises adoptant des robots dans le cadre de leurs activités quotidiennes améliorent indéniablement leur capacité à mesurer la performance humaine (J. Dixon, B. Hong, and L. Wu, “The Robot Revolution : Managerial and Employment Consequences for Firms,” Management Science 67, 9 (September 2021) : 5586-5605).

Pour illustrer ce résultat, prenons l’exemple d’une équipe de deux employés. Le manager peut voir et évaluer la productivité combinée des deux personnes en tant qu’équipe, mais pas réellement ce que chacun d’entre eux a fait individuellement à un moment donné.

En théorie, tous les deux sont censés contribuer de manière égale, mais, en pratique, l’une des deux personnes réalise beaucoup plus de travail et ceci n’est guère identifiable par le responsable, par ailleurs généralement très occupé.

Faisons maintenant l’hypothèse que l’un des deux employés est remplacé par un androïde. En tant que machine, le robot est beaucoup plus précis et cohérent dans l’exécution de ses tâches de travail et peut même fournir des données sur ses performances pendant son fonctionnement.

En raison de ces deux qualités, cohérence et transparence, toute perturbation ou pic de productivité peut être identifié beaucoup plus clairement comme provenant du robot ou de l’humain. Si, en sus, il y a d’autres personnes dans l’organisation qui travaillent avec le même type de robot, d’une manière similaire, il devient alors beaucoup plus facile de comparer les productivités individuelles et de les récompenser à leur juste valeur.

En d’autres termes, parce que les robots sont, de par leur nature, beaucoup plus cohérents et transparents que les humains, l’activité individuelle de chaque collaborateur devient plus facile à observer si des robots rejoignent l’équipe. En ce sens, plus il y a de robots par rapport aux humains, plus il est aisé de distinguer et de mesurer les performances individuelles.

  1. Un cas concret d’étude pour une productivité renouvelée

Une usine de réparation d’une multinationale d’électronique a connu une amélioration spectaculaire de sa capacité à observer la productivité de ses employés après avoir mis en place des robots les accompagnant tout au long du processus de réparation.

En raison du fait que les machines, contrairement aux humains, ne se fatiguent pas physiquement lorsqu’elles effectuent des tâches redondantes, ces dernières ont pu réaliser des opérations bien plus consistantes. Cet état de fait a permis de réduire les écarts dans le processus de production et a permis aux responsables d’observer plus clairement les comportements individuels des employés, relevant une tendance constante à être plus productifs le matin que l’après-midi, avec une variation substantielle de leur productivité en deuxième partie de journée. En conséquence, de nombreux travailleurs se retrouvent avec plus de réparations à effectuer plus tard dans la journée, alors qu’ils se précipitent pour essayer d’atteindre leurs quotas quotidiens, générant ainsi moult erreurs et rebuts.

Au sein de cette grande entreprise, l’intégration de robots dans le processus de réparation a facilité le suivi de la productivité de chaque employé de deux manières.

  • Primo, la nature des gaps commis par les robots, de par leur répétabilité et cohérence, rend les erreurs humaines plus faciles à identifier.
  • Secundo, les robots eux-mêmes ont fourni des données précises sur leurs propres performances, ce qui permet d’isoler plus facilement les résultats de performance, positifs et négatifs, causés par le comportement humain.

Cette capacité de génération de données a permis aux responsables de mieux surveiller la productivité globale et de détecter plus facilement les faiblesses du processus de production.

Les responsables d’ateliers de réparation, par exemple, n’étaient pas conscients de l’ampleur du comportement de précipitation vécu et ses conséquences, caractéristique des deuxièmes parties de journée, jusqu’à ce que les cobots soient durablement intégrés au processus de production. Une fois le problème clairement reconnu, ils ont alors pu réorganiser le processus de travail afin de réduire les erreurs engendrées.

Ces types d’améliorations en termes de mesure de la performance peuvent avoir des effets particulièrement intéressants sur la productivité, en combinaison avec des incitations basées sur les prouesses individuelles. En effet, s’il est plus facile d’observer et de mesurer la performance des employés de façon spécifique au sein des organisations, les bons élèves − qui peuvent avoir reçu peu de récompense ou de reconnaissance en raison des difficultés de mesure − deviennent plus faciles à identifier, à récompenser et les dirigeants, de ce fait, peuvent vraiment tirer le meilleur parti de leurs équipes dans la plus grande transparence et équité.

Les entreprises qui ont réellement adopté des bots ont été en mesure d’offrir des primes incitatives liées directement à la performance individuelle plutôt qu’à celle de l’équipe ou de l’organisation ; principe permettant de distribuer des récompenses accrues aux véritables performers, concourant ainsi à la mise en place soutenable d’un écosystème plus productif.

En conclusion, la robotique contribue à transformer la nature du travail. Au-delà de la suppression de certains emplois et de la création de nouveaux, les robots modifient également la capacité des organisations à tirer le meilleur parti de leurs employés, ainsi que la façon dont le travail en tant que tel est vécu. Les robots collaboratifs offrent une réelle opportunité aux entreprises de repenser les rôles et les responsabilités des humains, donnant à ces entités organisationnelles un avantage concurrentiel sur leurs rivaux, non pas en ayant recours à une technologie supérieure, mais grâce à la conception de meilleurs processus.

In fine, la révolution robotique ne va pas éliminer le besoin en humains. Au contraire, elle apporte à la fois des défis et de nouvelles opportunités à saisir pour identifier, récompenser et gérer le talent humain.

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