Samedi, 14H15: Kim Bolduc annonce à Nasser Bourita le retrait complet du “polisario” de Guergarate

RECIT. Entre le 14 aout 2016 et le samedi 29 avril 2017, le récit d'un bras-de-fer mené de main de maître par le Maroc, avec sang-froid et pour seule arme la légalité. Le bilan est éloquent.

Samedi, 14H15: Kim Bolduc annonce à Nasser Bourita le retrait complet du “polisario” de Guergarate

Le 29 avril 2017 à 18h05

Modifié 11 avril 2021 à 2h39

RECIT. Entre le 14 aout 2016 et le samedi 29 avril 2017, le récit d'un bras-de-fer mené de main de maître par le Maroc, avec sang-froid et pour seule arme la légalité. Le bilan est éloquent.

A 14H15, samedi 29 avril, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, s'installe dans un fauteuil de la salle de réunion du ministère à Rabat pour échanger avec un groupe de journalistes. A peine a-t-il commencé que le téléphone vibre et... il décroche, se dirige vers son bureau. La conversation dure moins de trente secondes. A l'autre bout du fil, Kim Bolduc, représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara et chef de la Minurso. Elle confirme au ministre marocain que le "polisario" s'est effectivement retiré complètement de la zone de Guergarate.

L'échange est bref, sans salamalecs, car Bourita a multiplié les coups de fil pour suivre la situation militaire dans la zone.

Ces quelques mots de Kim Bolduc marquent la fin de 48 heures de surveillance rapprochée, permanente, de la part de la Minurso, sur les éléments armés du "polisario" dans la zone. Derrière les antennes de la Minurso, la vigilance du Maroc et des membres du Conseil de sécurité.

Guergarate pourquoi

Rappelons les faits.

Le dimanche 14 aout 2016 est une date hautement symbolique, celle de l'anniversaire de la récupération de Oued Eddahab. C'est ce jour que le Maroc choisit pour lancer l'opération Guergarate.

Guergarate est un lieu-dit situé sur le mur de défense. Au-delà, il y a une bande de terre faisant moins de 4 km de large, avant d'atteindre la frontière mauritanienne. La zone entre les deux, la frontère mauritanienne et le mur marocain, est ce que l'on appelle une zone tampon, selon les termes du cessez-feu-le-feu signé en 1991 et l'accord militaire n°1 qui lui est annexé.

 

 

La zone tampon s'étend sur 5 km de largeur au-delà du mur de défense. Aucune présence n'y est tolérée, en vertu des accords signés en 1991.

En 1991, la situation était différente. Il n'y avait ni Da'ech ni Al Qaida, ni les menaces terroristes qu'on connaît aujourd'hui. Et il n'y avait pas le trafic commercial terrestre entre le Maroc et l'Afrique subsaharienne.

En 2016, la situation a changé. La zone de 4 km de largeur est un no man's land que l'on appelle Kandahar dans la région. C'est dire. Et on y trouve d'ailleurs de la drogue, du trafic de biens, des armes parfois. 

Pour le Maroc, la situation est dangereuse. Elle menace sa propre sécurité ainsi que la sécurité d'un trafic devenu stratégiquement aussi vital que l'est la relation avec l'afrique au sud du Sahara. 

Guergarate est vital pour le Maroc. Pour l'Algérie, un pourrissement à Guergarate, une obstruction du trafic et c'est un vieux rêve qui se réaliserait: celui d'encercler le Maroc

Le Maroc prend la décision de nettoyer la zone. Il prévient la Minurso, l'ONU et la Mauritanie. Il enlève 600 carcasses de véhicules. Après, il entame la construction d'une route directe, plutôt que les innombrables pistes utilisées pour divers trafics. 2,8 km sont réalisés jusqu'à présent. Il reste 800 mètres jusqu'à la Mauritanie. L'essentiel est fait.

La décision d'y aller est une décision délicate mais inévitable. Plutôt que de garder une épine au pied, supprimer des menaces sur la frontière septentrionale du Maroc, sécuriser le trafic terrestre vers la Mauritanie.

L'Algérie et le "polisario" recherchent l'escalade

Au cours des premières semaines qui suivent le déclenchement du nettoyage, il y a des menaces et de la propagande du "polisario" mais le Maroc poursuit le nettoyage, puis la construction de la route.

A partir d'octobre, la situation s'envenime. L'Algérie voit arriver l'échéance du sommet d'Addis Abeba et le retour du Maroc dans le cénacle africain, comme un processus qui devient inexorable. D'octobre à fin janvier, toutes sortes de provocations sont utilisées: l'objectif est de saboter le retour du Maroc en provoquant des escarmouches militaires. Le Maroc arrive à garder son sang-froid en ne perdant pas de vue l'objectif principal, qui est l'Union Africaine.

Après l'accession triomphale à l'UA, le Maroc laisse passer quelques semaines puis "plie" l'affaire en trois jours.

Le 24 février, le Roi téléphone à Guterres, nouveau secrétaire général de l'ONU. Au cours de cet entretien, le Roi dénonce "les incursions répétées des éléments armés du "polisario" et leurs actes de provocation".  

Le Roi a demandé au secrétaire général de l'ONU de "prendre les mesures urgentes et nécessaires afin de mettre un terme à cette situation, qui menace sérieusement le cessez-le-feu et met en péril la stabilité régionale". 

Le samedi 25 février, le secrétaire général publie une déclaration officielle sur Guergarate:

Selon la déclaration de Stéphane Dujarric, “le secrétaire général appelle les deux parties à exercer un maximum de retenue et à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter une escalade des tensions, que cela soit par des voies militaires ou civiles“. Le communiqué publié au nom d’Antonio Guterres affirme que “le trafic commercial régulier“ entre le Maroc et la Mauritanie, et au-delà, le Sénégal, le Mali et le Niger, “ne doit pas être obstrué“.

Le secrétaire général a de nouveau appelé au retrait des armes de la zone-tampon placée depuis plus de 25 ans sous la surveillance de la Minurso.

Retrait unilatéral du Maroc

Le dimanche 26 février, le Maroc annonce un retrait unilatéral sur instructions du Roi Mohammed VI. Il laisse ainsi le "polisario" face à la communauté internationale.

Le Roi Mohammed VI tient ses troupes qui sont disciplinées. Elles obéissent mais il y a des moments où l'on ronge son frein, lorsque le "polisario" pose devant l'Atlantique, caillasse les véhicules marocains, essaie d'humilier les conducteurs, fait mine de tamponner les passeports. Les Marocains restent de marbre, alors qu'intérieurement ils savent qu'ils peuvent nettoyer toute la zone en quelques heures. Mais c'est ce que cherche l'ennemi.

Le Roi Mohammed VI suit l'affaire de près et la suite des événements va lui donner raison.

Il donne comme instruction d'informer le secrétaire général et les membres du Conseil de sécurité des moindres détails, d'une manière factuelle, photos à l'appui. C'est ce que fait le Maroc. 15 pays et trois autres destinataires dont le secrétaire général, reçoivent des rapports objectifs, factuels, étayés, parfois tous les jours.

Jusqu'à mercredi dernier 26 avril, des dirigeants du "polisario" continueront à déclarer: "notre présence à Guergarate est définitive, c'est un territoire libéré". On va voir qu'il s'agit de fanfaronnade.

Le 10 avril, le rapport du secrétaire général consacre plusieurs paragraphes à Guergarate qui devient le principal sujet de son document, ou presque. Ils sont sans appel pour le "polisario". Guterres demande au Conseil de sécurité d'exhorter d'une manière insistante le "polisario" à un retrait immédiat, complet, définitif et inconditionnel.

Au conseil de sécurité, un projet de résolution circule: il condamne le "polisario" pour sa présence à Guergarate et lui donne 30 jours pour se retirer. L'Algérie s'active en coulisses pour supprimer ce passage. Mercredi soir, l'Algérie et le "polisario" se rendent compte qu'ils ont perdu la partie.

Jeudi matin 27 avril, jour prévu pour le vote de la résolution, le "polisario" laisse passer les véhicules sans un regard. La Namibie remet à la présidence américaine du Conseil de sécurité, une lettre du "polisario" annonçant un retrait immédiat de Guergarat. La lettre évoque un "redéploiement", pour ne pas montrer que la partie est perdue sur toute la ligne.

La présidence américaine reporte au lendemain le vote. Vendredi matin 28 avril, un retrait est annoncé effectivement. Le Maroc écrit à son tour à la présidence américaine: il récuse le terme "redéploiement" et appelle à la vigilance. Vendredi et samedi, la Minurso surveillera le retrait "vers les bases de départ" précise Nasser Bourita. Dans la nuit de vendredi à samedi, quelques véhicules sont encore là. Le "polisario" répond qu'il y en a un en panne et d'autres pour lui porter assistance. Samedi à 14H15, Kim Bolduc annonce à Bourita que le retrait est complet.

Mais le Maroc entend rester vigilant.

Bilan:

1. La route est goudronnée, la zone nettoyée et sécurisée, le trafic routier est désormais protégé par la Minurso, l'ONU rappelle dans sa résolution, l'importance du trafic commercial ainsi que le statut de la zone tampon.

2. La zone tampon n'est pas une zone libérée. Fin d'un mythe propagandiste.

Leçons:

1. Le Maroc a remarquablement manoeuvré. Les événements lui ont donné raison.

2. Il a travaillé d'une manière séquentielle, un objectif après l'autre. Dès qu'on objectif est atteint, on construit dessus pour atteindre le second objectif.

3. Le Maroc, ni par la manoeuvre ni par la voie militaire. Il a gagné par le recours à la légalité internationale.

Source principale du récit: Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères. Rencontre avec la presse samedi 29 avril 2017.

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